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PLF 2023 : un budget en hausse, mais la chasse aux dépenses défavorables reste inachevée

30/09/2022

PLF 2023 : un budget en hausse, mais la chasse aux dépenses défavorables reste inachevée

Des soutiens importants sont annoncés pour le nucléaire et les renouvelables.        © vencav

Le débat budgétaire s'ouvre avec la présentation du PLF 2023. Le gouvernement met en avant un budget historique de 60 milliards d'euros consacré à la transition énergétique. Mais les ONG environnementales dénoncent des dépenses néfastes qui perdurent.

Après un été 2022 marqué par les dérèglements climatiques, le projet de budget est un bon indicateur de la volonté, ou non, du gouvernement de prendre la question de la transition écologique à bras le corps. Les ministres de l'Économie et des Comptes publics ont présenté, ce lundi 26 septembre, en Conseil des ministres, le projet de loi de finances pour 2023 (PLF 2023). Leurs collègues chargés des transitions écologiques et énergétiques se félicitent de moyens inédits, tandis que les ONG environnementales dénoncent les nombreuses dépenses publiques défavorables à l'environnement qui perdurent.

« Nous n'avons pas d'autres choix que de réussir. Pour y parvenir, nos deux ministères s'appuieront sur des moyens financiers historiquement élevés. En effet, en 2023, le budget de la transition écologique et de la cohésion des territoires atteindra 40 Md€, celui de la transition énergétique 19 Md€ et les concours aux collectivités territoriales 53 Md€ », vantent Christophe Béchu et Agnès Pannier-Runacher. Une hausse annoncée de + 15 % par rapport à 2022.

« La planification écologique promise par le gouvernement ne pourra se faire que si elle est accompagnée d'une nouvelle planification budgétaire pour le climat et la biodiversité sur l'ensemble du quinquennat, dotée de moyens supplémentaires et couplée à la sortie des dépenses néfastes », estime, de son côté, Pierre Cannet, directeur du plaidoyer du WWF. Ce dernier rappelle que les dépenses néfastes pour le climat et la biodiversité ont été estimées à 25 milliards d'euros (Md€) l'an dernier.

Soutien à la rénovation énergétique

L'un des plus gros dossiers du moment est celui de l'énergie. « La crise que nous traversons est avant tout une crise des énergies fossiles, qui aurait eu un impact bien moindre si la France avait respecté ses objectifs climatiques et de transition énergétique, estime le Réseau Action Climat (RAC). L'État a sa part de responsabilité dans cette charge supplémentaire difficilement surmontable pour les ménages aux revenus modestes et doit apporter un soutien adéquat pérenne et fléché vers les personnes qui en ont le plus besoin. »

"Pour réussir [la transition écologique], nos deux ministères s'appuieront sur des moyens financiers historiquement élevés."  Christophe Béchu et Agnès Pannier-Runacher

 À cet égard, le gouvernement prévoit la prolongation des boucliers tarifaires sur le gaz et l'électricité, pour un coût brut estimé à 45 milliards d'euros en 2023, en partie financé par les reversements effectués par les producteurs d'énergies renouvelables. Le bouclier tarifaire est toutefois loin de couvrir la totalité des hausses des prix de l'énergie, le gaz et l'électricité devant augmenter de 15 %, respectivement, en janvier et en février 2023. Pour faire face à ces hausses, le gouvernement versera des chèques énergie exceptionnels de 100 à 200 euros à environ 12 millions de foyers modestes, pour un montant de 1,8 Md€ de crédits supplémentaires qui doivent être votés dans la prochaine loi de finances rectificative pour 2022.

En matière de rénovation énergétique, l'exécutif annonce près de 3 Md€ pour les logements privés, avec 2,5 Md€ pour le financement du dispositif MaPrimeRénov' et un renforcement des dispositifs de rénovation globale MPR Sérénité et Copropriétés, financés directement sur le budget de l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Les montants sont plus modestes pour les bâtiments publics, avec 150 M€ consacrés au parc de l'État. Une enveloppe de 200 M€ sera, quant à elle, attribuée aux logements sociaux à travers le Fonds national des aides à la pierre (Fnap). « Ces fonds visent à̀ soutenir les opérations de rénovation performantes et globales qui ont été entreprises par les bailleurs et à accélérer la résorption des passoires thermiques dans le parc social », précise Bercy. Les logements sociaux pourront, par ailleurs, continuer à bénéficier d'une exonération de taxe foncière de vingt-cinq ans, étendue à trente ans pour les constructions dépassant les exigences de la réglementation environnementale 2020 (RE 2020).

