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Ce village, le plus bas de France, sera-t-il submergé par la montée des eaux ?
29/09/2023
À 2,5 mètres sous le niveau de la mer, le village des Moëres, dans le Nord, est le point le plus bas du pays. Une zone qui a toujours combattu l'eau. Mais pourrait-elle se retrouver submergée par la montée des mers et des océans ?
C’est l’histoire d’une région marécageuse s’étalant sur l’actuel littoral nordiste et belge, recouverte par la mer du Nord, où vivaient des ancêtres des Gaulois nommés les Morins. Ils prenaient déjà la précaution de construire leurs habitations hors de portée des marées qui balayaient les terres. Avec le temps, un cordon dunaire se forma sur le littoral protégeant un peu plus les habitants qui y exploitaient la tourbe, menacés tout de même par les écoulements réguliers. Les travaux d’assèchement des sols y sont anarchiques, et peu probants. Les eaux sont rejetées dans un lac aux eaux pestilentielles vecteur d’épidémies nommé « Moëres ». Au XIIe siècle, un réseau de canaux appelé « wateringues » (contraction de water, l’eau, et de ring, le cercle, soit cercle d’eau) est créé. Il faut attendre 1619 et les travaux de Wenceslas Cobergher pour que Les Moëres, village du Nord, deviennent hors d’eau.
Les moulins de Cobergher
Il met en place un système de 23 moulins actionnant des vis sans fin sur une digue autour du lac. Ces eaux s’écoulent dans le ringsloot qui ceinture le village, et s’écoulent ensuite dans le canal des Moëres, qui lui file vers Dunkerque et la mer du Nord. La terre y est fertile, et les maladies ont disparu. Le système n’a quasi-pas bougé depuis, si ce n’est que les moulins ont été remplacés par des pompes électriques. Les inondations du village ont, depuis, toutes été des faits de guerre.
Pompage automatique
Sur la route qui longe le petit canal, Hervé Laniez, maire de 2004 à 2020, est sérieux. « Là, on sent que ça monte. » La route effectue une montée imperceptible à la voiture, peut-être un peu plus au cycliste, au milieu d’un plat pays cher à Jacques Brel. On arrive sur cette fameuse digue de presque trois mètres de haut entourant le village, et son ringsloot, c'est-à-dire un canal qui ceinture le village, accueillant les eaux des 28 kilomètres de canaux du village. « Les Moëres est l’un des derniers villages fabriqués. C’est le fond de l’évier si on peut dire », ajoute-t-il, l’œil rieur.
Ici, le canal s’appelle « canal du Gange ». Ses eaux sont remontées dans le ringsloot par deux énormes vis d’Archimède. Le village possède quatre stations de pompage automatisées d’un débit cumulé de 3 500 l/s pour dessécher 2 000 hectares. « Ce pompage a baissé le niveau de l’eau de 80 cm ».
Grâce à ce système hérité des moulins de Cobergher, les Moëres ont les pieds au sec. Impossible de savoir que l’on est sous le niveau de la mer, si ce n’est les quinze euros par an par foyer consacrés à l’entretien des canaux. Sur la mairie, trône une plaque rappelant la dernière inondation de 1944 à plus de deux mètres de hauteur. Impressionnante.
Fondations rehaussées
Vivre ici implique de discrets aménagements aux 1 000 habitants. Les maisons comportent quelques marches d’escaliers pour accéder au rez-de-chaussée. Les fondations sont toutes rehaussées de 70 cm, et depuis la tempête Xynthia de 2010, il est recommandé de construire les maisons avec des combles aménageables pour faciliter une évacuation.
Et quid de la montée des océans, grande préoccupation écologique ? « La digue de Cobergher nous protège des eaux extérieures. Et le cordon dunaire côtier également. Nos stations de pompage tourneront toujours, conclut l’ancien édile. Il y aura peut-être moins d’écoulement par gravité si l’eau monte. Il faudra pomper peut-être plus. Théoriquement, on n’a pas de grandes coulées d’eau qui viennent des hauteurs. Les quartiers noyés n’existent pas chez nous. On est plats, tous au même niveau, ça se régule. »