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Un plan de relance aux multiples nuances de vert selon le Haut conseil pour le climat

26/12/2020

Un plan de relance aux multiples nuances de vert selon le Haut conseil pour le climat

Le Premier ministre Jean Castex à la Rochelle le 12 décembre dernier pour la signature de l'accord de relance avec les départements de France    © Gouvernement.fr

Selon le Haut conseil pour le climat, 28 des 100 milliards d'euros du plan de relance vont avoir des effets bénéfiques sur les émissions de carbone françaises. Et avec un peu plus de vigilance, les montants restants pourraient être optimisés.

Quelle est la nuance de vert du plan de relance Français ? C'est à cette question que le Haut conseil pour le climat (HCC) a souhaité répondre volontairement (autosaisie). Il s'est plus particulièrement intéressé aux conséquences de ce plan sur la trajectoire bas-carbone du pays qui vise la neutralité en 2050. Il a donc étudié, une par une, toutes les mesures pour évaluer quels seront leurs effets sur les émissions de carbone et par conséquent sur la trajectoire fixée par la stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Surtout que la France est déjà en retard sur ces objectifs, il ne faudrait pas que le plan de relance aggrave la situation. « Il est essentiel à minima de s'assurer que l'État que ne dépense pas l'argent public dans un sens opposé à ses objectifs », rappelle Le Haut Conseil.

Désaccord sur ce qui est favorable ou pas

Le HCC a donc réalisé une cotation des mesures du plan de relance en distinguant les mesures favorables, défavorables, ambiguës ou qui s'inscrivent dans la continuité des émissions actuelles, trop élevées, de la France. Ensuite, la contribution des mesures « favorables » aux orientations sectorielles de la SNBC a été évaluée, tout comme leur inscription dans les orientations du plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC).

Selon cette cotation, le plan de relance affiche 28 Md€ favorables à l'atténuation des émissions et 70 Md€ dans la continuité. Le HCC n'a relevé aucune mesure directement défavorable au climat. On n'est donc pas loin des 30 milliards d'euros promis à la transition écologique. « Il s'agit d'un montant conséquent et proche de celui évalué par le Gouvernement, mais dont le contenu diff­ère en partie », nuance Corinne Le Quéré, présidente du HCC. « Certaines mesures sont qualifiées de favorables par le Gouvernement alors qu'elles ne le sont qu'en partie. À l'inverse, certaines sont neutres alors qu'elles ont des effets positifs, par exemple le verdissement des ports », détaille la présidente. (cf encadré)

Par ailleurs, 2 % du budget aura des effets ambiguës telles que la digitalisation de la formation professionnelle, la prime à la conversion automobile ou encore le soutien à la filière animale. « Les aides à la conversion des véhicules par exemple ne spécifient pas un niveau d'émission des véhicules assez faible pour être favorable à la SNBC », détaille Olivier Fontan, directeur exécutif du HCC.

         Exemples de mesures « mal classées » selon le HCC

    Un désaccord sur la quali¬fication de « favorable » porte sur la mesure de « Renouvellement des agroéquipements » (250 M€). Elle a été requalifée d'ambiguë par le HCC du fait que le bilan sur les GES     de l'agriculture de précision soit controversé. Celui-ci porte un risque d'effet rebond, notamment sur les émissions de N2O, alors que l'accessibilité des matériels d'épandage risque d'augmenter l'utilisation d'engrais.

    Au contraire, certaines mesures qualifiées de neutres par le Gouvernement poursuivent en partie un objectif d'atténuation. Il s'agit par exemple des mesures suivantes : deux mesures relatives au « PIA 4 » (1500     M€), « Verdissement des ports » (200 M€), « Relocalisation : soutien aux projets industriels dans les territoires » (133 M€), » Dynamiques territoriales et contractualisation » (83 M€), « Spatial » (61 M€),     « Résilience des réseaux électriques et transition énergétique en zone rurale » (30 M€), « Pêche » (17 M€), « Développement de l'activité économique pour les jeunes » et « Formations des métiers     stratégiques de demain » (8 M€).

Les manquements du plan de relance

Si globalement, les actions du plan de relance rapprochent la France de la trajectoire SNBC, elles ne seront pas suffisantes pour compenser le retard. Le HCC appelle par conséquent le Gouvernement à travailler sur l'application des 70 milliards restants, de manière à favoriser le levier climat. « Les deux tiers du plan soutiennent l'activité économique dans la continuité des pratiques actuelles. Elles font courir le risque d'un verrouillage dans des activités fortement émettrices à long terme », alerte Corinne Le Quéré.

Surtout que les recommandations de la Commission européenne en la matière appelaient les États membres à flécher un minimum de 37 % de leurs dépenses de relance vers la lutte contre le réchau­ffement climatique.

Le HCC fait ainsi remarquer que la moitié des financements « favorables » à l'atténuation porte sur la décarbonation des transports et des bâtiments. L'agriculture et les forêts sont insuffisamment considérées alors qu'il s'agit du deuxième secteur le plus émetteur en France.

Graphique synthétisant la cotation des mesures du plan de relance par le HCC

Enseignements méthodologiques

Ce travail du HCC a aussi permis d'affiner la méthodologie du « budget vert ». Premier résultat dont se satisfait le HCC : « Il est possible d'évaluer la contribution d'un plan de relance ou d'un budget à l'objectif de neutralité carbone. Une telle évaluation doit prendre pour référentiel la trajectoire bas-carbone définie par la SNBC ». Le HCC conseille donc au Gouvernement de reprendre sa méthodologie pour multiplier cet exercice et non celle utilisée en septembre dernier sur le projet de loi de finances 2021.

        il faut sortir de l'idée de neutralité de la dépense publique vis-à-vis du climat / Corinne Le Quéré, HCC

 Deuxième enseignement : « Les mesures qualifiées de « neutres » par le gouvernement recouvrent deux notions distinctes : des mesures dont l'­effet est supposé non significatif par rapport à l'existant, donc dans la continuité de la trajectoire actuelle, et des mesures manquant de données pour connaître leur e­ffet et sur lesquelles il est important de rester vigilant », résume le HCC. Pour pallier au manque de données, il est essentiel de préparer leur collecte et de mettre en place les canaux nécessaires, rappelle le HCC. Il a d'ores et déjà prévu de réaliser une analyse ex-post pour vérifier l'impact réel des mesures.

Florence Roussel / www.actu-environnement.com

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