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Le rechapage, moins de CO2 et une opportunité pour la filière pneu

06/06/2020

Le rechapage, moins de CO2 et une opportunité pour la filière pneu

La loi d'économie circulaire encourage cette pratique qui allonge la durée de vie d'un pneu. Michelin et la PME Black Star espèrent en tirer parti.

C'est un passage de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire passé quasiment inaperçu. L'article 60 du texte incite l'État, les collectivités territoriales ainsi que leurs opérateurs à être plus vertueux en matière d'équipement en pneumatiques de leurs flottes de véhicules légers et poids lourds. Concrètement, il est demandé aux véhicules publics (police, ambulance, mairies, L'Élysée, les ministères...) d'obligatoirement s'équiper en pneus rechapés au lieu de neufs.

Un pneu rechapé : quèsaco ? Il s'agit de le récupérer et le reconditionner pour lui donner une nouvelle vie. « Le rechapage est une opération de reconditionnement. Si vous cassez la vitre de votre téléphone portable aujourd'hui, on peut vous la remplacer par une vitre neuve. Le rechapage consiste, quand le pneu est usé et qu'on a utilisé toute la bande de roulement extérieure qui sert aux performances d'adhérence au sol, à la remplacer par une bande neuve », détaille Cyrille Roget, responsable communication scientifique de Michelin.

Deux tours Eiffel de CO2 en moins

Un pneu pouvant mettre jusqu'à quatre siècles à se biodégrader, l'avantage environnemental est évident. D'autant que le secteur des pneumatiques est un de ceux dans lesquels le gaspillage de matières premières et d'énergie est le plus important. « Plutôt que de retrouver un pneu dans champ, on lui donne une nouvelle vie », résume le député LR Dino Cinieri, qui a milité pour l'adoption de l'article 60 de la loi sur l'économie circulaire. « Un pneu rechapé permet de faire 70 % d'économies de matières premières et 30 % d'économies sur les émissions de CO2 », ajoute Cyrille Roget.

 « Concrètement, c'est 35 kilos de CO2 en moins par pneu. La commande publique correspond à environ 200 000 véhicules légers. Si une rotation se fait tous les deux ans et demi, on parle de 320 000 pneus par an, calcule Jean-Baptiste Pieret, PDG de la PME Black Star. Avec la nouvelle loi, on économise donc 11 000 tonnes de CO2 par an, c'est-à-dire l'équivalent de deux tours Eiffel ! »

Black Star, la PME française

Ces dernières années, le marché du pneu tourisme reconditionné a été malmené par la concurrence accrue des pneus dits «  Tier 3  », des pneus asiatiques neufs à bas coûts. L'invasion des pneus asiatiques polluants a contribué à tuer peu à peu le secteur. Si certaines entreprises françaises ont périclité, il reste Black Star, fondée en 1979 et implantée à Saint-Pierre de Bœuf, dans la Loire. « Nous sommes le dernier industriel en France qui fabrique des pneus rechapés pour les véhicules légers de Monsieur et Madame Tout-le-Monde, et également les utilitaires pour les artisans et collectivités », fait valoir Jean-Baptiste Pieret, âgé de 37 ans.

Avec sa famille, il a racheté l'an dernier la société qui emploie 36 personnes, dispose d'une capacité annuelle de 310 000 pneus reconditionnés et réalise un chiffre d'affaires d'environ 4 millions d'euros. « Nous recyclons des pneus usés dont la carcasse est restée saine, poursuit Jean-Baptiste Pieret. La bande de roulement et les flancs vont être recyclés pour donner une nouvelle vie au pneumatique, sans altérer ni la sécurité ni l'efficacité. » La collecte de pneus se fait notamment auprès des garages qui les trient. Les marques premium (Michelin, Continental, Goodyear, Firestone…) sont privilégiées. « La carcasse ne doit pas être perforée et avoir un minimum de profil, les flancs ne doivent pas être craquelés, détaille le PDG de Black Star. Le pneu passe ensuite dans des presses, pour une cuisson de 30 à 50 minutes, jusqu'à 160 degrés. »

"Quand vous prenez un vol commercial, il y a 60 % de chances que les pneus de l'avion soient rechapés"

Michelin s'est désengagé du rechapage pour les particuliers. Mais il reconditionne toujours les entreprises et professionnels. « La loi sur l'économie circulaire va aider à promouvoir une solution plus économique et plus environnementale pour les collectivités et les administrations », prédit Cyrille Roget. La firme dispose d'un site à Avallon (Pneu Laurent) pour les poids lourds et le génie civil et une usine à Bourges, qui rechape les avions. En effet, un pneu d'avion peut avoir jusqu'à une dizaine de vies différentes. « Quand vous prenez un vol commercial, il y a 60 % de chances que les pneus de l'avion soient rechapés », explique Cyrille Roget.

À l'avenir, Michelin va s'intéresser de nouveau au marché des véhicules légers. « Le rechapage fait partie intégrante de notre stratégie de l'économie circulaire. On ne peut pas être absent du reconditionnement des pneus tourisme. C'est le marché le plus important », insiste son responsable communication scientifique. En 2017, le manufacturier a présenté Vision, un concept de pneu sans air, avec des matériaux durables et un écosystème connecté. « Sa bande de roulement pourrait être rechargée avec des imprimantes 3D qui viendraient déposer la gomme sur le pneu », dit Cyrille Roget.

Écologique, le rechapage est également un vivier d'emplois. En Europe, 32 000 emplois directs et indirects gravitent autour du rechapage poids lourds. En France, il concerne aujourd'hui 4 100 personnes. Avec la nouvelle loi sur l'économie circulaire, le rechapage devrait connaître un regain d'intérêt.

Source : Olivier Ubertalli - www.lepoint.fr

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