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Vulcain et Thor : les dieux de la décarbonation de Saint-Gobain Pont-à-Mousson
16/05/2024
© Victor Macha
Dans la continuité de son plan stratégique de décarbonation à 200 millions d’euros initié en 2018, Saint-Gobain PAM vient de lancer les travaux pour son projet Vulcain sur son usine de Foug. Il vise à baisser de 62 % les émissions de CO2 du site et de 80 % de ses consommations d’eau. D’ici 2050, l’industriel cherche à atteindre la neutralité carbone.
Du siège de l’Organisation des Nations Unies à New-York jusqu’au pied des pyramides du Caire en Égypte, les bouches d’égout en fonte ductile (1 million chaque année) et autres produits de voirie que fabrique Saint-Gobain PAM se retrouvent partout dans le monde. Le groupe dont l’activité est surtout orientée vers le marché de l’eau (fabrication de tuyaux industriels destination des réseaux d’eau potable et d’assainissement) poursuit ses initiatives pour se décarboner. L’objectif est clair : d’ici 2050, il faudra avoir atteint la neutralité carbone.
Mardi 30 avril, la première pierre du projet Vulcain a été posée à l’usine de Foug en Meurthe-et-Moselle. Il consiste à venir remplacer le cubilot actuel par deux fours électriques à induction. Avec ça, l’industriel qui emploie 4 000 salariés dans le monde, dont la moitié en Lorraine (sur ses sites de Foug, Blenod et de Pont-à-Mousson, là où est basé le siège de l’entité) baissera, sur ce site, ses émissions de CO2 de 62 % et de 80 % ses consommations d’eau. Les équipements devraient être opérationnels à partir de 2026 : « Il s’agit là d’un projet à fort impact environnemental », commente Jérôme Lionet, le directeur général de Saint-Gobain PAM depuis 2021. Foug se dirige vers un changement d’aspect pour devenir « sans fumées ».
Le projet Vulcain est le résultat d’un investissement de 20 millions d’euros, dont plus de 25 % sont financés par l’Agence de la transition écologique (Ademe). Il s’inscrit dans la continuité d’autres actions menées jusqu’à présent : en 2022 déjà, Saint-Gobain PAM a inauguré le plus grand four électrique d’Europe baptisé Thor sur l’usine de Pont-à-Mousson pour accompagner sa transition. « Il sert notamment à recycler les déchets de l’usine et nous permet de fabriquer des tuyaux selon des procédés de fabrication différents de ceux liés aux hauts-fourneaux », assure Jérôme Lionet. Bilan de l’opération : 10 millions d’euros.
Grâce à ces deux outils, Saint-Gobain PAM renforcera ses positions industrielles, avec un volume global cumulé de fonte durable (Thor + Vulcain) qui sera « sans égal en Europe », précise le groupe.
« Depuis 2018, nous déployons notre plan stratégique qui doit nous mener vers la modernisation et la robotisation de nos équipements. C’est comme ça que nous respecterons nos engagements pour 2050. Nous procédons étape par étape. À partir de 2030, nous devrons franchir le cap des 50 % d’économie de CO2. Derrière nos ambitions, ll y a un important travail de formation des équipes à effectuer puisqu’il faut parfois transformer complètement des procédés de fabrication qui sont en place depuis plus de 100 ans », précise le responsable de l’entreprise qui a démarré ses activités le 6 juin 1856, au moment où les mines de fer et de charbon ont été découvertes en Lorraine.
L’enjeu majeur de l’eau
Pour son plan, l’entreprise a déjà débloqué un total de 200 millions d’euros. « À l’échelle de l’ensemble du groupe Saint-Gobain PAM, cela a déjà permis de réduire nos prélèvements en eau de 75 % et de baisser de 16 % de nos émissions de CO2 », affirme le directeur général.
Pour rappel Saint-Gobain PAM est une structure du groupe Saint-Gobain (47,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023 – 160 000 salariés) qui compte elle-même une quinzaine de filiales réparties surtout en Europe, autour d’usines stratégiques comme celles de Pont-à-Mousson ou de Santander en Espagne, mais aussi au Brésil où il existe deux sites d’envergure.
Dans les objectifs, le plan stratégique de Saint-Gobain PAM montre que les enjeux liés à l’eau sont au cœur des préoccupations. « Nous en consommons beaucoup, notamment pour refroidir les pièces que nous produisons. Quand nous avons initié notre plan, nous utilisions 25 millions de mètres cubes d’eau à l’année, soit l’équivalent de la consommation de 500 000 habitants. Même si 90 % de l’eau que nous ponctionnons est finalement réinjectée dans la nature, ça restait important. Aujourd’hui, nous n’utilisons plus que 4 millions de mètres cubes. Nous avons investi 10 millions d’euros pour boucher les fuites qui étaient à l’origine d’importantes pertes. »
« La concurrence doit être équitable »
Les efforts consentis par Saint-Gobain PAM sont-ils suffisamment valorisés ? Sur ses activités, Saint-Gobain PAM doit composer avec une forte concurrence asiatique et notamment indienne. Qui peut poser problème. En 2021, l’industriel lorrain était monté au créneau après que le gouvernement a annoncé une subvention de 4 millions d’euros en faveur de l’un de ses concurrents majeur, l’acteur indien Electrosteel, pour qu’il puisse s’implanter en France. (La commission européenne a en revanche imposé une hausse des taux de douanes à Electrosteel l’année dernière pour contrer les pratiques de dumping fiscal.) « Certains groupes asiatiques ne produisent pas dans les mêmes conditions environnementales ni sociales que nous. Ni d’ailleurs dans les mêmes conditions de marché : depuis l’Europe, nous n’avons pas le droit d’exporter notre production en Inde, mais l’inverse est possible. C’est une concurrence très asymétrique. Dans une période où l’industrie décarbone, engage des millions d’euros pour revoir ses procédés de production et se verdir, il est indispensable que la concurrence soit équitable. Pour tous les sujets qui touchent au carbone et à l’impact sur l’environnement, nous devons tous être à armes égales. Si on nous impose des règles mais qu’on importe des produits qui ne respectent pas les mêmes processus de décarbonation, ce n’est pas juste », développe Jérôme Lionet. Pas de quoi enrayer les bonnes intentions de Saint-Gobain PAM. D’autres projets à l’image de Thor ou de Vulcain pourraient bien voir le jour dans les années à venir.