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« Oceanbird », le cargo écologique du nouveau millénaire

24/04/2021

« Oceanbird », le cargo écologique du nouveau millénaire

Quatre années de recherche et développement vont être nécessaires pour mettre au point le design concret de l’« Oceanbird ». (Mehdi Benyezzar)

Avec ses voiles télescopiques de 80 mètres, « Oceanbird » vise le zéro émission de carbone. Ce nouveau cargo appareillera dès 2024 et préfigure la navigation de demain.

Dans trois ans, les poissons de l’Atlantique devraient croiser un bien curieux engin : un géant silencieux de 200 mètres de long, 40 mètres de large et 105 mètres de haut, doté de cinq ailes rigides. Ce voilier d’un nouveau genre, c’est l’« Oceanbird », un cargo écologique capable de transporter jusqu’à 7 000 voitures grâce à la seule force du vent.

L’aventure a commencé en 2015. Jonas Kleberg, président de Soya Group, une holding suédoise qui détient notamment la compagnie maritime Wallenius Marine, demande à ses ingénieurs de travailler sur des sources d’énergie alternatives aux carburants fossiles comme moyen de propulsion. Le fret maritime est en effet responsable de 3 % des émissions mondiales de gaz carbonique et de 10 % de celles liées au transport. « Nous avons alors établi une feuille de route pour aller vers le zéro émission [de carbone, soufre et autres microparticules], et nos ingénieurs ont trouvé que le vent demeurait le moyen le plus écologique de mouvoir un bateau », raconte Richard Jeppsson, vice-président en charge du commercial et des partenariats pour « Oceanbird ».

Un véritable retour vers le futur : l’énergie éolienne a été pendant des millénaires l’unique moyen de parcourir les mers. Mais il ne s’agit pas, bien sûr, d’un voilier comme les autres. Quatre années de recherche et développement vont être nécessaires pour mettre au point le design concret du futur cargo. Pour ce projet pharaonique, Wallenius s’associe à l’organisme de recherche SSPA, spécialisé en hydrodynamique et model-testing, et à l’Institut royal de Technologie de Stockholm (KTH), chargé des mécanismes de navigation et de l’analyse des performances. Trois millions d’euros sont investis, auxquels s’ajoute une bourse gouvernementale de recherche d’un montant de 3 millions d’euros.

La traversée de l’Atlantique en 12 jours

Le principal challenge technique consiste à concevoir des voiles et des gréements suffisamment grands et solides pour mouvoir un monstre de 35 000 tonnes, à une vitesse telle qu’il puisse concurrencer les cargos traditionnels, le tout quelles que soient les conditions météorologiques. Richard Jeppsson explique :

« Pour intégrer le maximum de paramètres possible, nous nous sommes appuyés sur des données récoltées depuis plusieurs années par des capteurs placés sur nos autres navires Ces données ont été analysées et nous ont donné des informations cruciales sur les moyens de créer une navigation écologique et sécurisée par tous les temps. »

L’innovation principale concerne les voiles de l’« Oceanbird ». Ces ailes rigides de 80 mètres de haut, faites d’un alliage de métal et de composite, peuvent pivoter sur 360 degrés pour mieux capter le vent, mais aussi être réduites en cas de trop gros temps. Elles permettent au cargo de filer à une vitesse de 10 nœuds, et ainsi d’effectuer la traversée transatlantique en douze jours contre huit en moyenne pour les bateaux propulsés au fioul. Une performance plus qu’honorable. « Avec “Oceanbird”, notre ambition est de promouvoir une forme de “sustaintech”, une alliance entre écologie (“sustainability”) et technologie, et de créer ce que nous appelons des solutions qui ne génèrent aucun problème écologique dans la chaîne de valeurs », souligne Richard Jeppsson.

80 % d’émissions toxiques en moins

Cette ambition à un coût. Aux 6 millions d’euros d’origine, il faut ajouter des développements qui pourraient s’élever jusqu’à 5 millions supplémentaires. « Nous considérons ces dépenses comme un investissement », justifie Richard Jeppsson. Car il ne s’agit pas de créer un prototype futuriste, mais bien un navire commercialement rentable. Les premières commandes sont attendues pour cette année, et le premier cargo devrait prendre la mer d’ici à 2024.

La promesse écologique semble en passe d’être tenue : l’« Oceanbird » permet de réduire de 80 % à 90 % les émissions toxiques. Seules les manœuvres d’entrée et de sortie des ports – ainsi que d’éventuelles situations d’urgence – seront effectuées au moteur. Dans un second temps, celui-ci sera remplacé par un moteur utilisant des énergies non fossiles, ce qui réduira encore davantage l’impact écologique. Forts de ce premier succès, les ingénieurs de Wallenius Marine étudient la possibilité d’appliquer la technologie de l’« Oceanbird » aux navires déjà existants, ainsi qu’à d’autres à venir. Un projet de vraquier – cargo transportant des marchandises solides en vrac – utilisant le concept d’ailes composites pourrait ainsi voir le jour dès cet été.

En France, le concept de cargo à voile séduit de plus en plus les acteurs de la marine marchande. Neoline, une jeune entreprise nantaise créée en 2015, devrait lancer cette année le chantier d’un navire de 136 mètres de long, capable de relier Saint-Nazaire à Baltimore à une vitesse moyenne de 11 nœuds. Le bateau utilisera des voiles souples, contrairement à « Oceanbird ». D’autres cargos plus petits, fonctionnant eux aussi principalement à l’énergie éolienne, sont déjà opérationnels. « Le fait qu’une société aussi établie que Wallenius développe un cargo à voile valide notre concept, souligne Jean Zanuttini, fondateur de Neoline. Le vent n’a aucune externalité négative, à partir du moment où on sait aller le chercher ! » Les poissons de l’Atlantique n’ont pas fini d’être surpris.

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