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Comment les énergies vertes veulent profiter de la crise

10/05/2020

Comment les énergies vertes veulent profiter de la crise

Les professionnels de l'éolien et du solaire tentent d'accélérer leur essor, sûrs d'être en phase avec le monde d'après Covid-19. Ils sollicitent les pouvoirs publics.

Ces temps-ci, certaines vidéos sur les réseaux sociaux ravissent les promoteurs des énergies vertes. « Vous avez vu celle-là ? » demande au téléphone Nicolas Wolff, patron pour l'Europe de Boralex, l'un des principaux acteurs du renouvelable en France. « Celle-là », c'est la vidéo qui montre des animaux de tout poil : daims, chèvres, sangliers… explorant les rues désertées de nos villes. On comprend bien le message, un peu tiré par les cheveux : l'heure est au retour à la nature, à ralentir nos vies, à la sobriété, l'heure est donc aux énergies renouvelables. Plusieurs grands patrons, dans une tribune récente, l'ont eux aussi affirmé : la relance économique doit être verte.

« La crise doit nous aider à réfléchir à un scénario où 100 % de notre énergie sera fournie par le renouvelable. On ne pourra pas revenir en arrière », assure Nicolas Wolff, par ailleurs président de France énergie éolienne (FEE), qui rassemble la profession. À la tête de Valorem, une autre PME du secteur, Jean-Yves Grandidier estime qu'on est à un point de bascule, mais le gouvernement l'a-t-il bien saisi ? « La menace, c'est que la relance économique se fasse en oubliant les bonnes résolutions, s'inquiète Jean-Yves Grandidier. Nous avons aujourd'hui l'occasion de changer nos habitudes. »

Pour ce faire, les entreprises du renouvelable disposent déjà d'une bonne base de départ. Le 23 avril, le gouvernement a publié le décret de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui établit les objectifs du secteur jusqu'en 2028. Les acteurs de l'éolien et du solaire sont satisfaits. Le décret prévoit qu'à cette échéance la France passera, au minimum, à 34,1 GW (gigawatts) en puissance éolienne, soit plus du double d'aujourd'hui. La FEE estime que cet objectif correspond à environ 6 500 éoliennes en plus sur le territoire d'ici à huit ans. La puissance en énergie solaire devra de son côté atteindre 36 gigawatts en 2028, contre un peu plus de 9 aujourd'hui.

Quid du nucléaire ?

Où le bât blesse-t-il ? Autrement dit, pourquoi la filière s'inquiète-t-elle ? D'abord, la PPE est assez floue sur certains points, ce qui chiffonne les PME du secteur. L'avenir du nucléaire, en premier lieu, n'est pas assez clairement défini à leurs yeux, puisque le décret laisse ouvert la possibilité de mettre en service de nouveaux réacteurs. Or, la filière de l'éolien et du solaire aimerait réduire la place de l'atome, certaine que les éléments naturels seuls (le vent, le soleil, les déchets…) pourront alimenter le pays en électricité. D'ailleurs, avec la baisse de la production nucléaire ces dernières semaines, l'éolien et le solaire ont montré, estime Nicolas Wolff, qu'on pouvait compter sur eux. « Pendant plusieurs jours de la crise, l'éolien a produit environ 20 % de l'électricité française, ce qui est l'objectif édicté dans la PPE pour 2028 », argumente le dirigeant de Boralex.

Ensuite, comme pour éviter tout retour en arrière, les acteurs du secteur aimeraient que l'État lève quelques-uns des obstacles qui les empêchent d'aller plus vite. Les objectifs de la PPE sont fixés en fin de cycle (en 2023 puis en 2028), ce qui ne semble pas idéal à leurs yeux. Nicolas Wolff explique que des objectifs année par année seraient plus pertinents. « Si on voit qu'en 2027 on est en retard sur nos objectifs, on ne pourra pas rattraper en un an, notamment parce que les usines n'auront pas la capacité de nous fournir dans un délai si court ». De plus, la filière souhaite une meilleure répartition entre les lieux où s'élèveront les éoliennes ou les parcs solaires. Certaines régions sont plus propices que d'autres à l'accueil de ces engins, par exemple parce qu'il y a moins d'interdictions liées aux radars ou aux terrains militaires. Et, dans certains départements, les préfets ne sont pas toujours très accueillants. « Certains d'entre eux ont dit de façon publique que, tant qu'ils seraient en poste, il n'y aurait pas d'éoliennes sur leur territoire ! » remarque Nicolas Wolff.

Des éoliennes plus hautes, donc plus puissantes

Autre écueil très français que le secteur aimerait écarter : les contraintes administratives. Avant de mettre en service un parc d'éoliennes, il faut obtenir, selon la FEE, une trentaine d'autorisations ! Les associations anti-éoliennes se régalent du maquis administratif : ils attaquent en justice 70 % des projets de parcs, ralentissant leur éclosion (il faut six à sept ans pour qu'un parc entre en service, deux fois plus de temps environ qu'en Allemagne). Pourtant, selon la FEE, 90 % des projets attaqués sont finalement validés par la justice.

Les associations qui se battent contre le vent, comme Vent de colère, s'opposent notamment au « repowering ». Cet anglicisme signifie qu'on peut remplacer les anciennes éoliennes par des machines plus hautes, donc plus puissantes. Les derniers modèles, qui culminent à 200 mètres environ, délivrent trois fois plus de puissance que leurs devancières, ce qui permet de produire plus avec moins de machines, et de réduire le prix de l'électricité produite. « Le coût de l'éolien a baissé de 30 % en cinq ans, et celui du solaire a été divisé par dix », assure Nicolas Wolff. La profession aimerait, là encore, que les normes administratives qui ralentissent cette modernisation des machines soient allégées.

C'est à ces conditions, assurent les PME des énergies vertes, que la France atteindra les objectifs fixés par la PPE. « Si on pense que la loi suffit, on risque de ne pas être au rendez-vous de 2028 », observe Nicolas Wolff. Il sait de quoi il parle : les objectifs fixés lors de la précédente PPE n'ont pas tous été atteints.

source : lepoint.fr

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