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Les nouveaux outils de lutte contre les dépôts sauvages

02/04/2022

Les nouveaux outils de lutte contre les dépôts sauvages

Phovoir

Les citoyens n’ont jamais autant été préoccupés par les problématiques environnementales, ni les collectivités autant mobilisées pour améliorer le service public de gestion des déchets sur leurs territoires ! Pourtant, un triste constat s’impose : la quantité de dépôts sauvages ne cesse d’augmenter ces dernières années, empoisonnant la vie des services propreté et déchets des collectivités. L’occasion de faire un point sur le sujet.

Sujet complexe

Les dépôts illégaux de déchets concernent l’ensemble de la société. Ils ont des impacts multiples et directs aussi bien sur la qualité de vie des citoyens (dégradation des paysages et du cadre de vie, nuisances pour le voisinage), sur l’environnement (pollution des sols, de l’air, des cours d’eau et des nappes phréatiques), que sur la santé publique (contamination de la chaîne alimentaire par divers polluants). Leurs coûts d’enlèvement sont importants pour ceux qui les subissent : pouvoirs publics, gestionnaires d’espaces naturels mais également agriculteurs ou propriétaires terriens. Au vu de ce constat, bon nombre de collectivités ont décidé de faire de la lutte contre les dépôts sauvages l’une de leurs priorités pour garantir une sécurité et une salubrité convenables sur l’ensemble de leur territoire. Elles disposent aujourd’hui d’un arsenal juridique qui leur permet, en théorie, de rechercher l’auteur de l’infraction et de le sanctionner administrativement et pénalement. Toutefois, l’application est plus complexe sur le terrain qu’il n’y paraît. Outre le constat décourageant d’une certaine inertie dans les procédures, les collectivités se heurtent aux limites de leurs compétences entre maires et présidents d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Il est donc temps de faire un point sur l’évolution de la législation et la lumière sur les vraies solutions offertes aux collectivités, parfois bien démunies face à ce fléau et la complexité administrative s’y rapportant.

FOCUS

Le fait de jeter un déchet dans un lieu où il ne devrait pas être est considéré comme un « dépôt sauvage », peu importe la nature ou le volume.

Définition d’un dépôt sauvage



Le fait de jeter un déchet dans un lieu où il ne devrait pas être est considéré comme un « dépôt sauvage », peu importe la nature ou le volume. Cet abandon de déchets sur un terrain non autorisé est un acte d’incivisme illégal, interdit depuis la loi du 15 juillet 1975 qui prévoit que chaque État membre prend les mesures nécessaires pour s’assurer que les déchets sont éliminés sans danger pour la santé de l’homme et sans utiliser de procédés ou méthodes susceptibles de porter préjudice à l’environnement. Toutefois, la grande diversité des situations rencontrées implique qu’il faille parfois qualifier et quantifier le type de déchet et/ou de dépôt en présence. Trois catégories ressortent :

  • les dépôts en dehors de l’emplacement prévu à cet effet par le service de gestion des déchets et donc non conformes aux règlements de collecte qui définissent là où les déchets doivent être déposés (dépôts de sacs en dehors des bacs, dépôts de verre à côté du point d’apport volontaire, bacs sortis en dehors des jours de collecte…) ;
  • les dépôts sauvages, abandonnés ou déposés là où ils ne doivent pas être (encombrants déposés au pied d’un point d’apport volontaire, dépôts de gravats sur un chemin…) ;
  • les décharges illégales qui fonctionnent sans autorisation avec des apports réguliers et conséquents.

Même si cela ne peut pas servir d’excuse, plusieurs critères favorisent l’augmentation du nombre de dépôts sauvages présents dans les communes :

  • l’application de la tarification incitative ;
  • les changements de dispositifs ou fréquence de collecte ;
  • les grèves occasionnelles ;
  • l’accès aux déchèteries (horaires, taux maximums acceptés, tarification, etc.) ;
  • une communication déficiente (manque d’actions de prévention et de sensibilisation au plus proche des usagers).

FOCUS

Ce transfert de pouvoir de police spéciale s’opère sans préjudice des pouvoirs de police générale détenus par le maire sur le fondement de l’article L.2212-2 du CGCT.


