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Des pesticides dans les nuages au sommet du puy de Dôme : « On en a trouvé dans tous nos échantillons »
26/09/2025
Au sommet du puy de Dôme, à 1465 mètres d'altitude, le laboratoire de météorologie physique de l’Université Clermont-Auvergne est un outil scientifique unique en France./LP/Geneviève Colonna d'Istria
Une étude menée au sommet du puy de Dôme démontre la présence de pesticides en quantité importante dans les nuages. Jusqu’à 140 tonnes de substances actives, dont certaines sont interdites depuis des années.
À 1 465 m d’altitude, sur le toit des volcans d’Auvergne, on s’attend à respirer de l’air pur. Et pourtant. Une étude menée par le laboratoire de météorologie physique de l’Université Clermont-Auvergne (UCA) révèle que les nuages qui coiffent le puy de Dôme sont chargés d’un cocktail invisible : 32 pesticides différents, dont certains interdits depuis des années.
« Je ne m’attendais pas à en trouver dans tous nos échantillons », confie Angelica Bianco, chercheuse au CNRS et première autrice de ces travaux qui viennent d’être publiés dans « Environmental Science & Technology », une revue scientifique bimensuelle. Avec son équipe, elle a collecté six échantillons d’eau de nuage, à la fin de l’été 2023 et au printemps 2024, grâce à un étonnant appareil surnommé « l’aspirateur à nuages », situé au sommet du plus célèbre volcan d’Auvergne. Résultat : « Tous contiennent des pesticides. Et dans deux cas, les concentrations dépassent même les seuils européens fixés pour l’eau potable. »
Des substances qui voyagent loin
Herbicides, fongicides, insecticides… et même du DEET, principe actif des répulsifs anti-moustiques. « Nous avons analysé plus de 440 composés. Trente-deux sont ressortis positifs, y compris des produits interdits en France. C’est la preuve qu’ils voyagent très loin, portés par les vents. » À 1 500 m d’altitude, les nuages captés ne sont pas influencés par la pollution locale : « Nous sommes dans une atmosphère libre, donc ce que nous observons n’est pas lié aux champs voisins, mais bien à un transport sur longue distance », insiste la scientifique.
Et les chiffres donnent le vertige : en extrapolant les mesures à l’ensemble des nuages bas et moyens couvrant la France, l’équipe estime que 6 à 139 tonnes de pesticides circulent dans le ciel. « Je m’attendais à des kilos. Nous avons trouvé des tonnes », souffle Angelica Bianco.
Faut-il pour autant paniquer ? « Non, les concentrations sont extrêmement faibles, de l’ordre du nanogramme ou du microgramme par litre. Mais ce qui est préoccupant, c’est l’exposition chronique et le fait que même les nuages, que l’on imagine purs et vierges, sont contaminés. » Ces substances retombent ensuite au sol avec la pluie ou la neige, atteignant cours d’eau, sols et écosystèmes. « Cela signifie que même les zones les plus éloignées de l’agriculture, comme les montagnes ou les pôles, reçoivent aussi des pesticides. »
Un signal d’alerte
L’étude, pionnière en Europe, ne prétend pas mesurer un danger sanitaire immédiat, mais elle change la perception. « L’image du nuage blanc, propre, est trompeuse. Ce que nous avons trouvé, c’est un cocktail chimique qui voyage au-dessus de nos têtes », résume la chercheuse.
L’aspirateur à nuages du puy de Dôme reste pour l’instant un instrument scientifique unique en France, mais les travaux pourraient inspirer d’autres stations en Europe. Angelica Bianco, elle, espère poursuivre ses recherches : « Six échantillons, c’est encore peu. Il faut élargir nos recherches à présent. »


























