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La vague verte déferle sur l'industrie du transport maritime

22/05/2021

La vague verte déferle sur l'industrie du transport maritime

Avec une capacité de 23000 EVP, le Jacques-Saadé de CMA CGM est le plus grand porte-conteneurs au monde propulsé au GNL actuellement en service.  © CMA-CGM

Réduire de moitié les émissions de CO2 d’ici à 2050, tel est l’objectif du transport maritime. Voile, GNL, hydrogène... la palette est large pour remplacer le fuel.

Les porte-conteneurs qui traversent les océans chargés de plus de 20 000 boîtes et les paquebots accueillant jusqu’à 8 000 personnes sont aujourd’hui montrés du doigt pour leur contribution au réchauffement climatique et la pollution qu’ils engendrent dans les ports et sur les mers.

Tandis que le transport maritime est le dernier secteur à avoir publié ses engagements au regard des accords de Paris, l’Organisation maritime internationale (OMI) a adopté de nouvelles règles visant à réduire ses émissions annuelles de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 50 % d’ici à 2050 par rapport au niveau de 2008. Sa feuille de route fixe aussi une baisse des émissions de CO2 par conteneur transporté d’au moins 40 % d’ici à 2030, et de 70 % d’ici à 2050.

Pour y parvenir, la marine marchande devrait investir 900 milliards d’euros entre 2030 et 2050, selon certaines estimations. « Les économies les plus faciles ont déjà été trouvées, observe Nelly Grassin, la responsable environnement chez Armateurs de France. Pour avancer, il faut surtout des réglementations internationales et pas seulement européennes. » Allusion à la pression de Bruxelles depuis le Green Deal, qui prône un accès prioritaire aux carburants durables et se fixe pour objectif une mise sur le marché de navires à zéro émission d’ici à 2030. La Norvège, elle, n’a pas attendu. À cette date, elle ne veut plus que des navires à zéro émission sur ses côtes.

La décarbonation des navires, une priorité

Chantiers navals, armateurs et croisiéristes ont compris qu’il fallait avancer vers la décarbonation des navires. Deux horizons se dégagent : les solutions techniquement applicables dès maintenant et celles à déployer à plus long terme. Cela commence par les économies d’énergie sur les navires qui naviguent toujours au fuel. Sur le paquebot MSC-Virtuosa, qui vient d’être mis à l’eau à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) par les Chantiers de l’Atlantique, la consommation de fuel a été réduite de 40 % par passager par rapport à l’ancienne génération.

La lente transition du transport maritime

  • 940 millions de tonnes de CO2 par an émises par le transport maritime, soit 2,5 à 3 % des émissions mondiales
  • 80 000 navires composent la flotte marchande
  • 200 à 250 navires propulsés au GNL, autant en commande

        Sources : Gican, L’Usine Nouvelle

« Nous avons travaillé sur l’efficacité énergétique, les profils, le carénage, l’air conditionné…, explique Henri Doyer, le directeur de programmes MSC Croisières pour les Chantiers de l’Atlantique. Tous les nouveaux paquebots sont maintenant équipés pour être branchés à quai et fonctionner à l’électricité. » En moyenne, un paquebot consomme 2 000 litres de carburant par heure en navigation, mais aussi 700 litres par heure quand il est à quai. Les Chantiers de l’Atlantique produisent également une assistance énergétique, avec un jumeau numérique du navire dans lequel toutes les données sont enregistrées. Le comparatif permet d’intervenir et d’ajuster la consommation, pour des gains de 5 à 10 %.

Place à l’innovation de rupture

L’Ifremer – Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer – et la start-up bretonne Blue Fins ont, eux, inventé les « nageoires de baleines », qui peuvent réduire de 30 % la consommation des méthaniers, pétroliers, porte-conteneurs et autres paquebots. Prévu pour être commercialisé en 2023, ce foil utilise l’énergie de la houle.

