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Algues vertes : « La Bretagne doit arrêter d’être la poubelle de la France »

05/07/2025

Algues vertes : « La Bretagne doit arrêter d’être la poubelle de la France »

Militant historique de la lutte contre les algues vertes, Yves-Marie Le Lay salue la décision de la cour administrative d'appel de Nantes qui reconnaît « enfin que les algues vertes tuent ». - F. Tanneau / AFP

Président de l’association Sauvegarde du Trégor, Yves-Marie Le Lay salue « une décision historique » après la condamnation mardi de l’État qui devra indemniser la famille d’un joggeur, mort asphyxié à cause des algues vertes en 2016

L'essentiel

  • La justice a reconnu mardi la responsabilité des algues vertes dans la mort d’un homme et condamné l’Etat à indemniser sa famille.
  • Militant historique de la lutte contre les algues vertes, Yves-Marie Le Lay salue la décision de la cour administrative d’appel de Nantes qui reconnaît « enfin que les algues vertes tuent ».
  • Selon lui, la Bretagne ne pourra en finir avec ce fléau qu’en changeant complètement de modèle agricole.

Comme un cheval et des sangliers avant lui, ce sont bien les algues vertes qui ont causé la mort de Jean-René Auffray. Alors qu’il était parti faire un jogging à Hillion (Côtes-d’Armor), ce coureur aguerri de 50 ans avait été retrouvé sans vie le 8 septembre 2016 dans une vasière infestée d’algues vertes dans l’estuaire du Gouessant. L’autopsie avait conclu à un œdème pulmonaire massif et fulgurant mais sans qu’on en sache la cause.


L'estuaire du Gouessant où un joggeur a trouvé la mort en 2016 est régulièrement infestée par les algues vertes. - F. Guiziou/ Hemis / AFP

Mais revirement mardi avec la cour administrative d’appel de Nantes qui a reconnu pour la première fois que Jean-René Auffray avait bien été asphyxié par les émanations d’hydrogène sulfuré se dégageant des algues en putréfaction. Et condamné par la même occasion l’État à indemniser ses proches. Militant historique de la lutte contre les algues vertes, Yves-Marie Le Lay, président de l’association Sauvegarde du Trésor, réagit pour 20 Minutes à cette décision.

Quel est votre sentiment après cette condamnation de l’État ?

C’est une décision historique ! C’est d’abord un soulagement pour la famille qui s’est battue pendant neuf ans pour faire reconnaître cet accident qui était malheureusement prévisible. Et c’est aussi le triomphe de l’État de droit qui s’exerce enfin en France, ou tout du moins en Bretagne. Une cour de justice dit enfin que les marées vertes tuent, ce que nous n’arrêtons pas de dire depuis 2008. Et ce scandale des algues vertes dure depuis plus de cinquante ans. Je considère que c’est la plus vieille pollution toxique en Bretagne. D’autres pollutions toxiques ont été reconnues avant comme l’amiante mais là, cette pollution est officiellement avérée et on ne peut que s’en féliciter. Mais derrière cette pollution, il y a aussi une pollution institutionnelle.

Qu’entendez-vous par là ?

Personne n’avait jusqu’alors osé dire que les algues vertes avaient tué. C’est dire l’omerta et le blocage qui règnent dans toutes les institutions bretonnes, qui ont peut-être aussi inconsciemment contaminé les institutions judiciaires. Tous ceux qui gouvernent la région, les élus, les conseillers généraux et beaucoup de maires sont dans le déni. Ils ne veulent pas remettre en cause les marées vertes car sinon, ils pensent qu’ils vont ébranler toute l’économie bretonne.

Vous pointez là du doigt le puissant lobby agro-industriel ?

Dans ce dossier, c’est bien l’État qui est condamné et c’est bien normal car c’est lui qui détient la puissance publique. Mais on voit bien que les pouvoirs publics sont aux mains de ce lobby agro-industriel. La visite de Yaël Braun-Pivet la semaine dernière dans la baie de Saint-Brieuc est d’ailleurs révélatrice de ces liens et de ce refus de reconnaître leurs responsabilités. La présidente de l’Assemblée nationale a quand même osé dire que les algues vertes n’étaient pas « un fléau mais un cadeau » pour la Bretagne. Vous vous rendez compte ! C’est d’abord un véritable outrage aux victimes et cela veut aussi dire que l’on considère les algues vertes comme une ressource. Je veux bien entendre que les algues soient considérées comme une ressource mais sûrement pas les algues vertes.

Après cette décision, comment comptez-vous poursuivre le combat ?

Maintenant que les responsables ont été désignés, on veut maintenant identifier les coupables. Car c’est trop facile de dire responsables mais pas coupables. Et il y en a des coupables. Toutes celles et ceux qui ont porté ces plans de lutte contre les algues vertes depuis quinze ans avec la situation que l’on connaît aujourd’hui. Tous ces responsables de collectivités qui ont donné leur accord à ces plans. Et on peut aussi considérer les chambres d’agriculture comme complices. On prépare donc une plainte pour atteinte grave à la biodiversité après la mort de sangliers cet hiver en baie de Saint-Brieuc.

Et l’autre volet, celui que craint peut-être plus l’État, c’est l’Europe. Le jugement de mardi a confirmé que la France n’avait pas respecté les directives européennes sur les nitrates. Donc cela va peut-être un jour se terminer devant une cour de juridiction européenne et là, l’État ne pourra plus se débiner. On en arrivera peut-être alors à devoir supprimer 30 % du cheptel porcin comme cela a été le cas au Pays-Bas ou au Danemark. C’est ce qu’il faudrait mais si l’État ne le fait pas, il faut le contraindre à le faire.

Pensez-vous que la Bretagne en finira un jour avec ce fléau des marées vertes ?

Il faut pour cela revoir complètement le modèle agricole breton et arrêter l’élevage intensif hors-sol sur les bassins-versants des baies algues vertes. Sinon, ce n’est pas la peine, vous perdez votre temps et on aura toujours des algues vertes. Il faut aussi montrer que d’autres cultures sont possibles en Bretagne, comme le lien ou le chanvre, qui sont des cultures d’avenir. Pourquoi continuer à faire toujours du cochon et du cochon ?

Il faut que la Bretagne arrête d’être la poubelle de la France. 60 % du lisier français est en Bretagne, donc ça suffit ! Mais non, certains considèrent encore qu’il en faut plus. Tant qu’on suivra cette logique, c’est sûr qu’on ne s’en sortira pas.

20minutes

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