Le salon des Solutions
environnementales du Grand Ouest

Les Actualités

Label bas-carbone : comment obtenir la certification ?

23/05/2022

Label bas-carbone : comment obtenir la certification ?

Dans la lutte contre le changement climatique, nombreux sont les outils créés. Arielle Guillaumot, avocate à la Cour, développe ici l’intérêt et les avantages du label bas-carbone, conçu pour valoriser des projets très divers à faibles émissions.

La récente parution du dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a souligné à nouveau, si cela était nécessaire, l’urgence à réduire les émissions de gaz à effet de serre pour tenter d’endiguer le phénomène planétaire du dérèglement climatique. Parmi les outils qui ont été imaginés en ce sens, le « Label bas-carbone », créé par le décret n° 2018-1043 du 28 novembre 2018, permet de certifier les projets qui réduisent ou séquestrent des émissions de gaz à effet de serre.

Pour comprendre sa genèse, il faut revenir un instant sur le mécanisme du marché des crédits-carbone, d’abord initié par le Protocole de Kyoto en 1997, et qui s’est ensuite développé de façon volontaire. Les acteurs peuvent y acquérir des crédits-carbone, chacun correspondant à une tonne d’équivalent-carbone évitée, qui ont été attribués à des projets de réduction des émissions. Le but : compenser ses propres émissions résiduelles, ou simplement soutenir des projets vertueux. Pour les porteurs de projet, c’est un moyen de financement utile au développement de leur démarche de réduction des émissions.

Dans ce marché volontaire, les États et les organisations internationales n’ont pas de rôle organisationnel. Il est donc caractérisé par l’existence d’une multitude d’acteurs et de produits générés sans l’aval d’une autorité régulatrice, dont les prix sont fixés de gré à gré. Dès lors, plusieurs labels ont émergé afin de fixer un certain nombre d’exigences auxquels un projet doit répondre pour émettre des crédits-carbone et permettre d’apporter une garantie aux acheteurs.

Jusque récemment, la majorité de ces crédits-carbone échangés concernaient plutôt des projets situés dans des pays en voie de développement, qui pouvaient être certifiés par les labels internationaux leaders du marché, notamment « GoldStandard » et « Verified Carbon Standard ». Pour développer la certification des projets sur le territoire national, le ministère de la Transition écologique a créé en 2018 le « Label Bas-carbone », qui concerne cette fois des projets français.

Après un démarrage timide, le gouvernement semble plus que jamais décidé à donner un véritable coup d’accélérateur au dispositif en 2022. Dernier exemple en date : le décret n° 2022-667 du 26 avril 2022, qui précise que les compagnies aériennes pourront compenser les émissions de leurs vols notamment avec des réductions d’émissions reconnues par le Label bas-carbone.

Le Label bas-carbone est donc appelé à prendre une place de plus en plus importante dans le paysage normatif, au fur et à mesure d’une part, que la procédure se simplifie grâce aux premiers retours d’expérience, et d’autre part, que les obligations de compensations résiduelles des acteurs économiques augmentent.

Quels projets sont éligibles au Label bas-carbone ?

Le Label bas-carbone ne définit pas de typologie de projet particulière qui pourrait être certifiée, de sorte que les projets labellisés peuvent être très divers. Tant les projets de séquestration de carbone, qui ont pour objectif une réduction directe de la quantité de CO2, présente dans l’air grâce à la préservation et à la création de « puits de carbone », que les projets d’évitement peuvent se voir attribuer des crédits-carbone.

Ces projets doivent en revanche répondre à plusieurs critères. En particulier, les projets doivent être additionnels par rapport à un scénario de référence. Autrement dit, ils ne doivent pas bénéficier d’un effet d’aubaine, mais créer une réelle réduction des émissions qui n’aurait pas lieu sans la labellisation, dans le cadre d’un scénario « business as usual ». Le ministère décrit ce label comme un label « de progrès » : « il n’atteste pas la présence d’une bonne pratique, mais certifie que l’on va mettre en place une action supplémentaire qui va améliorer la réduction des émissions ou la séquestration de carbone »1.

La description du scénario de référence est donc primordiale pour remplir cette condition. Ce scénario correspond à la situation la plus probable en l’absence de projet, et doit prendre en compte notamment les contraintes réglementaires et technologiques actuelles, les pratiques usuelles, ou encore les autres incitations économiques à générer moins d’émissions.

Les porteurs de projet doivent en particulier démontrer que sans le financement apporté par les crédits carbone issus de la labellisation, le projet – et donc la réduction d’émissions y afférent – ne pourrait voir le jour. La vente de crédits carbone ne doit pas seulement représenter un financement supplémentaire. Cela signifie par exemple que si des aides publiques ou une source de financement incitative existent déjà, le projet doit aller au-delà de ce qui est déjà réalisé grâce à ces incitations ou doit démontrer qu’elles ne sont pas suffisantes.

Là encore, notons que le paysage normatif se construit autour du Label bas-carbone : le nouveau décret du 26 avril 2022 précité fixe les modalités d’application des principes de la compensation carbone énoncés dans l’article 147 de la loi Climat et Résilience (caractère mesurable, vérifiable, permanent, additionnel et transparent), et précise que les projets labellisés bas-carbone sont réputés respecter ces principes.

