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Élisabeth Borne : une Première ministre expérimentée face à des défis compliqués

16/05/2022

Élisabeth Borne : une Première ministre expérimentée face à des défis compliqués

Élisabeth Borne va devoir assumer la responsabilité de la planification écologique voulue par le président de la République.    © Florence Piot

Nommée Première ministre, chargée de la Planification écologique, Élisabeth Borne maîtrise parfaitement les sujets environnementaux. Mais son expérience et sa nouvelle feuille de route lui suffiront-elles à faire face aux défis climatiques ?

Nommée Première ministre, le 16 mai 2022, par le président de la République, Emmanuel Macron, Élisabeth Borne va devoir assumer la responsabilité de la planification écologique voulue par ce dernier. Une mission cruciale, au regard des enjeux climatiques et sociaux, et censée transcender les querelles et les blocages entre les ministères. « Parce que cela concerne tous les domaines, tous les secteurs, toutes les dépenses, tous les équipements, tous les investissements, bref, toutes les politiques », déclarait Emmanuel Macron, il y a tout juste un mois, lors de son rassemblement à Marseille dans l'entre-deux tours de l'élection présidentielle. Si ses contours sont encore mal connus, et sans doute encore à inventer par la Première ministre elle-même, cette nouvelle gouvernance devrait au minimum s'appuyer sur une « feuille de mission publique », comme le suggère la Fondation pour la nature et l'homme (FNH), une « stratégie nationale de soutenabilité », comme le conseille France Stratégie, ou une loi quinquennale.

Ministères sans mystère

Pour assumer cette fonction, Élisabeth Borne devrait être secondée par deux autres ministères chargés de la Planification énergétique et de la Planification écologique et territoriale. Le poste ne devrait pas effrayer cette polytechnicienne, ingénieure de l'École nationale des ponts et chaussées et ancienne préfète de Poitou-Charentes, qui n'a certes jamais siégé au Parlement, mais connaît sur le bout des doigts les clefs du fonctionnement des ministères. Passée par plusieurs d'entre eux (Équipement, Éducation nationale et Transports), entre 1987 et 2002, en tant que haute fonctionnaire ou conseillère, notamment, elle a également dirigé ceux des Transports, de la Transition écologique et solidaire, puis celui du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion, entre 2017 et aujourd'hui. Quant à ses pas de côté dans le privé, en tant que directrice de la stratégie de la SNCF, en 2002, directrice des concessions de la société Eiffage, en 2007, ou présidente-directrice générale de la RATP, de 2015 à 2017, ils ne l'auront jamais vraiment éloignée des lieux de pouvoir.

L'habituée des chausse-trappes

Considérée comme une excellente technicienne, travailleuse acharnée et fine négociatrice, Élisabeth Borne s'est déjà fait les griffes, tout au long de son parcours, sur de nombreux dossiers épineux, comme celui du renouvellement des concessions d'autoroutes, alors qu'elle était directrice du cabinet de Ségolène Royal au ministère de l'Écologie en 2015, celui de l'effacement de l'huile de palme de la liste des biocarburants bénéficiant d'une minoration de la taxe, en 2019, celui d'EuropaCity, finalement abandonné cette même année, ou encore celui de Lubrizol, en 2020. C'est elle aussi, entre 2018 et 2020, qui a géré l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire, la transformation du statut de la SNCF et l'arrêt du recrutement au statut des agents, déclenchant au passage la plus longue grève de la SNCF depuis plusieurs décennies. À son actif, on peut également citer le lancement du Plan national vélo de 2017, le Coup de pouce vélo de 2020, l'écotaxe sur les billets d'avion à partir de 2020, les premiers jalons du zéro artificialisation nette et des zones à faibles émissions, mais également le lancement ou le vote de trois lois : loi d'orientation des mobilités, la loi énergie-climat et la loi sur l'économie circulaire.

Des sujets brûlants au programme

Un bilan malgré tout jugé encore insuffisant par le parti Europe Écologie Les Verts. « Élisabeth Borne, que ce soit en tant que ministre de l'Écologie ou ministre des Transports, a échoué à mettre la France sur la trajectoire nécessaire pour respecter l'Accord de Paris », estiment ses porte-paroles. Désormais, outre l'urgence climatique et le respect des Accords de Paris, elle devra mettre son expérience au service d'une longue liste de sujets prioritaires, sur le plan national comme dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne. Le plus pressant d'entre eux est sans doute celui de la crise énergétique, antérieur à la guerre en Ukraine, mais rendu encore plus brûlant par cette dernière sur les plans socio-économiques et environnementaux. En accord avec les nouvelles stratégies européennes, dont le REpowerUE, la France va ainsi devoir accélérer pour de bon sur la production d'énergies renouvelables et sur la sobriété énergétique, en termes de mobilité et de logement, comme de process industriels. Bien que manifestement réservée en matière de nucléaire, celle qui a supervisé l'arrêt définitif de la centrale nucléaire de Fessenheim, en 2020, devra par ailleurs composer avec la volonté affirmée du chef de l'État de lancer six à quatorze EPR d'ici à 2035.

Agriculture et infrastructures

Également à l'ordre du jour : la question de la dépendance de l'agriculture aux pesticides et du plan stratégique national agricole, sévèrement critiqué par la Commission européenne. Élisabeth Borne, qui a œuvré pour la réduction de l'usage des biocides, aura fort à faire avec la FNSEA, d'accord avec le principe de la planification, dès lors qu'elle « se concilie avec l'objectif de souveraineté alimentaire », dans un dialogue, « équilibré entre économie, écologie et production agricole durable ».

ONG et laboratoires d'idées réclament aussi une forte mobilisation pour une mobilité durable et des investissements conséquents : dans les transports ou les véhicules bas carbone, mais aussi dans l'aménagement du territoire. La nouvelle ministre réussira-t-elle à s'emparer de cette nouvelle méthode de gouvernance écologique ? Et celle-ci se révèlera-t-elle efficace ? Tout dépendra sans doute de la capacité de la nouvelle Première ministre à imposer et à faire vivre concrètement le concept, mais aussi des moyens qui lui seront alloués, et de la volonté du chef de l'État de tenir sa promesse de « faire de la France une grande nation écologique ».

Nadia Gorbatko / www.actu-environnement.com

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