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Crise de l’énergie : comment Strasbourg se serre la ceinture

28/09/2022

Crise de l’énergie : comment Strasbourg se serre la ceinture

La maire de Strasbourg Jeanne Barseghian.

La nouvelle vague de contrats d’achat de gaz et d’électricité fait exploser les factures de collectivités à bout de souffle. Reportage à Strasbourg, où les prix vont être multipliés par cinq ou six.

D’abord, éteindre l’écran resté allumé depuis la réunion précédente. La sobriété demande quelques changements dans les habitudes, reconnaît ­Jeanne ­Barseghian une fois assise. La maire (EELV) de ­Strasbourg a conscience qu’il en faudra davantage pour tenir le nouvel objectif fixé par la ville (1) et ­l’eurométropole (2) : 10 % d’économies d’énergie d’ici un an ; 15 % en deux ans.

Un peu plus que ce que demande le gouvernement pour ne pas mettre en danger l’approvisionnement de la France en gaz et en électricité (une baisse de 10 % sur deux ans). L’heure n’est pas à la surenchère politique. ­Strasbourg doit tout bonnement faire face à une réalité. Une explosion des factures sans précédent. Qui touchera les collectivités les unes après les autres. Bon nombre d’entre elles sont encore protégées par des contrats à prix fixes signés avant la crise. Dans le ­Bas-Rhin, la donne changera du tout au tout au 1er octobre pour les communes, le conseil départemental ou le service départemental d’incendie et de secours qui ont adhéré aux groupements de commandes de la métropole. Du jour au lendemain, le prix du gaz sera multiplié par cinq ou six (pour 2023 et en partie pour 2024). Ce qu’il a bien fallu accepter à l’issue d’une consultation lancée cet été.

L’état attendu à la rescousse

Pas question, en revanche, de signer quoi que ce soit côté électricité : le marché aurait dû être alloué en même temps, mais les prix proposés étaient exorbitants. Les contrats actuels prennent fin au 31 décembre. Il reste donc trois mois pour trouver une solution. L’énergie représentait 3,1 % du budget de la ville en 2021. Le chiffre devrait, en tout état de cause, dépasser 8 % en 2023 (de 2,6 à 6,4 % pour la métropole selon le prévisionnel).

Alors que l’approvisionnement électrique était jusqu’à présent 100 % renouvelable, ­Strasbourg devra en outre se résigner à faire valoir ses droits à l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), ce mécanisme qui permet de partager la rente des réacteurs déjà amortis. « En tant qu’écologiste, ça fait mal au cœur, concède ­Jeanne ­Barseghian… Mais c’est la faillite de notre stratégie énergétique que nous payons aujourd’hui. On voit à quel point on est dépendants des énergies fossiles et du nucléaire. On doit accélérer sur les renouvelables. »

La parenthèse politique refermée, la maire résume l’enjeu de chaque élu quel que soit son avis sur la transition énergétique : « assurer la continuité du service public ». Une phrase récurrente qui prend cette année des proportions inédites. D’autant plus que « les finances publiques sont déjà très affectées par l’inflation et l’augmentation du point d’indice des fonctionnaires », rappelle Pia Imbs, présidente (divers centre) de la métropole.

Les directions générales des services (DGS) de l’ensemble des communes ont été réunies en plein mois d’août pour être associées à cette rentrée difficile. Dans sa commune d’­Holtzheim (3) comme à la métropole, ­Pia ­Imbs (divers centre) a vite compris qu’il fallait « reprioriser chaque projet calculatrice en main ». L’Etat est attendu à la rescousse. Au-delà même de la situation des acteurs publics, « nous devons tout faire pour ne pas entrer en période de stagflation (4), insiste l’élue. Les collectivités sont un moteur de l’économie locale ». Sur le territoire, « 3 milliards d’euros doivent être investis sur le mandat. Dont 80 % bénéficient à des entreprises de la région ». Enfin, la politique sociale devra être renforcée car les habitants les plus précaires sont, eux aussi, touchés par la crise des prix.