Priorités au nucléaire et aux renouvelables

Des soutiens importants sont annoncés pour les deux piliers d'énergie décarbonée que le gouvernement souhaite promouvoir, soit le nucléaire et les renouvelables. Il annonce 1,2 Md€ pour soutenir le premier, dont 420 M€ de subventions au Commissariat à l'énergie atomique (CEA) pour poursuivre les travaux de recherche sur le cycle du combustible et les petits réacteurs modulaires (SMR). Ceux-ci bénéficiaient déjà d'un financement de 50 M€ au titre de France Relance et de 500 M€ au titre du plan France 2030. Bercy met aussi en avant des moyens accrus pour les opérateurs dans le champ de la recherche et de la sûreté nucléaire, soit + 8,7 M€ pour l'Institut de recherche et de sûreté nucléaire (IRSN) et + 10 M€ pour le CEA. La subvention accordée, par ailleurs, à ce dernier pour financer les dépenses de démantèlement des installations nucléaires est augmentée de 40 M€, pour atteindre 780 M€.

Pour les renouvelables, il est prévu un budget de soutien de 1,6 Md€, dont 68 M€ consacrés aux études sur l'implantation de parcs éoliens en mer (+ 25 M€) et 863 M€ de soutien à l'injection du biométhane (+ 150 M€). Le Fonds chaleur, géré par l'Ademe et destiné à soutenir la production de chaleur et de froid renouvelables, voit son budget porté à 520 M€ en 2023, au lieu de 270 M€ hors plans de relance auparavant.

« Le PLF 2023 prévoira de cesser, dès le 1er janvier 2023, d'octroyer des garanties export pour l'ensemble de la chaîne de valeur du secteur de toutes les énergies fossiles : depuis l'exploration-production en amont, jusqu'au raffinage en aval, en passant par le transport et le stockage », assure par ailleurs Bercy. « Après des années de mobilisation de la société civile, c'est une avancée décisive qui pourrait inciter d'autres pays à s'engager, et rediriger ainsi des milliards d'euros vers la transition énergétique », se félicitent Les Amis de la Terre France et Oxfam France. Les deux ONG appellent les députés à voter cette proposition et à aller plus loin en appliquant le même régime d'interdiction pour les centrales au gaz.

Nouveau dispositif de leasing social

Dans le domaine des transports, le PLF prévoit un budget de 1,3 Md€ pour financer le bonus écologique et la prime à la conversion, auxquels s'ajoute, cette année, le nouveau dispositif de « leasing social » destiné à rendre accessible les véhicules électriques aux ménages modestes. Le détail de ce dispositif doit être annoncé à l'occasion du Salon de l'auto. Le ministère de la Transition écologique annonce également la prolongation de l'appel à projets en faveur de l'électrification des poids lourds. Le budget 2023 intègre également les crédits de 250 M€ du Plan vélo, annoncé le 19 septembre par Élisabeth Borne.

Le gouvernement prévoit également un relèvement à 2,7 Md€ du montant des taxes affectées à l'Agence de financement des infrastructures (Afit France) en vue de renouveler les transports publics, en particulier ferroviaires.

Fonds verts pour les collectivités territoriales

Figure également dans le projet de loi le Fond verts, doté de 1,5 Md€, que la Première ministre avait annoncé le 28 août dernier. « Ce fonds visera notamment à soutenir la performance environnementale des collectivités (rénovation des bâtiments publics des collectivités, modernisation de l'éclairage public, valorisation des biodéchets, etc.), l'adaptation des territoires au changement climatique (risques naturels, renaturation) et l'amélioration du cadre de vie (friches, mise en place des zones à faibles émissions, etc.) », explique le gouvernement, précisant que 150 millions d'euros sont destinés à la Stratégie nationale pour la biodiversité. « Déconcentré, il s'adaptera aux besoins de chaque territoire dans une logique de souplesse et de fongibilité », ajoute-t-il, insistant sur le rôle central que les collectivités doivent jouer dans la transition écologique. La création de ce fonds est salué par le WWF. « Cela pourrait être l'occasion de doter enfin de moyens les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) créés dans le cadre du plan de relance pendant la crise Covid », réagit l'ONG.

