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C’est quoi, ce programme colossal de captage du CO2 dans l’Ouest ?

04/11/2025

C’est quoi, ce programme colossal de captage du CO2 dans l’Ouest ?

Le terminal méthanier Elengy de Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique) sera le centre de liquéfaction et de transit du CO2 capté à l’entrée des cheminées des industries polluantes, par le consortium GOCO2. | OUEST FRANCE ARCHIVES F. DUBRAY.

4,38 milliards d’euros d’investissements dans les Pays de la Loire, 375 km de canalisations dans cinq départements et de futurs carburants de synthèse : voilà le résumé des méga projets, convergeant vers Saint-Nazaire, pour évacuer ou réutiliser le carbone industriel. Explications.

Sur quoi porte la concertation qui vient d’ouvrir ?

Depuis le 29 septembre, le public peut participer à la concertation préalable sur le projet GOCO2. « GO » pour « Grand Ouest », mais on pourrait aussi traduire ce nom par « le carbone s’en va ». Où ça ? En mer du Nord, où il sera enfoui, notamment dans d’anciens puits de forage pétrolier, seules solutions concrètes pour l’instant.

De quel CO2 parle-t-on ?

De celui dégagé par deux grandes cimenteries (Lafarge, Heidelberg) et le producteur de chaux (Lhoist), qui sont au top 50 des usines les plus émettrices de France. GOCO2 espère capter 2,2 millions de tonnes de gaz en sortie de fours, à partir de 2031, avant de l’évacuer vers le port de Saint-Nazaire. C’est l’équivalent des émissions produites par Nantes Métropole.


Sources : GOCO2, Ouest-France.    Infographie : Ouest-France.

Pourquoi existe-t-il une seconde concertation, distincte ?

Le carbone piégé sous la mer n’ira pas renforcer le dérèglement climatique, c’est l’idée de base. Mais environ 10 % du CO2 capté pourrait rester dans l’estuaire de la Loire, pour fabriquer des carburants de synthèse d’avions et de bateaux. C’est le but de deux autres projets industriels, non intégrés à GOCO2 : Take Kair à Donges et Green Coast à Montoir-de-Bretagne. Take Kair (EDF), le plus avancé, est en concertation continue depuis septembre. Le producteur nantais d’hydrogène vert Lhyfe porte Green Coast, avec la PME lyonnaise Elyse. Les deux usines auront besoin d’une puissance électrique (510 MW) équivalente à celle du parc éolien marin de Saint-Nazaire.

Quelles sont les sommes en jeu ?

GOCO2, Take Kair et Green Coast représenteraient à eux trois un investissement colossal minimum de 4,38 milliards d’euros. Soit le coût de construction de trois à quatre CHU. Les industriels attendent des gros soutiens publics, sans lequel leurs projets ne seraient pas rentables. L’État a lancé des appels d’offres pour que les gros émetteurs parviennent au zéro émission carbone d’ici à 2050, avec subventions à la clef. Des réponses sont espérées fin 2025. Des projets similaires sont sur les rangs à Dunkerque (Nord) ou Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône).

Comme des tuyaux de gaz naturel

Qui sont les riverains concernés ?

Les habitants du bassin de Saint-Nazaire sont les principaux voisins de ces investissements intégrés « à la décarbonation du Grand Port ». Certains riverains de Montoir s’en inquiètent. Les deux usines de carburants de synthèse seront classées risque Seveso. Comme l’est déjà le terminal méthanier, où Elengy (membre de GOCO2) bâtira la future unité de liquéfaction et de stockage du CO2. La concertation intéressera aussi de près les riverains des cimenteries et des canalisations d’évacuation du CO2, qui passeront en Deux-Sèvres, Mayenne, Maine-et-Loire, Ille-et-Vilaine et Loire-Atlantique.

À quoi ressemblent ces tuyaux de CO2 ?

