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Comment le véhicule électrique peut passer la vitesse supérieure

16/01/2022

Comment le véhicule électrique peut passer la vitesse supérieure

Le nombre de points de recharge constitue un frein à l'achat d'une voiture électrique. © Paulynn

La France veut interdire la vente des voitures thermiques en 2040. Pour les remplacer, elle compte sur les véhicules électriques. Mais, pour les Français, des obstacles restent à surmonter : le développement du réseau de recharge et la baisse des prix.

Dans sa course pour conquérir le marché automobile, le véhicule électrique appuie progressivement sur l'accélérateur. Plusieurs nids de poule et dos d'âne se dressent cependant sur sa route. Ces freins sont à lever impérativement pour atteindre la ligne d'arrivée à temps face au changement climatique. Conscients de cette dernière ligne droite qui pointe à l'horizon, les Français sont pourtant prêts à accélérer la cadence.

Selon un récent sondage Ipsos, réalisé auprès d'un échantillon de mille personnes de plus de 15 ans, 82 % d'entre elles sont prêtes à changer leurs habitudes en privilégiant l'électromobilité pour lutter contre le changement climatique et 83 % pour améliorer la qualité de l'air. Mais combien, en France et ailleurs, ont déjà fait le choix du véhicule électrique ? Et quels seraient les leviers capables de convaincre le reste de la population ?

Les fins prochaines du moteur thermique

Le véhicule thermique a signé, non pas un, mais plusieurs arrêts de mort à travers le monde. En juillet dernier, dans l'optique d'atteindre la neutralité carbone en 2050, la Commission européenne s'est donnée comme objectif de réduire de 100 % les émissions de gaz à effet de serre provenant des voitures neuves d'ici à 2035. Durant la COP 26 de Glasgow, quelques mois plus tard, une trentaine d'États, villes et industriels (comme Ford ou Volvo) se sont également accordés à seulement autoriser la vente de véhicules à zéro émission – c'est-à-dire, 100 % électrique ou à hydrogène « vert » – dès 2040.

Absente de cet accord international, la France interdira d'abord, quant à elle, la vente des véhicules émettant plus de 95 grammes d'équivalent CO2 par kilomètre (gCO2eq/km) en 2030, en respect de la loi Climat et résilience. Dans un second temps, elle compte mettre fin à la vente de tous les véhicules thermiques restants - sans toucher aux véhicules hybrides rechargeables, notamment – en 2040. En parallèle, le gouvernement ambitionne, à travers le plan France 2030 dévoilé, en octobre 2021, par Emmanuel Macron, de parvenir aux deux millions de véhicules électriques (hybrides rechargeables ou 100 % électriques) en circulation et aux sept millions de points de recharge installés à la même date.

2021 : une année record

À l'heure actuelle, l'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere-France) recense 512 000 véhicules 100 % électriques (VE) et 274 000 hybrides rechargeables (VHR) sur les routes de l'Hexagone. De cette flotte de 786 000 automobiles, 315 000 ont été immatriculées en 2021. Cela représente un bond de 62 % par rapport à l'année précédente et de 355 % par rapport à 2019. Dominé par les Tesla Model 3 et les Renault Zoe, le VE représente désormais 14,6 % du marché automobile français (10 % pour les VHR) – un record historique.

 Selon une étude menée par la Plateforme pour l'électromobilité (PFE) et publiée en janvier 2022 dans la revue Element Energy, cette tendance se confirmera assurément dans les prochaines années. Parmi 14 000 citoyens de sept pays européens (dont la France) ayant acheté une voiture en 2021, plus des deux tiers pensaient se tourner vers une électrique ou en possédaient déjà une. « Le transfert vers les véhicules électriques est plus rapide que ce que l'industrie et les législateurs attendaient », atteste Amélie Prans, présidente de la PFE. Selon les experts de cette fédération d'associations européennes pour l'électromobilité, le VE deviendra le principal moyen de locomotion automobile, dès 2025, en Europe. À l'échelle mondiale, les véhicules électriques au sens large (VE et VHR) domineront le marché d'ici à 2040, d'après les estimations du cabinet de conseil Arcadis.

Faire bonne route au bon prix

Ces projections sont cependant dépendantes d'une condition : une baisse suffisante du prix des véhicules électriques pour parvenir à une parité avec celui des véhicules thermiques. Le sondage Ipsos le confirme : environ 50 % des Français prêts à acheter un VE citent le prix comme inconvénient principal. « Si le prix est juste, une majorité significative des consommateurs (européens) choisiront un VE comme prochaine voiture dans les trois prochaines années », avance l'étude de la PFE. Cette dernière estime, qu'avec une réduction moyenne de 20 % des coûts des VE avant 2030, la parité recherchée sera atteinte dès 2028.

« Les gouvernements peuvent accélérer la transition vers une domination du VE en soutenant et encourageant les constructeurs automobiles à produire des VE à bas prix ainsi qu'en appliquant de plus fortes taxes à l'immatriculation d'un véhicule thermique, énoncent les experts de la PFE. Tant que l'offre en VE sera suffisante, la transition vers l'électromobilité sera alors inévitable. » Cette hypothèse prend notamment pour exemple l'apparition plébiscitée en Chine de modèles électriques de taille réduite affichée à moins de 10 000 dollars (environ 8 700 euros).

