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Plastique : les plasturgistes veulent placer les ACV au cœur de la stratégie 3R
17/01/2025

Pour Polyvia, les plastiques sont indispensables à la performance de nombreux produits difficilement remplaçables. © oyoo
Le syndicat des entreprises de la plasturgie considère que l'avenir du secteur passe par le déploiement d'une stratégie de réduction, de réemploi et de recyclage basée sur des méthodes scientifiques, telles que les analyses de cycle de vie.
Pour Polyvia, la situation est claire : « L'avenir de la plasturgie, c'est le recyclage », assure Pierre-Jean Leduc, pour qui « vouloir supprimer le plastique est une hérésie ». Le président du syndicat professionnel des transformateurs de polymères explique que les plastiques sont des matières indispensables à la performance de nombreux produits qui peuvent difficilement être remplacés. Pour autant, il convient d'en réduire l'usage lorsque c'est possible, d'encourager le réemploi et d'assurer le recyclage, explique en substance Polyvia. Et cela, avec pour juge de paix les analyses de cycle de vie (ACV) qui viennent garantir que chaque décision est la bonne sur le plan environnemental.
Plastiques superflus : le marché doit trancher
Le syndicat professionnel, qui revendique représenter près de 90 % des acteurs de la plasturgie, entend défendre quelques points clés en matière de stratégie de réduction, de réemploi et de recyclage (3R). Sur ce créneau, « Polyvia n'a qu'un seul mot d'ordre : l'approche 3R doit être scientifique », martèle son président. Et cela, en visant un double impact positif : réduire la consommation de ressources primaires et permettre la décarbonation.
S'agissant de la réduction, le syndicat professionnel juge qu'il faut d'abord distinguer les usages essentiels et superflus. Sur ce sujet, « la parole est aux consommateurs », plaide Pierre-Jean Leduc, expliquant que c'est le marché qui décide, par exemple, ce qui relève du suremballage. Surtout, le syndicat ne veut pas d'« objectifs arbitraires, tels qu'une réduction de X % imposée ». Et sur ce point, il ne faut pas surtransposer les objectifs européens, explique le président de Polyvia, déplorant que « [ce soit] beaucoup le cas en France ». Le syndicat plaide aussi pour une réduction ciblée de l'usage des résines non recyclables et du poids des produits plastiques, ainsi que pour l'incorporation de matière recyclée (qui réduit le recours à la matière vierge).
“ Polyvia n'a qu'un seul mot d'ordre : l'approche 3R doit être scientifique ”
Pierre-Jean Leduc, Polyvia
Le volet réemploi part d'un constat difficile : le réemploi des emballages (tous matériaux confondus) n'atteint que 1,10 à 1,48 %, alors que l'objectif était de 5 % en 2023. Comme de nombreux acteurs, le syndicat constate donc que beaucoup reste à faire : définition et déploiement d'emballages standards, déploiement de mécanismes d'incitation des consommateurs et sécurisation des modèles économiques. Et cela, en s'assurant de la pertinence environnementale des solutions grâce aux ACV.
Le recyclé n'est pas compétitif
Enfin, reste le recyclage. La solution permet de réduire jusqu'à 34 % les émissions de gaz à effet de serre et de de 70 % la consommation d'eau, défend Polyvia. Mais les taux d'incorporation sont à la peine : de 6 à 20 % selon les secteurs. Surtout, les capacités actuelles de recyclage françaises avoisinent les 900 000 tonnes par an (t/an), alors que le dernier chiffre connu pour l'incorporation de plastique recyclé est de 600 000 tonnes en 2023 (pour 5 millions de tonnes de plastique vierge utilisées par ailleurs).
Comment expliquer cette sous-utilisation des capacités de régénération française de plastiques ? En grande partie par l'écart de prix avec les résines vierges, explique Polyvia. La tonne de polyéthylène haute densité (PEHD) recyclé mécaniquement affiche un surcoût d'environ 330 euros la tonne (€/t) par rapport à son homologue vierge. Ce surcoût atteint 400 €/t pour le polyéthylène téréphtalate (PET) recyclé et 450 €/t pour le polypropyléne (PP) recyclé. Ces sommes renchérissent le recyclé de 20 à 30 %.
L'amélioration de la situation passe par des solutions souvent mises en avant : amélioration de la recyclabilité des produits, de la collecte et du tri, soutien des investissements dans les nouvelles solutions de recyclage et dans l'incorporation.
Harmonisation du soutien à l'incorporation
Un des leviers permettant d'y remédier serait d'apporter un soutien financier à ces matières recyclées pour compenser l'écart de prix avec le vierge. Une solution pourrait voir le jour grâce aux travaux annoncés par Agnès Pannier-Runacher, en octobre dernier aux Assises des déchets.
La ministre de la Transition écologique expliquait vouloir étendre à d'autres secteurs le dispositif de primes à l'incorporation de plastiques recyclés de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) d'emballages ménagers. Concrètement, les metteurs en marché bénéficient d'une prime allant de 50 à 550 €/t, selon les résines recyclées incorporées et le type de recyclage (en boucle fermée ou ouverte). Et cela en reprenant le critère de proximité qui prévaut dans la filière REP textiles afin de favoriser le « made in France ». En l'occurrence, le soutien accordé est supérieur si la matière a été recyclée à moins de 1 500 km du lieu de collecte ou à moins de 1 000 km du centre de tri (selon le niveau de traçabilité des matières).
Qu'attendre de ces travaux ? Pour l'instant, les certitudes sont peu nombreuses. Il semble que les pouvoirs publics veuillent qu'un dispositif harmonisé de soutien à l'incorporation soit en place début 2026. Il semble aussi que le secteur de l'automobile ne sera pas concerné. En l'occurrence, les acteurs de ce secteur, gros consommateurs de plastiques, organisent la gestion des déchets sur la base de systèmes individuels qui permettent aux constructeurs de récupérer le plastique des véhicules hors d'usage (VHU) pour l'incorporer dans leurs nouvelles voitures. Ils semblent avoir convaincu les pouvoirs publics qu'imposer un dispositif de prime à l'incorporation à des boucles de recyclage fermées et gérées d'un bout à l'autre par les constructeurs ne fait pas grand sens.
Pour le reste, les négociations avancent pas à pas. Le dispositif de prime à l'incorporation de plastique recyclé devrait être étendu aux équipements électriques et électroniques, voire, mais c'est moins sûr, au secteur du bâtiment. Mais beaucoup de points sont encore en discussion.
Philippe Collet / actu-environnement