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Comment les entreprises intègrent-elles la biodiversité dans leurs modèles économiques ?

01/04/2022

Comment les entreprises intègrent-elles la biodiversité dans leurs modèles économiques ?

Les actions des entreprises pour la biodiversité. Source : iStock.

Les entreprises ne peuvent plus faire abstraction de la question de la biodiversité et s’en saisissent progressivement malgré la complexité de la question.

Biobleud, entreprise basée dans le Finistère, a l’environnement dans son ADN puisqu’elle fabrique des pâtes à tartes vendues spécifiquement dans des magasins bios. Mais depuis peu, l’entreprise de 35 salariés s’est lancé un nouveau challenge, celui d’intégrer la notion de biodiversité à son activité.

BIOBLEUD SE LANCE DANS LA BIODIVERSITÉ

En 2020, l’entreprise participe à un défi organisé dont le but est de mettre la notion au cœur des activités : « Cela nous a permis de monter en compétences sur ces sujets », explique Emmanuelle Jungblut, cogérante de Biobleud. « On s’est rendu compte que tous les processus de l’entreprise avaient un impact direct ou indirect sur la biodiversité ». 

Depuis, Biobleud a rédigé une charte sur la biodiversité pour que notamment chaque salarié la prenne en compte dans ses actions. L’entreprise intègre aussi la biodiversité dans les discussions qu’elle mène avec les fournisseurs de matières premières car son plus grand impact sur la biodiversité provient de l’activité agricole en amont. Elle a également repensé le site de production en devenant refuge pour oiseaux de la ligue de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) ou encore en construisant une mare et en plantant des haies.

LA BIODIVERSITÉ S'IMMISCE DANS LES STRATÉGIES D’ENTREPRISES

Biobleud fait partie des entreprises précurseures sur la biodiversité. Contrairement à la question des émissions carbone, celle-ci n’a que très récemment été intégrée par les acteurs économiques. « Les entreprises en sont à leur balbutiements sur la biodiversité car elles ne la comprennent pas », explique Edith Martin, Global Biodiversity Lead chez Quantis, entreprise qui accompagne les entreprises dans leurs politiques de développement durable. « Jusqu’ici il y avait très peu de connaissances rassemblées et diffusées sur le sujet du lien entre biodiversité et entreprises ».

Pour cause, le premier rapport du GIEC sur le climat a été rédigé en 1990. Le premier rapport de l’IPBES, considéré comme le GIEC de la biodiversité, n’a été, lui, publié qu’en 2019.

L’autre raison de la lente prise en compte de la biodiversité est la complexité du sujet : « Dans la majorité des cas, on ne sait pas comment agir sur des écosystèmes larges car on ne les connaît pas  », exprime Edith Martin. 

QUELLES SONT LES INITIATIVES LANCÉES CES DERNIÈRES ANNÉES ?

Peu à peu, des initiatives pour mettre la biodiversité dans les réflexions, comme celle des « Entreprises engagées pour la nature », se sont développées. Le Congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) qui s’est tenu en septembre 2021 à Marseille a également fait la part belle à ce sujet. Le WWF y a annoncé le lancement, en collaboration avec des entreprises, d’un outil pour mesurer son impact sur la biodiversité.

Il faut dire qu’il y a urgence. Selon le fameux rapport de l’IPBES de 2019, un millions d’espèces animales et végétales seraient menacées d’extinction à cause de la pression humaine.

LA MESURE DE SON IMPACT AVANT TOUTE CHOSE

Mais alors, comment s’y prendre pour intégrer la biodiversité à sa stratégie d’entreprise ? Tout d’abord, commencer par mesurer son impact. Edith Martin estime qu’il faut analyser cinq types de pressions listées dans le rapport de l’IPBES : celle sur le changement climatique, l’exploitation des ressources, le changement d’affectation des sols et des eaux et l’occupation des sols et des eaux, la pollution et les espèces invasives. Il faut donc considérer l’ensemble de la chaîne de valeur pour quantifier la pression effective exercée. À partir de là, des actions de réduction de la pression sur les écosystèmes peuvent être menées.