NaTran, issu de l’ancien Gaz de France, se charge des 375 km de canalisations qui relieront Lhoist (Neau, Mayenne), Lafarge (Saint-Pierre-la-Cour, Mayenne) et Heidelberg (Airvault, Deux-Sèvres) à Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique). Ces canalisations sont similaires à celles dédiées au gaz naturel. Il s’agit de creuser une tranchée d’un mètre minimum de profondeur, d’y poser des tuyaux en acier enrobés d’une protection capable de résister à un coup de pelleteuse et de reboucher. Les canalisations ne passeront ni sous les bourgs, ni sous aucune maison, assure-t-on chez GOCO2. Avantage du CO2 : il est toxique mais pas explosif. La canalisation sera étendue si d’autres industriels veulent s’y connecter.

Comment gérer les obstacles ?

La concertation permettra aussi d’aborder la remise en état des haies et bocages traversés. Le tracé est déjà un peu affiné aux extrémités de la canalisation (bassin nazairien, Deux-Sèvres, Mayenne). Il l’est moins au centre du parcours, où il y a des zones compliquées à franchir (rails…) et des zones à éviter : parcs naturels, grosses agglomérations. Des techniques de forages dirigés, guidés par GPS, permettront de passer sous les autoroutes. Une réunion publique abordera la traversée souterraine de la Loire, le 3 décembre, à Ancenis.

Donges a jeté l’éponge

Pourquoi commencer par les cimentiers ?

Si les cimentiers et les chaufourniers ne fonctionnaient qu’à l’électricité, ils émettraient quand même du carbone. Imparable, quand on broie et chauffe du calcaire, base du ciment et de la chaux. Voilà ce qui rend acceptable le captage et l’enfouissement de ce CO2 « fatal », même aux yeux de grands défenseurs du climat, tels que les experts du Giec. Heidelberg construit déjà, à Airvault, une usine moderne à 350 millions d’euros. Lafarge a développé une ligne de ciment à base d’argile calcinée, alternative au calcaire, à Saint-Pierre-la-Cour.

Et la raffinerie de Donges, alors ?

La technologie du captage du CO2 est complexe et coûteuse. Il faut construire « une usine dans l’usine », dit-on chez Lafarge, pour aspirer les gaz à l’entrée de la cheminée, les laver, les trier, distiller le CO2 à froid pour l’apurer, etc. Ça représente la plus grosse part du budget d’investissement des cimentiers dans GOCO2. Un groupement dont la raffinerie TotalEnergies de Donges, présente au départ, s’est retiré. Pourquoi ? Parce qu’il y a trop de cheminées dans une raffinerie. Il faudrait équiper une vingtaine d’unités !

Que pensent-ils des e-carburants ?

Retour sur les 10 % de carbone déviés pour alimenter des moteurs d’avions ou de navire. « Décarboner les cimenteries va plutôt dans le sens de l’Accord de Paris sur le climat, même si on sera très vigilant sur l’impact des canalisations de GOCO2, commente ainsi Xavier Métay, porte-parole de France nature environnement. Mais on s’interroge sur les e-caburants : pourquoi capter à grands frais du CO2 si c’est pour le relâcher ensuite, alors qu’on n’est même pas capable de taxer le kérosène ? »

Hervé Rivoelen, directeur régional d’EDF, répond que l’usine d’e-kérosène Take Kair utilisera du carbone issu de la combustion de biomasse : « Il a été capté par les arbres, utilisé comme combustible dans une cimenterie. Il va se retrouver lâché dans l’atmosphère par les avions, puis recapté par les arbres pour refaire de la biomasse.» Selon lui, « c’est le cercle vertueux ».

4,38 milliards. Le montant estimé, en euros, de l’investissement nécessaire pour le captage et la réutilisation du CO2 dans la région, répartis comme suit. 2,53 milliards pour GOCO2 : Heidelberg, 0,65 milliard ; Lafarge, 0,40 ; Lhoist, 0,18 ; NaTran, 0,90 ; Elengy, 0,40. 1,85 milliard pour les carburants de synthèse : Take Kair, 0,85 ; Green Coast, 1.

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