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Rester sous 1,5 °C n'est désormais plus atteignable
23/06/2025

A Los Angeles, en Californie, des incendies amplifiés par la crise climatique - JOSH EDELSON/AFP
Emissions de gaz à effet de serre, hausse des températures, budget carbone, élévation du niveau de la mer, déséquilibre énergétique de la Terre... une nouvelle étude publiée ce jeudi 19 juin par 61 scientifiques participant aux travaux du GIEC tire la sonnette d'alarme sur l'état du changement climatique au niveau planétaire.
+0,27°C, c’est le rythme du réchauffement climatique par décennie au cours des 10 dernières années (2015-2024). C’est ce que révèle la nouvelle mise à jour des indicateurs clés du changement climatique planétaire, publiée ce jeudi 19 juin par 61 scientifiques de 54 instituts différents et 17 pays, dans la revue Earth System Science Data (ESSD). Alors que l’influence humaine sur le climat ne cesse de progresser, faisant grimper les émissions de gaz à effet de serre à un rythme de 54 milliards de tonnes de CO2 équivalent par an au cours de la décennie 2015-2024, l’ensemble des données est sans surprise au rouge. Cette augmentation des émissions est en effet principalement liée à l’utilisation toujours croissante des énergies fossiles au niveau mondial, ainsi qu'à la déforestation. En parallèle, la diminution des émissions de dioxyde de soufre (SO2), pour améliorer la qualité de l’air, a réduit l’effet “parasol” refroidissant des particules soufrées.
"Cette étude sert à assurer un suivi régulier du changement climatique, et combler en quelque sorte le manque lié aux délais de publication des rapports du Giec (la dernière synthèse sur les éléments physiques du climat, dite AR6, date de 2021, ndr)", explique Aurélien Ribes, chercheur au Centre national de recherches météorologiques (Météo-France / CNRS), lors d'une conférence de presse. "C’est une boussole pour comprendre où nous en sommes", ajoute Valérie Masson Delmotte, Directrice de recherche au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement du CEA (CEA/CNRS/Université Versailles St-Quentin).
La Niña ne s’est pas produite en 2024
Les données montrent que 2024 est "très probablement" la première année calendaire à avoir franchi la barre symbolique de +1,5°C avec un réchauffement annuel de +1,52°C, dont +1,36°C attribuable aux activités humaines. "Une année record mais pas surprise étant donné le niveau des émission de gaz à effet de serre", souligne Christophe Cassou, directeur de recherche au Laboratoire de météorologie dynamique à l'Ecole Normal Supérieure du CNRS (CNRS/Ecole Polytechnique/ENS-PSL/Sorbonne Université). Une année qui pose toutefois des questions, souligne le scientifique.
"En 2024, le phénomène La Niña, qui aurait dû entraîner un refroidissement de la température globale, ne s’est finalement pas produit. La température s’est donc maintenue à un niveau élevé. On note aussi un affaiblissement de l’albedo planétaire, c'est-à-dire la capacité de la planète à réfléchir une partie du rayonnement solaire vers l’espace, pour des questions de fonte de la banquise mais aussi de diminution des nuages bas en 2023 et 2024 dans le Pacifique et dans l’Atlantique. Aujourd’hui, nous sommes en phase de recherches pour essayer d’attribuer ces phénomènes aux différents facteurs possibles", précise Christophe Cassou.
Le taux d’accumulation d’énergie résultant de la hausse de la température globale a ainsi atteint environ 1 watt/m2 pour la période 2012-2024. C’est 25% de plus qu’en 2006-2018 et le double du taux des années 1970-1980. Cet excès d’énergie entraîne des changements dans chaque composante du système climatique, et notamment le réchauffement de l’océan (qui stocke 91% de l’excès d’énergie) et par conséquent la montée du niveau moyen de la mer, qui a atteint +22,8 centimètres entre 1901 et 2024.
Epuisement du budget carbone
Du côté du budget carbone disponible pour espérer rester sous 1,5°C de réchauffement (avec 50% de chances), soit la quantité d'émissions de CO2 équivalent que l'on peut émettre pour rester sous 1,5°C de réchauffement, il a drastiquement été revu à la baisse, passant de 500 milliards de tonnes de CO2 en 2021 à 130 milliards de tonnes de CO2 en 2025, soit environ l’équivalent de trois années d’émissions actuelles. Cela représente une baisse de 74% par rapport aux projections du 6e rapport du Giec. "Le dépassement du seuil de 1,5 °C est désormais inéluctable", estime Pierre Friedlingstein, directeur de recherche au Laboratoire de Météorologie Dynamique du CNRS.
"Nous allons rapidement atteindre un niveau de réchauffement de 1,5°C, et la suite dépend des choix qui vont être faits : nous pouvons, en réduisant fortement les émissions de gaz à effet de serre, limiter l’ampleur du réchauffement à venir, et protéger les jeunes générations de l’intensification des évènements extrêmes", conclut Valérie Masson-Delmotte. Alors que les négociations climatiques en amont de la COP30 de Belém se tiennent à Bonn jusqu’au 26 juin, dans un contexte particulièrement difficile, seules 22 parties ont remis leurs nouvelles contributions climatiques. Manquent encore celles de l’Union européenne, de la Chine et de l’Inde.
En France, les émissions marquent le pas avec une baisse de 1,8% en 2024 par rapport à 2023, selon les estimations du Citepa. "Le ralentissement du rythme de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre en 2024, à un moment où certains responsables politiques remettent en cause par pur opportunisme politique la transition écologique, nous rappelle plus que jamais que le chemin à parcourir reste long et que nous ne devons surtout pas baisser la garde", a commenté la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher. Pour tenir les objectifs climatique de la troisième Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), en cours de révision, la baisse des émissions doit être de l’ordre de 5% par an entre 2022 et 2030, souligne le Citepa.