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Les prévisions météo sont-elles encore fiables ?

04/09/2022

Les prévisions météo sont-elles encore fiables ?

Les événements météo extrêmes se sont multipliés cet été, semant parfois le doute sur les prévisions des météorologues.        © Mike Maree

Les événements météorologiques extrêmes survenus cet été questionnent le rôle qu'y joue le changement climatique et la fiabilité des alertes météo. Dès la rentrée, Élisabeth Borne va lancer l'élaboration d'un nouveau plan national d'adaptation.

Canicules record, sécheresses inédites et orages dévastateurs... Avec la multiplication des événements météorologiques extrêmes qu'a connus la France cet été, peut-on encore se fier aux prévisions météorologiques ? L'idée d'un changement climatique progressant plus vite que les prévisions établies par les scientifiques est pourtant contestée par de nombreux météorologues et les climatologues, ce que confirme à Actu-Environnement Fabio D'Andrea, chercheur au Laboratoire de météorologie dynamique de l'École normale supérieure à Paris. Le scientifique souligne d'abord l'importance de comprendre la distinction entre la météo et le climat, « différents, pas seulement en termes d'échéance de la prévision météorologique, mais aussi de la nature même de la prévision ».

La météorologie décrit le temps qu'il fait à un instant donné et prévoit le temps qu'il fera sur un temps court (jour, semaine, trois mois au maximum). Les prévisions météorologiques sont déterminées « à tel endroit, à tel moment » pour estimer « telle température, telles précipitations, telle pression atmosphérique, etc. », rappelle-t-il. En revanche, la prévision climatique, « de type statistique, s'intéresse à des moyennes de probabilités d'événements qui sont étudiées sur le long terme ». Les modèles climatiques fournissent des scénarios plausibles de l'enchaînement des conditions météorologiques pendant plusieurs décennies, notamment en fonction de l'évolution des teneurs en gaz à effet de serre.

Les modèles météo intègrent la donne du changement climatique, mais…

« On peut imaginer que le changement climatique puisse modifier, de manière moyenne et permanente, certains paramètres de l'atmosphère, et que certaines parties des modèles de prévisions pourraient être moins adaptées à cette nouvelle distribution de paramètres due au changement climatique. Or, dans les faits, il n'y a aucune étude (actuelle) qui montre si, d'un côté, les prévisions des modèles sont moins bonnes depuis qu'il y a le changement climatique. Il n'y a aucune preuve de cela ni aucun indice. Et de l'autre non plus, il n'y a pas d'études, à ma connaissance, qui disent que la prévisibilité même de l'atmosphère soit changée à cause du changement climatique », explique Fabio D'Andrea.

"Il n'y a pas d'études, à ma connaissance, qui disent que la prévisibilité même de l'atmosphère soit changée à cause du changement climatique."

Fabio D'Andrea, chercheur au Laboratoire de météorologie dynamique

 Le changement climatique « ne compliquera pas plus que cela les prévisions météo, a aussi assuré, à Libération, Jean-Pierre Chaboureau, chercheur au Laboratoire d'aérologie de l'université de Toulouse-CNRS. Car les modèles météo sont basés sur les équations de la physique, or celle-ci ne change pas, elle est universelle. Ce qui change, ce sont les conditions de l'atmosphère, températures ou humidité. Or les modèles intègrent cette nouvelle donne du changement climatique et ses conséquences ».

… les orages restent difficiles à prévoir

Fabio D'Andrea met aussi en avant l'amélioration de la qualité des prévisions météorologiques depuis les années 1980, grâce aux progrès de l'observation (avec les données satellitaires), à des modèles de prévision plus précis et à une puissance de calcul accrue. Face aux épisodes climatiques extrêmes qu'a connus la France cet été 2022, la pression s'est accentuée sur Météo-France et ses alertes. Depuis la mi-juin dernier, l'organisme a prédit les quatre vagues de chaleur qui ont touché l'Hexagone, y compris encore cette semaine. Mais après les orages meurtriers et les vents violents qui ont frappé la Corse, le 18 août, l'établissement public de météorologie est pointé du doigt. Les prévisionnistes ont expliqué avoir été « surpris par les valeurs tout à fait exceptionnelles des rafales, qui n'avaient jamais été observées auparavant », et ils ont évoqué un phénomène météorologique « difficilement prévisible ». Les orages « sont le résultat de processus complexes qui touchent une zone géographique très limitée. Il est donc difficile de prévoir ce genre de phénomène », explique Météo-France. Les climatologues et les géographes interviewés par les médias reconnaissent aussi les difficultés pour anticiper les orages, à l'instar du spécialiste Fabio D'Andrea. « Les orages sont plus difficiles à prévoir et frappent sur une échelle de quelques dizaines de kilomètres. On peut prévoir les conditions potentielles d'orages et leur intensité, mais il faut toujours tenir compte des incertitudes statistiques s'agissant de ce type d'évènement », indique le chercheur.

Les modèles numériques de prévisions météorologiques à plus haute résolution permettent cependant de progresser dans la prévision des phénomènes dangereux, y compris les orages. Grâce à une maille de 1,3 km, l'un des modèles utilisés par Météo-France, dénommé Arome, peut décrire plus précisément les processus physiques responsables du déclenchement des orages. Toutefois si, en Corse, les simulations produites par Arome laissaient suggérer un orage « proche de celui qui a été observé », d'autres simulations « qui paraissaient plus vraisemblables le situaient plus en mer », a précisé le prévisionniste François Gourand, à Météo-France, selon l'AFP.

Mieux anticiper les événements extrêmes

Après les deux épisodes pluvio-orageux consécutifs qui ont sévi en Corse, les 18 et 19 août, le Conseil des ministres a confirmé, le 24 août, la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour l'île. L'arrêté est paru, ce 25 août, au Journal officiel. Pour mieux anticiper ces phénomènes, l'acquisition de cinq bouées météorologiques va aussi être réalisée sur l'île de Beauté.

Avec le changement climatique, les événements climatiques extrêmes sont donc plus nombreux, notamment les pluies intenses et les vagues de chaleur, alerte Méteo-France. Il y a par conséquent plus d'enjeux autour des alertes météo, afin d'améliorer la réponse aux situations d'urgence et la protection des populations.

Comme annoncé en Conseil des ministres, dès la rentrée, la Première ministre Élisabeth Borne lancera la préparation du troisième plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC). Ce PNACC devrait accentuer les travaux sur l'amélioration de l'observation et de la prévision des phénomènes, de l'information sur la vigilance et l'alerte des populations. Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, sera chargé de son élaboration, en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés et en lien avec tous les ministères intéressés. « Ce nécessaire travail sur l'adaptation aux impacts des dérèglements environnementaux se fera de pair avec les efforts visant à atténuer le changement climatique en doublant le rythme de baisse de nos émissions de gaz à effet de serre », ajoute le gouvernement.

Rachida Boughriet / www.actu-environnement.com


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