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La Commission européenne va retirer sa directive anti-greenwashing
30/06/2025

La directive européenne contre le greenwashing pourrait être définitivement enterrée face à la pression des lobbys - Photo de Jason Mavrommatis sur Unsplash
La directive Green Claims visant à lutter contre le greenwashing devrait être retirée, malgré des années de travail en trilogue, a annoncé la Commission européenne vendredi 20 juin. La réunion prévue ce lundi 23 juin pour finaliser le trilogue a ainsi été annulée. Déjà, eurodéputés et associations dénoncent une décision "absolument inexplicable", alors que le greenwashing reste omniprésent en Europe.
C'est un immense pas en arrière dans la régulation du greenwashing qui se dessine en Europe. La Commission européenne pourrait en effet, sous la pression de la droite et de l'extrême-droite, retirer la proposition de directive anti-greenwashing dite "Green Claims", en discussion en trilogue depuis le début de l'année. Le texte, réclamé de longue date par les associations de consommateurs, visait à mieux réguler les entreprises dans leurs communications comportant des allégations environnementales. Mais elle pourrait ne jamais voir le jour.
"Dans le contexte actuel, la Commission a l'intention de retirer la proposition de directive Green Claims" a ainsi expliqué Maciej Berestecki, porte-parole de la Commission Européenne vendredi 20 juin devant la presse. Lors de la séance de questions avec les journalistes, les représentants de la Commission ont indiqué ne pas pouvoir donner plus d'informations sur le sujet, mais l'annonce intervient alors que plusieurs partis poussaient pour le retrait de la directive, sous la pression des lobbys industriels.
"Une violation grave du devoir institutionnel" de la Commission
Les membres du Parti Populaire européen, représentant la droite européenne, avaient en effet écrit il y a quelques jours à la Commission européenne, pour annoncer leur volonté de ne pas soutenir la directive, quel que soit le résultat du trilogue en cours. De la même manière, l'extrême-droite européenne faisait pression sur la Commission pour tuer dans l'œuf le projet de directive. Les deux courants politiques soutiennent en effet depuis plusieurs mois un mouvement plus vaste de dérégulation visant particulièrement les politiques de transition écologique et sociale, sous l'impulsion notamment des acteurs industriels. Des revendications auxquelles semble donc céder la Commission.
D'ores et déjà, l'annonce a créé un vent d'indignation dans les forces politiques européennes. Sandro Gozi, eurodéputé Renaissance et co-rapporteur du texte au Parlement européen avec l'eurodéputée socio-démocrate Delara Burkhardt, a rappelé que la décision de mettre fin aux négociations en cours appartenait aux rapporteurs du texte. "Il s’agit là d’une violation grave du devoir institutionnel d’indépendance du Président et du Collège (des Commissaires européens, ndlr) dans son ensemble si la Commission envisage soudainement de retirer sa proposition au milieu des négociations finales. [...] Ce comportement honteux est sans précédent", s'est-il indigné sur X (ex-Twitter). "Si cela se produit réellement, la Commission n’agira plus comme un intermédiaire honnête, mais simplement comme un collaborateur de l’agenda politique du PPE", a-t-il ajouté. Pour l'eurodéputée écologiste Marie Toussaint, la décision de la Commission est "absolument inexplicable" : "les négociations sont en phase finale et un accord est attendu très prochainement... Sous couvert de simplification, la Commission [...] trahit une fois de plus le Pacte Vert qu'elle avait appelé de ses vœux'.
Les lobbys industriels à la manœuvre contre la directive anti-greenwashing
Depuis plusieurs mois maintenant, les lobbys industriels s'activaient en effet contre la directive Green Claims. Plusieurs représentants d'intérêts industriels avaient lancé cette année de grandes opérations de communication et d'influence visant à décrire le projet de loi comme "trop contraignant" et "trop lourd" pour les entreprises. En réalité, les acteurs industriels avaient en ligne de mire les mesures de vérification des communications environnementales qui auraient été introduites dans le droit européen. Cette mesure aurait en effet forcé les acteurs privés à faire vérifier par un organisme tiers indépendant, avant toute mise sur le marché d'un produit, la véracité des potentielles allégations environnementales. Il aurait alors été impossible pour les entreprises de décrire dans leurs publicités un produit comme "écologique", "neutre en carbone" ou "préservant la biodiversité" sans avoir la preuve de leurs allégations.
L'enjeu est particulièrement important, alors que les données montrent que le greenwashing reste omniprésent en Europe. En France par exemple, un rapport publié récemment par l'ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité) pointe du doigt "un taux encore trop élevé" de publicités non-conformes aux règles de déontologie en matière de greenwashing pour les publicités à visée environnementale, alors que la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) montre que les marques comme les distributeurs manquent à leurs obligations en matière d'information et d'étiquetage environnemental.
Conséquence de la décision de la Commission, la présidence polonaise du conseil de l'Union Européenne a en tout cas décidé d'annuler la réunion qui devait se tenir aujourd'hui dans le cadre du trilogue. "La directive sur les allégations écologiques est trop importante – pour les consommateurs, pour les entreprises et pour nos engagements climatiques – pour être abandonnée de cette manière", a de son côté réagi Delara Burkhardt, eurodéputée allemande socio-démocrate, co-rapporteuse du texte.
Mise à jour le 25 juin à 14 h 30 : Face à la crise politique initiée par les annonces du 20 juin, la Commission européenne a finalement initié un rétropédalage. "Le soutien de la présidente (de la Commission, Ursula von der Leyen, ndlr) à la directive Green Claims n’a pas changé" a ainsi déclaré un porte-parole. Pour l'heure, difficile de savoir ce que deviendra la directive, en l'absence de réponse claire des instances européennes.