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Les eaux usées, une ressource d'avenir qui coule à flot

29/08/2022

Les eaux usées, une ressource d'avenir qui coule à flot



Alors que la France subit une sécheresse historique qui tarit durablement les nappes phréatiques, les projets de réutilisation des eaux usées se multiplient. La Commission européenne appelle le continent à accélérer cette pratique alors que la France est à la traîne. Si d'un point de vue environnemental, cette réutilisation paraît une bonne idée, attention à son usage. Toute la semaine, Novethic se plonge dans la crise de l'eau. Eaux usées, méga bassines, désalinisation... ces pratiques sont-elles vraiment vertueuses ?

C’est une pluie qu’on n’attendait plus. Après un énième épisode de canicule depuis le mois de mai et un état de sécheresse considérable dans tous les départements de la métropole, l’eau est enfin arrivée. Mais pas assez pour recharger les nappes phréatiques qui ont particulièrement souffert. Selon Météo France, en juillet, la pluviométrie a été déficitaire de 85 % sur l'ensemble du territoire. "Les précipitations ont été rares et très faibles à l’exception de quelques orages en début et fin de mois", écrit l’organisme. D’où le message lancé début août par la Commission européenne appelant les États membres à réutiliser leurs eaux usées.

"Les ressources en eau douce sont rares et de plus en plus tendues. Il est de notre devoir de cesser de gaspiller l’eau et d’utiliser cette ressource plus efficacement", a souligné le commissaire européen à l’Environnement, Virginijus Sinkevicius cité par l’AFP. L’idée est de récupérer l’eau qui sort des stations d’épuration, pour la traiter et la réutiliser. Aujourd’hui, cette eau est directement rejetée dans les cours d’eau mais plusieurs pays européens, marqués par le stress hydrique, se sont emparés de cette technique pour irriguer les champs ou arroser les espaces verts. 

Un fort potentiel

En France, cette pratique reste marginale avec moins de 1 % des eaux usées réutilisées malgré des expériences réussies comme sur l’île de Noirmoutier où l’eau usée est réutilisée pour des irrigations maraîchères. "On n'a pas les mêmes systèmes par rapport aux Italiens et aux Espagnols et on n’avait pas les mêmes tensions sur l’eau jusqu’ici", justifie sur France Info Catherine Neel, directrice de projets Gestion Résilience des Hydrosystèmes au CEREMA. Lourdeur administrative, manque d’acceptation sociale,… les freins sont nombreux. "Pour les agriculteurs, le prix de l’eau n’est pas assez compétitif. L’eau réutilisée est trop chère aujourd’hui par rapport à l’eau "pure", explique Julie Mendret, chercheuse à l’Institut européen des membranes. Si le modèle économique n’a pas encore été trouvé, les projets se multiplient. 

Les grands industriels, comme Veolia, poussent en ce sens. Le groupe a annoncé fin juillet déployer la réutilisation des eaux usées sur toutes les stations d’épuration qu’il opère. "La technologie de la réutilisation des eaux usées traitées représente un très grand potentiel pour la France, notamment dans le contexte de la rareté de la ressource et de l’aggravation des phénomènes de sécheresse sur le territoire", explique dans un communiqué Pierre Ribaute, DG des activités Eau en France de Veolia. La Vendée expérimente également le projet Jourdain, une première en Europe. L’eau des stations d’épuration, auparavant rejetée en mer, est récupérée et traitée pour être réinjectée dans des circuits d’eau potable. Le potentiel est important.

Attention aux priorités

Selon les chiffres du Cerema, si la France adopte un taux moyen de réutilisation de 20 %, elle obtiendrait un gisement d’eaux usées traitées de 1,6 milliard de mètres cubes d’eau par an. Sur le papier, l’idée a tout pour plaire. Et pourtant, les associations écologistes sont peu enthousiastes. En août 2017, France nature environnement avait décrypté les impacts environnementaux de la réutilisation des eaux usées. "Dans le contexte actuel d’une ressource en eau moins disponible, la priorité est de chercher des solutions pour consommer moins d’eau", note l’association. "En agriculture par exemple, l’utilisation de ces eaux ne doit pas se faire dans le cadre de cultures inadaptées aux conditions climatiques et à la ressource en eau disponible tel que le maïs grain, plante tropicale très gourmande en eau."

Si la spécialiste Julie Mendret considère la réutilisation des eaux usées comme une des solutions permettant de réduire notre utilisation en eau, elle tempère : "C’est une très bonne chose pour les zones littorales mais pour les continentales, ce n’est pas la bonne solution. Si on utilise l’eau qui est aujourd’hui rejetée dans les cours dont le débit est faible, pour l’agriculture, alors on n’y arrive pas", explique-t-elle. "Il faut de toutes façons réduire notre utilisation de l’eau en amont. S’interroger sur le lavage des voitures, l’arrosage des golfs… je ne pense pas que ça soit une priorité". 

Marina Fabre Soundron / www.novethic.fr

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