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Intérêt et fiabilité pour les méthaniseurs : L'avis d'un chercheur rennais

01/09/2020

Intérêt et fiabilité pour les méthaniseurs : L'avis d'un chercheur rennais

La centrale biogaz de Châteaulin est à l'origine de cette pollution de l'Aulne • © Gwenaëlle Bron/France Télévisions

Suite à la pollution de l’Aulne due à un débordement de cuve du méthaniseur d’Engie Bioz à Châteaulin, dans le Finistère, de nombreuses interrogations émergent sur la fiabilité de ces installations. Nous avons interrogé Pascal Peu, chercheur à l’INRAE de Rennes. 

Ingénieur et chercheur en génie des procédés à l’INRAE (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, issu de la fusion de l'INRA et de l'IRSTEA début 2020), Pascal Peu étudie entre autres les méthaniseurs.

Dans la nuit du 17 au 18 août dernier, une panne du méthaniseur d'Engie Biogaz à Châteaulin dans le Finistère, entraînait le débordement d’une cuve et une pollution à l’ammoniac de l’Aulne. Privant ainsi 40 communes d’eau potable au robinet pendant plusieurs jours. Alors ces installations sont-elles vraiment écologiques ? Sont-elles fiables ? Pascal Peu répond à nos questions.

 Comment fonctionne un méthaniseur ?

C’est une cuve dans laquelle on insère des déchets, principalement des effluents d’élevage. Tout ça réagit avec des micro-organismes qui vont dégrader la matière pour produire d’un côté du biogaz et de l’autre côté un résidu solide, le digestat. Ce digestat est récupéré et utilisé comme engrais sur les cultures.

Quant au biogaz, il est composé majoritairement de méthane et de dioxyde de carbone et peut être utilisé de deux façons. La première consiste à enlever le dioxyde de carbone et à injecter le méthane dans un réseau de gaz naturel (d’une ville par exemple). Seconde possibilité : ce biogaz alimente directement un moteur qui produira de l’électricité, c’est l’usage le plus répandu. Sur 130 méthaniseurs installés en Bretagne, 120 fonctionnent sur ce modèle (NDLR : dont 101 dans des exploitations agricoles, d’après les chiffres d’Aile, agence locale de l’énergie).

 Quels sont les avantages d'un méthaniseur ?

Le méthaniseur produit de l’énergie renouvelable et permet de valoriser les effluents d’élevage produits chez les agriculteurs. La Bretagne est un territoire d’élevage. Sans méthaniseur, les déchets seraient stockés à l’air libre et le gaz libéré dans l’atmosphère sans contrôle. Or le dioxyde de carbone et le méthane sont des gaz à effet de serre (NDLR : le méthane a un effet sur le réchauffement climatique 28 fois plus élevé que celui du dioxyde de carbone).

En utilisant du digestat pour amender les cultures, on réduit les apports en azote (NDLR : en réduisant l’usage des engrais de synthèse).

Par ailleurs, les méthaniseurs installés sur les exploitations agricoles offrent une source de revenus complémentaires aux paysans et permet de revaloriser leur image. Ils ne sont plus les moutons noirs montrés du doigt comme des pollueurs.

 Que répondez-vous aux critiques pointant du doigt les fuites de méthane sur les installations ?

Le taux de fuite reste inférieure à 5% du gaz produit. C’est minime et bien moindre que les 100% qui seraient lâchés dans l’atmosphère en cas de stockage à l’air libre.

 Le digestat est décrié car il relâche sur les sols des bactéries nocives (antibio-résistantes par exemple). Que répondez-vous ?

C’est vrai que la cuve de méthanisation n’a pas d’impact sur les micro-oragnismes et donc ne les tue pas. Mais là encore, sans méthaniseur, le lisier se retrouverait de toute manière dans la nature porteur des mêmes micro-organismes. En Bretagne, on produit 18 millions de m3 de lisier par an. Certaines associations environnementales suggèrent qu’on augmente la température des cuves pour débarrasser le digestat de ces micro-organismes, mais ça rendrait les installations instables. L’utilisation deviendrait beaucoup trop compliquée pour des agriculteurs. Ce n’est pas leur  travail de surveiller des cuves en permanence.

Quelle solution proposez-vous pour rendre ce digestat moins nocif ?

On propose de chauffer le digestat à 70°, une fois sorti du méthaniseur. Ça l’ « hygiéniserait » avant de l’épandre dans les champs.

 A Châteaulin, les cuves d’un méthaniseur ont débordé la semaine dernière, entraînant une pollution à l’ammoniac de l’Aulne. Quel sentiment vous inspire cet incident ? 

C’est déplorable. Ça jette l’opprobre sur la filière. Pourtant c’est quelque chose qui est plutôt favorable à l’environnement. C’est quand même plus favorable que de laisser des effluents se décomposer tout seuls.

Construire un talus pour faire un bassin de rétention, ce n’est pas inaccessible pour ces installations. Ça ne leur coûte pas des fortunes. Ce sont des choses qui sont dans la réglementation. Pourtant parfois, c'est mal fait et c'est inadmissible.

A Châteaulin, la problématique c’est aussi la proximité de l’Aulne et du point de prélèvement. On s’est retrouvé avec un pic d’ammoniac dans l’eau prélevée qui approvisionne un gros bassin d’alimentation. Il ne faut pas que ça se réitère. A l’avenir il faut bien contrôler avant la mise en service de ces installations que la protection de l’environnement est assurée.

Lundi 24 août, le préfet du Finistère a ordonné une enquête administrative concernant le méthaniseur de Châteaulin. L'installation a été mise à l'arrêt ce mardi 25 en attendant les conclusions de l'enquête.

source : france 3


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