Quelle procédure suivre pour labelliser son projet ?

Pour recevoir le Label bas-carbone, les projets doivent se référer au référentiel du label, ainsi qu’à une méthode sectorielle de calcul des émissions approuvée au préalable par le ministère de la Transition écologique. Cette méthode présente les exigences que doivent remplir les projets, en fonction des secteurs (tels que l’élevage ou la foresterie par exemple), et précise les modalités de mise en œuvre des projets.

Si le projet n’entre pas dans une méthode déjà existante, la rédaction d’une nouvelle méthode est nécessaire. Après instruction par la Direction générale de l’énergie et du climat et l’éventuelle consultation d’un groupe d’expertise scientifique et technique, la méthode peut être validée et rendue publique. Fin 2021, étaient par exemple notifiées, c’est-à-dire en cours d’évaluation, des méthodes variées allant du stockage de carbone dans les bâtiments à la restauration de prairies, en passant par le remplacement de véhicules thermiques par des triporteurs ou vélo-cargo2.

Si le projet entre dans une méthode déjà existante, il peut solliciter l’obtention du Label bas-carbone. Il est possible de déposer cette demande à titre individuel, mais également à titre collectif, dans le cadre d’un dossier regroupant plusieurs initiatives sur la base d’une même méthode, et représenté par un mandataire unique.

Depuis le 1er mars 2022, l’instruction des projets est désormais régionale et confiée à la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), en lieu et place de la Direction générale du climat et de l’énergie. Après avoir notifié son projet à l’autorité, le porteur de projet doit déposer une demande officielle de labellisation par le biais d’un document descriptif de projet. La demande est ensuite instruite dans un délai de deux mois, ce délai pouvant être prorogé en cas de questions de la part de l’administration sur le projet. L’absence de réponse vaut acceptation de la demande ; le projet est ensuite inscrit sur la page d’enregistrement des projets du ministère. Le refus de labellisation est toujours motivé.

Pendant tout le long de la durée du projet et parfois dès la validation de la certification, une vérification régulière des réductions d’émissions par un auditeur indépendant doit être réalisée. Elle permet de voir reconnues les réductions à l’issue du projet, qui seront inscrites dans le fichier de suivi des réductions. Des contrôles aléatoires pour s’assurer de la conformité du projet aux exigences du label peuvent également être réalisés. L’autorité en charge de ces contrôles est, depuis le 1er mars 2022, le préfet de région.

Comment se déroule le financement d’un projet labellisé bas-carbone ?

Le financement des projets labellisés n’est pas encadré par le ministère de la Transition écologique. C’est donc au porteur de projet de rechercher les acquéreurs des crédits-carbone liés à son projet. Autrement dit, la certification avec le Label bas-carbone ne garantit pas l’obtention d’un financement du projet – bien qu’en pratique, la demande soit de plus en plus forte pour ce type de transactions. Pour faciliter la rencontre avec les acheteurs potentiels, la liste des projets labellisés figure tout de même sur le site du ministère.

Le prix et le volume des crédits-carbone sont déterminés librement avec l’acheteur. Ces acheteurs peuvent être des acteurs privés mais également des acteurs publics qui souhaitent compenser leurs émissions résiduelles. La traçabilité des financements est cependant assurée par un registre, afin de garantir qu’une même tonne de CO2 évitée ou séquestrée n’est pas financée, utilisée ou vendue plus d’une fois.

Le financement doit impérativement intervenir en amont du projet ou pendant la durée de validité du projet, avant la reconnaissance des réductions d’émissions. Concrètement, la balance du risque varie en fonction du moment choisi de financement. Pour un projet financé très en amont, dès la conception du projet voire de la méthode, le risque pour le financeur est élevé mais l’option est plus incitative pour les porteurs de projet qui peuvent réaliser les aménagements nécessaires et se lancer dans la procédure de labellisation avec une garantie de financement. Au contraire, certains acquéreurs peuvent préférer attendre les premières vérifications du projet, souvent au bout de cinq ans, ce qui fait disparaître le risque. En revanche, pour le porteur de projet, cette solution n’est pas idéale dès lors que le financement intervient très tardivement dans sa démarche, et qu’il doit donc financer autrement le début du projet et la labellisation.

Le Label bas-carbone présente donc le double avantage de relancer le marché des crédits carbone sur le territoire français, avec un cadre strict garantissant le sérieux des projets, et de présenter une source de financement importante pour inciter à la transition Bas-carbone. « Compenser » d’un côté pour mieux « réduire » ou « éviter » les émissions de l’autre, une dynamique intéressante si elle venait à se développer à grande échelle sur le territoire national.

Avis d’expert proposé par Arielle Guillaumot, avocate à la Cour, Cabinet Huglo Lepage Avocats

_________________________________________________________________

1 Label bas-carbone, Guide Pédagogique, ministère de la Transition écologique, 10 avril 2020, p. 12.

2 Liste des projets de méthodes ayant été notifiés pour le Label bas-carbone, ministère de la Transition écologique, 1er septembre 2021.

www.actu-environnement.com

Annonce Publicitaire