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Mettre en place une politique RSE pour une entreprise ETI ou TPE, est-ce bien raisonnable ?
18/04/2024
Ce serait un leurre de penser que les petites entreprises ne sont pas concernées par la RSE , parce que les règlementations ne les ont pas encore incluses dans leur dispositif.
Vous êtes Dirigeant ou Directeur Financier d'une Société de petite taille ou de taille intermédiaire, vous n'avez donc pas encore d'obligations réglementaires en termes de RSE. Mais, en tant que citoyen, ne vous sentez-vous pas cependant concerné par le problème du réchauffement climatique ? Ne vous tenez-vous pas informé sur les évolutions futures de ces réglementations ?
Les communications concernant la RSE sont nombreuses et confuses. Elles ne permettent pas une approche pragmatique et rapide de sa mise en oeuvre pour les TPE / ETI.
Sans instructions précises et en tant que chef d'entreprise, vous avez forcément de nombreuses interrogations : Quelles actions mettre en place ? Quel budget prévoir ? Quel planning dérouler ? Quels engagements prendre ?
Ces conseils basés sur des retours d'expérience peuvent-être une source de clarification.
Pourquoi mettre en place une politique RSE alors même qu'elle n'est pas obligatoire ?
Notre écosystème est constitué de différentes parties prenantes : celles qui sont liées par un contrat - managers, collaborateurs, associés, clients & fournisseurs - et celles sur laquelle l'activité de l'entreprise a un impact ou vice versa - État, société civile, communauté locale, planète.
La décision d'une nouvelle stratégie ne peut se faire sans la prise en compte de tout cet écosystème.
Face aux phénomènes climatiques plus visibles, fréquents et gagnant en intensité, un réveil des consciences se met en place en faveur de la réduction des GES [1] . Cela se joue au niveau de la sphère privée mais aussi dans la sphère professionnelle où les collaborateurs, notamment, sont de plus en plus attentifs aux engagements pris par leur société (cf. schéma 2).
De nombreuses entreprises sont aujourd'hui confrontées à la recherche et à la rétention de leurs talents.Les collaborateurs cherchent un sens à leur travail et expriment leur fierté d'évoluer au sein d'une entreprise qui prend en compte les enjeux sociaux et environnementaux. Ainsi, ils sont plus engagés, contributeurs et motivés.
C'est donc un « Win-Win » pour les salariés, pour l'entreprise ainsi que pour la planète.
Au-delà des deux parties prenantes que sont Planète et Collaborateurs, la relation avec les Clients pèse dans la démarche ESG[2]. Toute société de services aux entreprises fournit des prestations et fait donc partie du scope 3 de ses clients (cf. schéma 3).
Il est donc important de pouvoir répondre à leurs exigences RSE déclinées dans les appels d'offre. La notation RSE devient de plus en plus importante, voire éliminatoire dans de nombreux marchés.
Les sociétés qui ne s'y conformeront pas finiront par être exclues des contrats.
Schéma 3 : Définition des scopes (source Quartz Insight 2023)
Les relations avec les banques et les investisseurs sont aussi un paramètre majeur à prendre en compte dans la décision de mettre en place ou non une stratégie RSE. Pour se conformer au pacte vert Européen qui prévoit la neutralité carbone à horizon 2050, dix actions de la finance durable ont été définies. La première de ces actions correspond à la taxonomie EU. Celle-ci a pour but de réorienter les flux financiers des investisseurs vers les activités vertes et donc vers les sociétés dites durables. Dès lors, rien d'étonnant à ce que l'accès aux sources de financement soit facilité pour les entreprises qui ont construit une vraie politique RSE.
De plus, construire une politique RSE, peut vous aider dans l'obtention de prêts bancaires, peut vous débloquer des subventions de l'ADEME[3] ou vous faire bénéficier des aides de formation au travers du FNE[4] dans le cadre de la transition bas carbone.
Le fossé va se creuser entre les entreprises qui prennent en compte la demande des parties prenantes - planète, collaborateurs, clients, investisseurs - et celles qui vont les ignorer. Ces dernières seront tôt ou tard rattrapées par les réglementations européennes et les décrets d'applications français.
Si aujourd'hui les TPE ne sont pas concernées par les directives définies par les États ou l'EU, dès 2027 les sociétés cotées de plus de 10 personnes seront impactées, notamment par la CSRD[5].
Il est donc important de se mettre en ordre de marche dès maintenant et sans attendre l'évolution des règlementations. En d'autres termes, la survie de nos entreprises passe par ces transformations nécessaires, de façon proactive.
Quels sont les prérequis au démarrage de cette démarche ?
On peut synthétiser les prérequis d'une démarche de durabilité en trois points : engagement de la direction, conduite du changement et équipe dédiée.
La mise en place d'une politique de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) nécessite une volonté forte de changement et donc l'engagement total de la Direction. Cet engagement est le seul moyen de mobiliser tous les collaborateurs dans cette aventure.