Une hausse de 6 M€ de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales est par ailleurs annoncée, ce qui la porte à 30 M€ pour 2023. Le ministère de la Transition écologique annonce également une augmentation de 3 M€ des crédits biodiversité au profit des plans nationaux d'action en faveur des espèces protégées, ainsi que des crédits supplémentaires pour la feuille de route Zéro plastique, ainsi que la protection des espèces et milieux marins. Christophe Béchu annonce, par ailleurs, une sanctuarisation des moyens des agences de l'eau, qui disposeront de 2,2 Md€ l'année prochaine.

L'année 2023 marque aussi l'entrée en vigueur du nouveau dispositif d'assurance récolte, mis en place par la loi du 2 mars 2022 et destiné à protéger les agriculteurs affectés par les événements climatiques. Le projet de loi prévoit une contribution de l'État qui se rajoutera, précise Bercy, au doublement du plafond de la taxe affectée au Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA).

Des effectifs stabilisés après vingt ans de baisse

En termes d'effectifs, le budget 2023 prévoit une préservation des postes au sein des ministères chargés de l'Écologie et de la Transition énergétique, après plus de vingt ans de baisse. « Cette stabilité́ des effectifs ministériels sur le quinquennat permettra de réorienter les moyens vers les équipes chargées de la gestion des approvisionnements stratégiques ou de la mise en œuvre du programme de nouveaux réacteurs nucléaires, plus vaste programme industriel lancé en France depuis plus de trente ans », précise le gouvernement.

Ce dernier annonce également la poursuite, sur le terrain, du « réarmement des effectifs » attribués à la prévention des risques, à l'instruction des projets d'énergies renouvelables, à la biodiversité et à la rénovation énergétique. L'évolution des emplois est, en revanche, toujours négative en 2023 pour les opérateurs rattachés à la mission « Écologie, développement et mobilités durables », avec onze suppressions de postes. Bercy met toutefois en avant les créations d'emplois pour certains d'entre eux : Agence nationale de l'habitat (Anah) (+ 25 ETP), Agence de la transition écologique (Ademe) (+ 25 ETP), Office français de la biodiversité (OFB) (+ 15 ETP). On notera aussi que 788 créations de postes sont prévues au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » à laquelle est rattaché le ministère de la Transition énergétique.

Objectif environnemental à 2027

Le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027 a été présenté en même temps que le PLF, avec pour objectif de « définir une trajectoire de finances publiques soutenable et d'assurer les moyens de son pilotage ». Pour la première fois, cette loi fixe un objectif environnemental, vante le gouvernement. Elle prévoit « la diminution de 10 % du ratio des dépenses brunes sur les dépenses vertes ou mixtes entre la loi de finances pour 2022 et le projet de loi de finances pour 2027 ». Dans le cadre de cette trajectoire, le ministère de l'Économie met en avant quatre priorités : le soutien au développement des énergies renouvelables, l'accompagnement des ménages dans la rénovation énergétique et l'acquisition de véhicules peu polluants, la lutte contre l'érosion de la biodiversité et la mise en œuvre de la loi d'orientation des mobilités (LOM).

Le budget vert, qui retrace les dépenses défavorables à l'environnement et qui constitue maintenant une annexe obligatoire du PLF, doit être publié dans les jours qui viennent, indique Bercy. Il sera scruté de près par les observateurs. « La priorité : mettre fin de toute urgence aux dépenses néfastes pour le climat et la biodiversité et réorienter ces fonds vers le financement de la transition écologique », exhorte France Nature Environnement (FNE).

Laurent Radisson: / www.actu-environnement.com

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