Cadre réglementaire

Les principaux textes réglementaires et législatifs qui régissent les principes et modalités de la gestion des déchets sont regroupés au sein de l’article L.541-1-1 du code de l’environnement. La complexité juridique rencontrée par les collectivités dépend à la fois de la détermination du type de dépôt (non conformes ou sauvages), de la compétence de quelle autorité elle dépend et du niveau de responsabilité que l’on veut lui conférer :

  • une responsabilité administrative qui relève d’un trouble à l’ordre public ;
  • une responsabilité pénale qui relève d’une infraction ;
  • une responsabilité civile qui relève d’un dommage causé à autrui ou préjudice écologique imputable au dépôt de déchets.

Dès lors, pas simple de savoir qui du maire, du président de l’EPCI ou d’un groupement est compétent et pour quoi ! Heureusement, la loi n° 2020-105 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite loi Agec), promulguée le 10 février 2020, comporte un titre V intitulé « Lutte contre les dépôts sauvages » (art. 93 à 106). Ce titre, qui montre l’importance de la problématique, a vocation à adapter la procédure de sanction aux besoins des maires et des présidents d’EPCI afin de lutter efficacement contre les dépôts sauvages. Si tous les décrets d’application ne sont pas encore parus et ne permettent pas encore une totale clarté dans les modalités de mise en place opérationnelle, un certain nombre de pistes de réflexion peuvent être dorénavant posées.

Mise en œuvre des pouvoirs de police du maire et transfert des pouvoirs de police aux EPCI


Il appartient au maire d’agir contre les dépôts sauvages en vertu de ses pouvoirs de police administrative (générale et spéciale) et judiciaire. S’il n’intervient pas, il commet une faute susceptible d’engager la responsabilité de la commune. L’élu dispose de deux voies :

  • la voie pénale via la mise en œuvre des sanctions prévues par le code pénal ;
  • la voie administrative via une procédure prévue par le code de l’environnement (art. L.541-3) dont le but est de contraindre le contrevenant à faire disparaître le dépôt.

Chaque voie est très balisée : le maire doit appliquer les procédures à la lettre, sans les mixer, au risque de se placer dans l’illégalité.

Comme évoqué précédemment, la loi Agec a apporté un certain nombre de nouveautés en la matière. Jusqu’à présent, seul le pouvoir de police administrative spéciale « règlement de collecte » était transférable aux présidents des EPCI. Ce transfert est automatique, sauf opposition des maires dans les six mois après chaque renouvellement des structures des EPCI. Dorénavant, la loi Économie circulaire introduit la possibilité pour le maire de transférer, au titre de l’article L.5211-9-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), les pouvoirs de police administrative spéciale de lutte contre les dépôts sauvages à l’EPCI à fiscalité propre ou au groupement de collectivités compétent en matière de collecte des déchets ménagers.

Ce transfert facultatif sera effectué selon la procédure prévue au IV de cet article. Ainsi, sur leur proposition et si l’ensemble des maires des communes membres et le président de l’EPCI ou du groupement de collectivités expriment leur accord pour que le transfert de compétences soit opéré, le préfet du département concerné adoptera un arrêté décidant du transfert. La même procédure devra être suivie pour y mettre fin. Ainsi, sous certaines conditions, le président de l’EPCI pourra mettre en œuvre la procédure administrative prévue par l’article précité du code de l’environnement afin de faire évacuer les déchets stockés irrégulièrement à un endroit non prévu à cet effet. Il est précisé que ce transfert de pouvoir de police spéciale s’opère sans préjudice des pouvoirs de police générale détenus par le maire sur le fondement de l’article L.2212-2 du CGCT. Le maire pourra ainsi toujours agir pour assurer l’ordre public, et donc pour prévenir, notamment, les pollutions de toute nature. Cette faculté de transfert répond à une demande forte des maires et des intercommunalités et vise ainsi à mutualiser les moyens et donner aux groupements de collectivités les moyens juridiques d’intervenir pour faire cesser les dépôts sauvages.

FOCUS

La constitution d’une police municipale intercommunale se positionne comme la solution la plus complète pour lutter administrativement et pénalement contre les dépôts sauvages de déchets.

Mise en place d’une brigade environnementale ou brigade « verte »


Le terme « brigade environnementale ou verte » est beaucoup utilisé alors qu’il n’en existe aucune définition précise et qu’il désigne une réalité disparate. Le champ d’intervention est multiple et il convient de cibler au préalable les prérogatives attendues. Ainsi, il convient de :

  • définir les compétences de la collectivité et de l’EPCI en matière de police judiciaire et de police administrative/déterminer le champ de compétence possible de la brigade à l’échelle communale ou intercommunale ;
  • définir le champ de compétence effectif de la brigade : constatation d’infraction pénale, verbalisation de dépôts sauvages ou dépôts contraire au règlement de collecte (avec ramassage et gestion des déchets ainsi collectés), prévention (ambassadeur du tri), nuisances, interventions animaux, dégradations des biens publics, pollution, etc. ;
  • déterminer la composition concrète de la brigade : quels agents spécifiques sont compétents ou peuvent devenir compétents suite à une assermentation ?
  • déterminer le champ d’action de la brigade : outils et directives confiés aux agents.

