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Transition énergétique : le point de vue d’un investisseur et d’une architecte face aux enjeux de 2050

30/01/2023

Transition énergétique : le point de vue d’un investisseur et d’une architecte face aux enjeux de 2050

Dans le cadre de son Paquet Climat « Fit for 55 » élaboré en 2021, l’Europe s’est fixée pour objectif final d’atteindre la neutralité carbone à horizon 2050. Première étape : réduire ses émissions carbone de 55 % d’ici 2030. Comment ? En activant deux leviers principaux : la sobriété et l’efficacité énergétiques. Une double orientation qui place les différents acteurs de l’énergie en première ligne, dont ceux de la finance et du bâtiment.

Pour le monde de l’entreprise, c’est une certitude, le chemin de la transition énergétique, encadré par des règlementations très strictes, est à la fois long et ardu, mais également générateur d’opportunités et d’innovations. Notamment pour les secteurs très exposés comme le BTP ou la finance. Interview croisée de deux professionnels de ces secteurs.

Quand la finance et l’architecture s’engagent aussi en faveur de la transition énergétique

Les acteurs du secteur énergétique ne sont pas seuls face aux enjeux climatiques, ni face à la crise. Les citoyens bien sûr, mais aussi et surtout les entreprises sont elles aussi impliquées dans une trajectoire zéro carbone, et ce quel que soit leur domaine d’activité. C’est entre autres le cas des investisseurs et des architectes dont les leviers d’action convergent vers un centre d’intérêt commun : le bâtiment.

Tikehau Capital est un gestionnaire d’actifs. Fondé en 2004 par Antoine Flamarion et Mathieu Chabran, il gère aujourd’hui près de 38 milliards d’actifs et se positionne comme un « financeur et acteur de la transition énergétique. Nous avons d’ailleurs lancé le premier fonds de décarbonation dès 2018 et investi dans le renouvelable bien avant la crise », précise Pierre Abadie, Directeur Général du private equity. Aujourd’hui, Tikehau peut se targuer d’avoir « un peu plus de 2 milliards d’euros sous gestion dédiés aux actions climatiques ». Son ambition : atteindre les 5 milliards d’euros en 2025.

Delphine Aboulker, quant à elle, est une touche-à-tout de l’architecture. Architecte de formation, elle a cofondé deux cabinets, Architecture de Collection et Architrip. En 2011, elle créé également le prix Archinovo, premier prix d’architecture dédié à la maison individuelle (sujet dont elle a fait sa spécialité et auquel elle a dédié sa thèse de doctorat). Elle est également l’autrice de « Maisons rêvées », ouvrage publié en octobre 2022 qui montre à quel point « l’habitat touche aux grands enjeux du temps présent, à commencer par l’impact environnemental ».

Deux métiers, deux parcours différents mais une même conviction : celle que, au-delà du rôle moteur des acteurs de l’énergie, le bâtiment est un secteur clef pour la transition vers le bas carbone, notamment pour réussir à diminuer de moitié les émissions de CO2 d’ici 2030, soit 2 500 jours pour tout changer !

Investir pour la transition énergétique

Pour remporter le défi climatique, toutes les ressources doivent se mobiliser, qu’elles soient individuelles ou collectives, à titre professionnel ou personnel. Une fois n’est pas coutume, l’argent se positionne comme l’un des principaux « nerfs de la guerre » (mais il n’est pas le seul) et leviers à activer. Le GIEC estime en effet qu’il est nécessaire d’investir au moins « entre 4 000 et 6 000 milliards par an dans notre système énergétique et économique pour le décarboner, rappelle Pierre Abadie. Là où aujourd’hui entre 1 200 et 1 500 milliards sont investis chaque année. C’est déjà une somme considérable qui témoigne de la prise de conscience. Mais il faudrait quadrupler cette somme. »

Et en la matière, il n’y a pas de baguette magique. Sans les bons investissements, difficile d’avancer. C’est pourquoi stimuler financièrement la réduction des énergies carbonées ou l’augmentation de la production des énergies renouvelables (notamment en facilitant l’autoconsommation de l’énergie solaire) ne peut suffire seul à réduire la production des gaz à effet de serre (GES). Pour décarboner efficacement l’économie, il est essentiel de miser sur l’efficacité énergétique. Et c’est là que l’innovation apportera des solutions durable.

En la matière, la France n’est pas en reste et peut déjà s’enorgueillir de plusieurs pépites. « Le premier levier de compétitivité de la France aujourd’hui est de décarboner », poursuit Pierre Abadie.