Pour Yassine Eddarai, responsable nouvelles mobilités d'Arcadis, si les constructeurs ne se plient pas assez vite à cette condition tarifaire, « un changement dans la possession de l'automobile pourrait voir le jour et ainsi favoriser l'essor du leasing, du free floating et de l'autopartage en ville ». Le vélo ou les transports en commun pourraient, quant à eux, rester minoritaires. Comme en témoigne le sondage Ipsos, 61 % des Français ne sont pas encore prêts à abandonner la voiture : « Elle reste encore le moyen le plus utilisé, la norme, pour se déplacer », souligne Alice Tétaz, directrice d'études chez Ipsos. Pour que le VE conquiert le marché, les spécialistes de l'Avere-France parient plutôt sur les bénéfices du marché de l'occasion : « Plus le nombre de modèles immatriculés augmente, plus ces modèles permettent d'alimenter le marché de l'occasion, essentiel pour que davantage de particuliers accèdent à la mobilité électrique. »

Une infrastructure de recharge encore insuffisante

L'autre obstacle barrant la route à l'électromobilité est un souci d'infrastructure. Au terme de l'année 2021, l'Avere-France recense un peu plus de 53 000 points de recharge sur des bornes ouvertes au public (sur environ 612 000, en prenant en compte les bornes privées). Si ce chiffre est en augmentation de 64 % par rapport à l'année précédente, il reste très loin du jalon des 100 000 points de recharge installés avant 2022, que s'était fixé initialement le ministère de la Transition écologique. Parmi les Français récemment interrogés par Ipsos, seul un tiers affirme avoir accès à un point de recharge – malgré une évolution de 10 % par rapport au sondage précédent, effectué en 2018. Ainsi, 28 % des sondés y auraient accès avec « quelques aménagements ». Et 68 % d'entre eux attendent de leur municipalité ou collectivité de développer, en priorité, leur infrastructure de recharge.  

  
Liste des leviers possibles pour favoriser l'achat d'un véhicule électrique, par ordre d'importance chez les Français interrogés par Ipsos.© Ipsos

 

La France n'a pourtant pas lésiné sur ce sujet, l'année passée. En février 2021, le gouvernement a annoncé instaurer, avant le 31 décembre 2022, l'obligation d'équiper les 440 aires de service d'autoroutes et de voies rapides en points de recharge. La moitié des aires de service du réseau routier comportent, d'ores et déjà, au moins un point de recharge. Le mois suivant, il a ajouté l'obligation de pré-équiper les parcs de stationnement de chaque bâtiment neuf. Il étendra cette mesure à tous les nouveaux bâtiments résidentiels dès 2025.

Néanmoins, ce maillage de bornes électriques ne se fera certainement pas sans effort – en France comme ailleurs. Selon un rapport de Siemens Financial Services, le « déficit d'investissement » (à savoir, la différence entre les financements déjà réalisés et les investissements à venir) pour déployer rapidement les réseaux de recharge nécessaires au développement du VE dans le monde, se monte à 45 milliards de dollars entre 2021 et 2023. Ce déficit « augmentera de manière exponentielle » jusqu'à 104 milliards de dollars entre 2024 et 2026.

L'amélioration nécessaire de l'autonomie et du bilan carbone

Une fois ces défis surmontés, il faudra encore que le VE prouve sa valeur auprès du reste des Français, plus récalcitrants. D'autres écueils persistent, comme son autonomie limitée ou les points noirs du bilan carbone de son cycle de vie. Parmi les personnes sondées par Ipsos, 46 % déclarent être prêtes à passer à l'électromobilité seulement une fois le verrou d'une autonomie supérieure à 500 kilomètres levé. « Les Français ne se déplacent pas plus qu'avant, mais expriment plus d'attente envers l'électromobilité, estime Alice Tétaz, d'Ipsos. Les plus âgés, surtout, voient encore la voiture comme un synonyme de liberté. L'autonomie compte donc davantage pour eux que chez les moins de 35 ans, par exemple. »

Quant à l'enjeu écologique du VE, il demeure, lui aussi, un défi, et non des moindres. « L'impact environnemental et sociétal de la production des batteries reste le point de vigilance majeur pour que la France puisse tirer pleinement profit de son énergie peu carbonée dans le bilan global des VE », atteste Julien Lamour, directeur de la branche conseil en environnement du cabinet Arcadis. Si l'analyse du cycle de vie (ACV) d'un VE reste moins entachée que celui d'un véhicule thermique de même ordre, son bilan carbone est loin d'être nul.

Une étude, publiée en août 2020 par l'université technologique d'Eindhoven, aux Pays-Bas, estime l'ACV de la très populaire Tesla Model 3 à 91 gCO2eq/km, soit 65 % de moins que les 260 gCO2eq/km d'une Mercedes Classe C 220d. Pour « compenser » totalement les émissions de gaz à effet de serre correspondantes à la fabrication de sa batterie, la Tesla devra néanmoins dépasser le seuil des 30 000 kilomètres parcourus. En outre, avance Julien Lamour, « la réutilisation des batteries usagées pour stocker de l'énergie renouvelable, notamment solaire, pourrait apporter une réponse concrète à leur gestion durable ».

Félix Gouty / www.actu-environnement.com



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