Tous les services concernés

A deux kilomètres de là, le directeur des sports, ­Jacques ­Vernerey, regarde des enfants nager dans la piscine de la ­Kibitzenau et tente de comprendre ce qu’impliquent tous ces chiffres. Il sait que les grands équipements – piscines, patinoires… – sont des gouffres énergétiques et que certains ont déjà été fermés aux quatre coins de la France. Dans la salle de réunion, ses équipes planchent justement sur des alternatives permettant aux maîtres nageurs et aux éducateurs sportifs de travailler cet hiver. La sobriété n’est plus une question de spécialistes en quête de solutions techniques. C’est un travail collectif.

Côté méthode, « l’enjeu est de pas prendre les décisions avec le seul prisme financier, mais de mettre les agents au cœur de la stratégie de ­transformation », détaille la DGS, ­Delphine ­Joly. Plutôt confiante car « on a passé le choc de la sidération, qui a tendance à pétrifier. L’impact est tel que la réalité est partagée par tous », souligne-t-elle. Cet été a renforcé la conscience de la crise climatique. Et les agents comme les habitants voient que leur « pouvoir de vivre » est affecté par les prix de l’énergie.

Il n’empêche que l’exercice est périlleux. Les solutions imaginées doivent être efficaces, pertinentes et acceptables. Parmi les pistes de la direction des sports : baisser la température d’un ou deux degrés dans certains bassins ou arrêter de chauffer l’eau dans les gymnases scolaires, où l’on se douche très peu. A cela s’ajouteront des mesures graduées qui dépendront à la fois de la situation énergétique de cet hiver et de la capacité des usagers à contribuer à la politique de sobriété (par exemple, en éteignant les terrains lorsqu’ils arrêtent de jouer). Pendant les vacances, des fermetures temporaires d’équipements pourraient, enfin, servir de variables d’ajustement.

Ne pas oublier le long terme

La donne est la même dans les musées ou les bâtiments administratifs, où s’imposera aussi l’optimisation des usages, surtout dans un contexte où le télétravail s’est développé. A l’hôtel de ville, ­Jeanne ­Barseghian devrait délaisser son bureau pour ­l’hiver. Elle privilégiera celui qu’elle possède au siège de la métropole. Se posera aussi la question de l’éclairage des rues et des monuments, « même si on ne ­touchera pas à celui de la cathédrale et qu’on aura des ­illuminations sur le marché de Noël, car on a besoin de conserver des symboles », insiste l’élue.

Viennent s’ajouter des objectifs de plus long terme. Si l’on ne veut pas que le serpent se morde la queue, « il y a deux sujets majeurs sur lesquels on doit à tout prix poursuivre nos efforts d’investissements : le développement d’une mobilité moins carbonée et l’énergie », insiste Pia Imbs, soulignant que cette crise est « un bon moment pour créer du consensus ». Depuis quelques mois, une assemblée citoyenne est chargée de travailler sur la révision du schéma directeur des énergies métropolitain. « La donne a changé, confirme ­Thérèse ­Chartier, l’une de ses membres. Certaines solutions inacceptables hier sont devenues un impératif et la seule question devient “comment faire” ? Et même, “comment faire dès aujourd’hui” ? »

La stratégie patrimoniale définie en début de mandat devient, elle aussi, plus pertinente que jamais. Si les opérations de rénovation devraient suivre leur cours, « la crise précipite nos besoins d’exploitation des équipements et de sobriété dans les usages », note ­Vincent ­Cognier, adjoint à la direction de la construction. Cet hiver, les bâtiments seront probablement équipés de sondes permettant d’optimiser les temps de chauffe ou de repérer les dysfonctionnements. Il n’y a pas de petites économies.

www.lagazettedescommunes.com


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