Là aussi, le monde de la finance a un rôle important à jouer auprès des divers acteurs impliqués : celui « d’alimenter le mur d’investissements nécessaires et obligatoires pour suivre la ligne conductrice ». Aux acteurs publics, la charge de créer le cadre réglementaire adéquat, surtout en Europe, et au secteur privé de financer la transition. « Chacun doit réaliser que la finance a un rôle prépondérant dans la transition car c’est la courroie à l’échelle mondiale pour faire la liaison avec l’économie réelle. Et cela suppose de bouleverser notre vision du rôle de la finance. Désormais, on n’investit plus des euros pour récupérer des euros, mais la finance à impact se donne pour mission d’investir pour permettre de rester sur cette planète. »

Rénover et repenser les bâtiments

Pour ce faire, le BTP – dont les architectes – s’inscrit en tête de pont de la transition. Pourquoi ? Parce que le secteur du bâtiment représente à lui seul 43 % des consommations énergétiques annuelles françaises et génère 23 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) en France. Au-delà des gestes de sobriété énergétique à adopter par les utilisateurs, « le plus gros problème aujourd’hui est de réduire l’empreinte carbone de l’existant. Le segment phare de la transition énergétique est donc celui de la rénovation thermique du bâtiment », précise Pierre Abadie.

Un point de vue entièrement partagé par Delphine Aboulker : « La rénovation du bâti, la réhabilitation et la construction sont devenues des enjeux majeurs pour les architectes. Dans une période d’urgence climatique et de crise énergétique, la rénovation énergétique des bâtis n’est plus seulement une obligation mais un devoir, pour reprendre les termes de l’architecte Pierre-Louis Faloci (Lauréat du Grand Prix National de l’architecture en 2018). »

Rappelons d’ailleurs au passage que, bientôt, les logements considérés comme des « passoires thermiques » ne pourront plus être loués. Néanmoins, force est de constater que les mentalités ont changé. On assiste aujourd’hui à un double changement de paradigme : le prix du renouvelable est pour la première fois moins cher que celui du fossile ; et particuliers et entreprises hésitent de moins en moins à investir pour transformer leurs bâtiments et tendre vers plus d’efficacité et de sobriété énergétique. « L’efficacité énergétique est une priorité et beaucoup d’individus mais aussi de plus en plus de professionnels souhaitent sécuriser une partie de leur énergie physiquement avec des panneaux sur leur toit ou sur leur usine… et pouvoir les utiliser en autoconsommation », explique Pierre Abadie. Parmi les raisons : au-delà d’une prise de conscience réelle et des contraintes réglementaires, le contexte de crises actuel place l’Europe en situation de pénurie, pointant du doigt la situation dans laquelle nous serons si la transition n’est pas menée.

Repenser l’approche de l’architecture : une réponse aux enjeux énergétiques

Dans ce contexte, les architectes « proposent des solutions concrètes et durables pour concilier ces dimensions écologiques et économiques de basse consommation et de réduction d’émissions de CO2.Tout en privilégiant le confort et les besoins des habitants, le patrimoine local et les matériaux biosourcés (…) et durables comme le chanvre, l’argile, le bois ou le lin. Mais plus encore, c’est l’association entre ces techniques anciennes et vernaculaires de l’architecture, et les technologies nouvelles numériques qui rend la rénovation efficace et accélère la transition énergétique des bâtiments », confirme Delphine Aboulker. Et de rappeler que « pour l’architecte, la maison individuelle représente souvent le laboratoire fondamental qui a permis d’expérimenter de nouvelles pratiques à petite échelle. » Tout l’enjeu désormais est de « montrer des maisons qui font rêver mais dans lesquelles les citoyens peuvent se projeter pour un budget abordable. Et de questionner notre rapport à l’écologie : comment réinventer la maison sans fermer les yeux sur la transition climatique. C’est notamment l’idée portée par les maisons intégrées dans le paysage, intégrées au sol enherbé du terrain avec des toits végétalisés et en quelque sorte furtive ou même camouflée. »

Voilà pourquoi, investir dans le bas carbone et miser sur la rénovation des bâtiments font partie des incontournables pour tendre vers la sobriété énergétique et la transition climatique, et s’imposent comme de parfaits compléments aux actions déjà mises en œuvre pour mieux atteindre les objectifs fixés dans le cadre de « Fit by 55 ».

www.maddyness.com

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