Pour réduire la consommation des navires, une technologie encore plus ancienne revient au goût du jour. La voile. Plusieurs projets voient le jour, mais ces navires restent de taille modeste, à l’instar du cargo de Neoline. Ce navire de 136 mètres de longueur, capable de transporter 280 conteneurs, sera équipé de 4 200 m2 de voiles lui permettant de réduire de 80 à 90 % les émissions de CO2 par rapport à un navire propulsé à l’énergie thermique. Jean Zanuttini, le patron de Neoline, prévoit d’opérer une liaison transatlantique entre Saint-Nazaire, Saint-Pierre-et-Miquelon, Baltimore (États-Unis) et Halifax (Canada) fin 2023. Il a déjà signé un contrat avec Michelin, Bénéteau, Manitou, Renault et récemment Hennessy.

Au Gican – le Groupement des industries de construction et activités navales –, on ne voit dans cette force vélique qu’une énergie d’appoint (5 à 10 %) pour les gros navires. Un constat partagé par les armateurs, à commencer par le champion tricolore CMA CGM. Pourtant, les Chantiers de l’Atlantique développent un projet pour grands navires avec un mât de 95 mètres de hauteur. Il supportera une voile Solid Sail, entièrement en composite, performante et pliable, d’une surface de 1 200 m2.

Le GNL et les biogaz suppriment les oxydes d’azote et de soufre, tout en réduisant de 20% les émissions de CO2. Philippe Berterottière, PDG de GTT

« La seule solution, c’est le gaz, martèle de son côté Philippe Berterottière, le PDG de GTT, le spécialiste du transport multi-gaz. Le GNL et les biogaz suppriment les oxydes d’azote et de soufre, tout en réduisant de 20 % les émissions de CO2. En Asie, le GNL est considéré comme la solution, alors qu’en Europe on cherche une réponse idéale sur tous les plans – économique, technologique et environnemental. » Même les croisiéristes se mettent au GNL. Construit à Saint-Nazaire et prévu pour octobre 2022, le World-Europa sera le premier paquebot au GNL de la flotte de MSC Croisières. Deux autres suivront. Pour le zéro émission, les batteries peuvent suffire à des navires effectuant de courtes distances, de petits ferries notamment.

Associer les technologies

À plus long terme, la solution pourrait passer par l’hydrogène et la pile à combustible, mais sur les gros navires, rien n’est réglé. « La densité énergétique de l’hydrogène est faible, il faut donc un volume conséquent pour couvrir une longue distance. Et s’il est liquéfié, il faut pouvoir le transporter à - 250 °C, un défi que GTT est prêt à relever », prévient Philippe Berterottière. L’hydrogène demande 16 à 20 fois plus de capacité de stockage que le fuel, précise un expert. « Sur un petit ferry avec des routes définies cela fait sens, mais pas sur un paquebot, explique Henri Doyer. L’avenir est à la pile à combustible. » Sur le premier paquebot de MSC au GNL, un démonstrateur de pile à combustible à oxyde solide alimentée au GNL de 50 kW doit réduire les émissions de GES de 25 % par rapport à un moteur tout GNL. Chez CMA CGM, un projet avec Helion Hydrogen Power [qui vient d’être racheté par Alstom] concerne l’alimentation de conteneurs frigorifiques à bord.

En attendant, les projets de navires utilisant l’hydrogène se multiplient. Une mise en chantier d’un ferry à hydrogène pour la baie de San Francisco (États-Unis) est prévue prochainement. En France, le projet Hylias vise à lancer un navire à passagers à propulsion hydrogène électrique dans le golfe du Morbihan en 2023.

Une autre initiative est à mettre au compte de la start-up tricolore NepTech. « Nous allons développer des navires zéro émission pouvant transporter 150 passagers ou 20 tonnes de fret, grâce à une propulsion électrique par batteries ou hybride électrique-hydrogène, explique Tanguy Goetz, son cofondateur et directeur général. Ils seront équipés d’un système d’assistance au pilotage pour éviter les obstacles. » NepTech construit un démonstrateur de 2,5 m de longueur qui devrait être testé cet été, avec l’espoir d’une première commande en 2022. L’hydrogène, gazeux, sera transporté en bouteilles. Une solution écologique certes, mais qui ne permettra pas de transporter 20 000 conteneurs entre Shanghai et Le Havre…


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