Assurer la compréhension de la stratégie de l'entreprise par les salariés permet de favoriser l'adhésion et la participation active des équipes.
C'est pourquoi, la conduite du changement de ce chantier doit être mise en place tout au long du projet permettant la sensibilisation de tous aux pratiques durables.
La démarche de durabilité est identique à celle de tout projet : savoir où on en est, où on veut aller et comment.
Les étapes de la démarche sont standardisées : établir le diagnostic, définir les priorités et la stratégie, implémenter et évaluer les résultats.
L'analyse des résultats entraine de facto un nouveau plan d'actions correctives, pour atteindre la neutralité carbone selon la trajectoire définie. C'est un process itératif.
Schéma 4 : Démarche RSE (source Quartz Insight 2024)
Le diagnostic RSE permet de faire le point sur les politiques et documents existants dans la société et sur les enjeux non couverts à date.
La construction d'une stratégie va inclure les décisions concernant les engagements, les objectifs, les actions spécifiques, le budget à allouer, la définition du planning et le pilotage des priorités de chaque module.
Dans le même temps, il faut s'assurer que cette politique soit conforme avec les valeurs de l'entreprise, et qu'elle soit réalisable.
La phase d'implémentation peut alors commencer.
Les étapes de l'implémentation
Il faut appliquer la démarche step by step : un module RSE à la fois.
Schéma 5 : Implémentation de Démarche RSE (source Quartz Insight 2024)
Concernant le pilier Environnement, travailler selon deux axes semble l'approche la plus efficace : un axe structuré et un déstructuré.
Pour le travail structuré, il faut établir son bilan carbone, la trajectoire pour 2030 et définir le plan d'actions pour réussir à tenir la trajectoire. Pour ce faire, les méthodes éprouvées ABC[6], SBTi[7] et ADEME sont à disposition des entreprises engagées dans leur transition bas carbone.
Des réunions plénières, plus déstructurées, peuvent permettre de libérer la parole. Ces discussions peuvent faire émerger des idées visant la réduction de notre empreinte carbone, aussi bien dans la sphère de « l'entreprise » que dans la sphère « privée ».
Concernant le volet RH et Social, il est possible là aussi de travailler sur deux axes : compléter les documents fondateurs manquants « Charte éthique, Qualité de vie au travail, Charte de télétravail, Charte achat » et sensibiliser les collaborateurs.
La liste des sensibilisations ci-dessous n'est pas exhaustive mais permet d'avoir un premier panorama des formations possibles : Climat, Durabilité, Inclusion au travail, l'Égalité Homme / Femme, RGPD[1], Cyber Sécurité et lois anti-corruption.
L'ensemble de ces travaux RH conduit à une compréhension complète des nouvelles valeurs et de la démarche de durabilité.
Fort des travaux menés sur les deux piliers « Environnement et Social », il est possible de passer à l'étape suivante qui est la construction du rapport ESG volontaire. Il faut cependant compléter ces études précédentes par l'identification des enjeux les plus importants, les risques et les opportunités associés pour sa propre société.
La construction de la matrice de matérialité avec l'aide des clients et fournisseurs, la détermination des indicateurs clef financiers et extra financiers, seront les deux dernières étapes de finalisation de ce rapport.
Enfin, pour répondre à l'exigence de transparence, il est nécessaire de communiquer sur les engagements pris et les résultats au travers de différents canaux : réunions côté interne, mails, publications LinkedIn et webinaires côté externe.
L'idéal pour la communication externe est de pouvoir afficher une notation d'un organisme indépendant tel que Ecovadis, B Corp ... Avant de choisir votre organisme de notation, il faut étudier les prix, les contraintes et la portée nationale ou internationale de la notation.
Une politique RSE, un véritable levier de croissance.
L'implémentation d'une politique RSE au sein d'une petite entreprise est une formidable opportunité collective d'apprendre, de s'adapter et de progresser vers une approche plus durable et socialement responsable de ses activités. Cette politique donne aussi un avantage compétitif sur la concurrence.
Aujourd'hui la performance financière va de pair avec la performance extra financière, le respect de l'humain, des institutions et des limites planétaires.
Nous sommes tous les artisans de notre future, car comme le dit Valérie Masson Delmotte, Paléoclimatologue et ancienne co-Présidente du GIEC, : « Chaque demi-degré compte, chaque année compte, chaque choix compte ».
[1] GES = Gaz à Effet de Serre
[2] ESG = Environnement, Social & Sociétal, Gouvernance
[3] ADEME = Agence de la transition écologique
[4] FNE = Fond National Européen
[5] CSRD = Corporate Sustainability Reporting Directive
[6] ABC = Association Bilan Carbone - Association pour la transition Bas Carbone
[7] SBTi = Science Based Target initiative