Idéalement, une brigade efficace doit être compétente à la fois en matière de police administrative et de police judiciaire.

Pour mettre en place une brigade sur le territoire qui puisse patrouiller, utiliser la vidéoprotection et ramasser les déchets, il faut disposer de la police administrative car la police judiciaire se limite à la constatation d’une infraction déterminée.

Aussi, l’idéal est d’avoir sur le territoire :

  • soit des agents compétents à la fois en matière de police administrative et en matière de police judiciaire : les policiers, les gardes champêtres, les gardes particuliers, les agents de surveillance de la voie publique (ASVP), les agents des collectivités (et de leur groupement) habilités et spécialement assermentés ;
  • soit d’avoir des agents des deux polices :

* administrative : des agents de la collectivité commissionnés (procédure simple) pour la recherche et le constat des infractions au règlement de collecte ou dépôt sauvage avec une volonté de faire cesser le trouble donnant lieu à des sanctions administratives (mise en demeure, amende administrative) ;

* judiciaire : des agents assermentés compétents pour le constat et la verbalisation des dépôts contraires au règlement de collecte et dépôts sauvages donnant lieu à des sanctions pénales (amendes forfaitaires).

Une brigade communale ou intercommunale ?

L’opportunité de monter une brigade au niveau communal ou intercommunal dépendra des compétences de chaque entité.

Rappel du principal problème

La police judiciaire est généralement exercée au niveau communal.

La police administrative en matière de déchets est plus largement située au niveau intercommunal.

Dès lors :

  • en cas de brigade communale, c’est le volet administratif (PA) qui pourra faire défaut (transfert automatique à l’EPCI de la PAS « règlement ») ;
  • en cas de brigade verte intercommunale, c’est le volet pénal (PJ) qui pourra poser problème.

Actuellement, il est plus simple de monter une brigade au niveau communal, du fait du manque de pouvoir de police judiciaire pour les intercommunalités. Bientôt, il sera possible d’assermenter les agents de groupements.

La brigade communale

Une brigade communale dispose toujours a minima de la police administrative générale, de la police administrative « dépôts sauvages » si celle-ci n’est pas transférée à terme, et de la police judiciaire et peut donc :

  • assurer la prévention en matière de déchets (sensibilisation) ;
  • patrouiller dans la commune ;
  • verbaliser et sanctionner pénalement ;
  • établir un rapport de police (en même temps que le PV pénal) pour constater une infraction à la réglementation, soit en matière de règlement de collecte, soit en matière de dépôt sauvage.

Brigade intercommunale

Dans tous les cas, l’intercommunalité ne dispose jamais naturellement de la police judiciaire. Il faudra alors, pour qu’elle puisse devenir compétente, soit :

  • établir une convention de partage avec les communes membres afin qu’elles mettent à disposition des agents de police municipale au service de l’intercommunalité ou recruter directement des agents pour créer une police municipale intercommunale (seulement pour les EPCI à fiscalité propre) ;
  • recruter des gardes champêtres intercommunaux avec une nomination conjointe du président de l’EPCI (pas forcément à fiscalité propre) et des maires des communes membres ;
  • soit assermenter des agents de groupement pour la verbalisation des infractions pénales en matière de déchets quand cela sera possible.

Une police municipale intercommunale ?

En application de l’article L.512-2 du code de la sécurité intérieure, les EPCI à fiscalité propre ont la possibilité de recruter des agents de police municipale pour créer une police municipale intercommunale. En effet, à la demande des maires de plusieurs communes appartenant à ce même EPCI ou de sa propre initiative, celui-ci peut recruter, après délibération en ce sens, un ou plusieurs agents de police municipale, en vue de les mettre à disposition de l’ensemble de ces communes.

Les agents de police municipale ainsi recrutés exercent, sur le territoire de chaque commune où ils sont affectés, l’ensemble des compétences qui leur sont dévolues par la loi (à la fois autorité de police administrative générale, police administrative spéciale et police judiciaire). Sur le terrain, ils sont placés sous l’autorité du maire de la commune sur le territoire de laquelle ils interviennent. Ces agents peuvent également assurer, sous l’autorité du président de l’EPCI, l’exécution des décisions prises dans le cadre de l’exercice des pouvoirs de police administrative spéciale transférés.