Fini les stratégies à visée communicationnelle sur une espèce emblématique. Bonjour la réflexion globale, systémique sur son activité ! D’ailleurs, la première façon de préserver la biodiversité, c’est de lutter contre le réchauffement climatique. « Si on réduit l’impact sur le climat, généralement on réduit l’impact sur la biodiversité sauf si on se met à planter n’importe quoi n’importe où », rappelle Édith Martin de Quantis.

En parallèle de la réduction des pressions, estime Edith Martin, l’entreprise peut avoir une action positive sur la nature, plus spécifique : « Il faut également régénérer, restaurer, protéger », estime-t-elle.  

LE TOURISME, UNE RELATION DIRECTE AVEC LES ÉCOSYSTÈMES

Toutes les entreprises peuvent agir pour la biodiversité mais certaines sont intrinsèquement liées à ce sujet, par les activités qu’elles mènent. L’agriculture, bien sûr, mais aussi le tourisme. Les écosystèmes représentent une source d’attrait de la clientèle, à valoriser. Émilie Riess Demeusois, directrice RSE du groupe Pierre & Vacances - Center Parcs explique cette relation particulière.

Nous avons une relation assez business avec ce capital naturel puisque quand on choisit un site il faut qu’il ait des attraits esthétiques pour que ce soit un endroit propice à la déconnexion. Mais cette relation est très complexe et très ambivalente car on installe un site touristique sur un lieu dit naturel. Et on les sélectionne pour leur faible sensibilité en termes de biodiversité », Émilie Riess Demeusois.

Dès 2005, le groupe à formaliser sa politique en la matière. Il assure mener une politique active de protection des espèces notamment lors de la phase de développement des sites. Par exemple, un projet en cours de parc dans le Lot-et-Garonne comprend, sur sa zone d’installation, un lieu d’eau fraîche dans lequel une loutre vient se reproduire. Cette zone a été protégée et deviendra même un lieu de sensibilisation pour les clients. 

Le groupe a dû, régulièrement, faire face à des contestations d’associations écologistes d’installations qui considéraient certains projets comme destructeurs de biodiversité. Emilie Riess l’assure, ces oppositions, parfois musclées, ont aussi permis de faire évoluer la politique du groupe. « Les projets qui ne se sont pas faits à la suite de ces événements sont des projets qui ne correspondent plus à la façon dont le tourisme doit se développer », concède Emilie Riess Demeusois. « C’est pour cela que dans le Lot-et-Garonne par exemple le projet comprend seulement 400 unités contre 1000 unités sur certains sites ».

UNE QUESTION DE SURVIE ?

Pourquoi s’intéresser à la biodiversité ? « Les entreprises n’ont pas le choix, c’est une question de survie », somme Edith Martin. Une publication à ce sujet de la Banque de France a d’ailleurs calculé que « 42 % du montant des actions et obligations détenues par des institutions financières françaises est émis par des entreprises qui sont fortement ou très fortement dépendantes d’au moins un service écosystémique ». La dépendance à la biodiversité est donc un fait à intégrer.

La prise en compte ne peut d’ailleurs se passer d’une réflexion globale sur notre modèle économique : « Ce n’est pas possible de continuer cette dynamique de recherche de croissance au maximum des productions. Il faut réfléchir au business modèle des entreprises ». Et si la première chose à faire, c’était de réduire notre consommation et donc la production ?

Pour le groupe Pierre & Vacances - Center Parcs, le fondement du modèle économique qui est l’installation sur un site naturel est remis en cause par la politique de zéro artificialisation nette des sols. « On va privilégier des sites déjà artificialisés pour nos futurs projets pour s’inscrire dans une démarche de zéro artificialisation nette », explique Emilie Riess, directrice RSE du groupe. Un site s’est ouvert en Allemagne sur une friche industrielle, un autre en Belgique sur des anciens terrils.

Pour beaucoup d'entreprises, il est encore trop tôt pour s’engager dans ce genre de réflexion. Alors première étape à franchir, celle-ci réalisable : s’informer, sans plus attendre ! 

Théo Nepipvoda / www.carenews.com


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