Dispositif en cours de clarification mais toujours complexe !

Bien que les procédures de sanction administrative et pénale demeurent relativement longues et peu efficaces en termes de gestion immédiate des déchets, la loi Agec a le mérite de renforcer les pouvoirs de sanction du maire et des présidents d’intercommunalité pour améliorer la lutte contre les déchets abandonnés. La constitution d’une police municipale intercommunale se positionne comme la solution la plus complète pour lutter administrativement et pénalement contre les dépôts sauvages de déchets. Les avancées de la loi Agec offrent en effet de nouvelles qualifications juridiques a priori claires mais qui pourraient s’avérer périlleuses à stabiliser sur le terrain face à une situation concrète. Pourtant, c’est bien d’elles que va dépendre la détermination de l’autorité de police compétente. Si la procédure permettant de sanctionner l’auteur du dépôt de déchets peut ressembler à un véritable chemin de croix pour les maires et présidents, la qualification de l’acte reste une étape fondamentale pour ne pas la compromettre dès son origine.

FOCUS

Rappel sur la notion de police

De manière simplifiée, deux types de polices se distinguent selon leurs finalités respectives :

La police administrative (PA) a pour but d’assurer le maintien de l’ordre public, soit par :

  • des mesures préventives en réglementant une activité pour empêcher les troubles ;
  • des mesures d’intervention (par exemple pose de barrières, de panneaux, etc.) ;
  • des mesures de sanction pour contraindre la personne à cesser le trouble.

Le but est de faire cesser le trouble à l’ordre public.

La police administrative est générale (PAG) lorsque la réglementation (autorisation ou interdiction ou restriction) affecte toute l’étendue d’un territoire donné sans distinction de l’activité menée ou de la personne destinataire, et ce sans besoin d’un texte d’habilitation spéciale. Pour la commune, en plus de la police municipale, le maire est l’autorité habilitée à prendre des mesures de police administrative générale matérialisées par les arrêtés municipaux, qui entérinent les mesures générales.

À l’inverse de la police générale, les activités de police administrative spéciale (PAS) sont strictement encadrées par les lois et sont axées sur des personnes déterminées et divers domaines très précis, tels la chasse, la pêche, l’environnement, etc.

La compétence en matière de police administrative spéciale est indispensable pour :

  • mener les opérations de gestion et de résorption des dépôts : agents qui récupèrent et traitent les déchets abandonnés ;
  • mener les opérations de sensibilisation et de prévention : ambassadeurs du tri.

En matière de police administrative générale : la compétence revient au maire dans un but de tranquillité, de sécurité et de salubrité publiques. Elle est non transférable.

En matière de police administrative spéciale « déchets », plusieurs autorités peuvent être compétentes selon le type de dépôt et selon le transfert ou non de compétence à un groupement : soit le maire (dépôts sauvages, non transférable actuellement mais en passe de l’être grâce à la loi Agec, attente du décret correspondant) ; soit le président d’EPCI (règlement de collecte, transférable automatiquement, sauf opposition) ; soit le préfet (décharges illégales, non transférable).

La police judiciaire (PJ) a quant à elle pour but de rechercher des preuves et les auteurs d’une infraction déterminée afin d’appliquer des sanctions pénales (amendes punitives) ou sanctions administratives (amendes pour réparation du préjudice).

Le but est de constater, verbaliser et punir.

Cette compétence du maire n’est pas transférable aux présidents d’EPCI ou de groupement.

Les personnes compétentes en matière de police judiciaire sont :

  • les officiers de police judiciaire (gendarmerie, police nationale, maire, adjoints…) ;
  • les agents de police municipale (dont ceux nommés par le président de l’EPCI compétent et ceux des communes membres mis à disposition par convention) ;
  • les agents de l’article L.541-44 du code de l’environnement (gardes champêtres, agents de l’OFB commissionnés à cet effet) ;
  • les personnels, fonctionnaires et agents mentionnés aux articles L.130-4 du code de la route (agents de surveillance de la voie publique) et L.116-2 du code de la voirie routière (gardes particuliers assermentés) ;
  • les agents des collectivités et leur groupement habilités et spécialement assermentés (nouveauté de la loi Agec et de la loi Climat et résilience du 22 août 2021, en attente du décret d’application) : article L.541-44-1 du code de l’environnement.

www.lagazettedescommunes.com

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