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Les villes se coalisent dans une effervescence d'initiatives pour réduire les émissions urbaines

14/04/2022

Les villes se coalisent dans une effervescence d'initiatives pour réduire les émissions urbaines

Les villes sont à l'origine de nombreuses initiatives de réduction des émissions, à l'instar de Cadix, en Espagne.    © JackF

Selon un récent rapport de l'observatoire Climate Chance, les municipalités réalisent leurs objectifs climatiques, mais les méthodes de comptabilisation restent à harmoniser en vue de l'inventaire mondial préconisé par l'Accord de Paris pour 2023.

Les grandes centres urbains européens sont en passe d'atteindre leurs objectifs climatiques. Ainsi, les villes signataires de la Convention des maires en Europe, qui couvrait en 2020 quelque 35 % de la population européenne et 6 620 municipalités, ont, en moyenne, vu leurs émissions baisser de 19,5 % cette année-là par rapport à leur baseline, soit près d'une tonne de CO2 équivalent (tCO2e) par habitant en moins. C'est ce que rapporte l'observatoire Climate Chance qui publie un Bilan mondial de l'action climat des territoires pour suivre les progrès de l'action climatique des gouvernements locaux et régionaux (GLR) du monde entier. Et les résultats sont encourageants. D'autant que les villes et les régions sont fédérées dans de grands réseaux opérationnels et bien implantés, à l'image de Cités et gouvernements locaux (CGLU), Iclei (Local Governments for Sustainability), C40, Energy Cities, la coalition Under2 et Climate Alliance, attestant l'importance croissante des acteurs locaux dans l'Agenda mondial.

Ces réseaux sont à l'origine d'une myriade d'initiatives comme Nature for Cities, Cities with Nature, qui engage 200 villes à renforcer l'action pour protéger la biodiversité, ou la Transformative Urban Mobility Initiative, qui soutient l'électromobilité dans les villes du Sud, ou encore DecarbCityPipes, pour décarboner les villes, à l'image de Cadix, en Espagne, désormais considérée comme à l'avant-garde de la municipalisation de l'énergie. Selon la Coalition for Urban Transitions, les émissions de gaz à effet de serre dans les villes pourraient être réduites de presque 90 % d'ici à 2050 par des mesures techniquement réalisables et largement disponibles. En dépit de l'impact négatif de la pandémie de Covid-19 sur leurs finances, les collectivités locales et régionales ont su poursuivre leur action en faveur du climat.

Inventaire mondial en 2023

La Convention mondiale des maires pour le climat et l'énergie (Global Covenant of Mayors for Climate and Energy, GCoM), fondée en 2016, est la plus grande alliance mondiale de villes engagées dans l'action climatique. Elle réunit plus de 1 700 villes et gouvernements locaux, représentant plus d'un milliard de personnes. La GCoM appuie des projets urbains d'atténuation du changement climatique et de résilience, grâce à des programmes tels que le City Climate Gap Fund, actuellement capitalisé à hauteur de 55 millions d'euros (M€), avec un objectif d'au moins 100 M€ et le potentiel de débloquer des investissements estimés à 4 milliards dans les pays en développement. La GCoM et la Commission européenne ont conjointement lancé la mission Urban Transitions lors de la COP 26 afin de soutenir 50 villes pilotes du monde entier pour mettre en œuvre des projets de démonstration à grande échelle en matière d'énergie propre d'ici à 2030.

La comptabilité carbone constitue une pierre angulaire de la coopération internationale dans le cadre de l'Accord de Paris

 Antoine Gillod, coordinateur du rapport de Climate Chance

 À deux ans du « Global Stocktake », l'inventaire mondial des émissions prévu par l'Accord de Paris en 2023, le besoin d'évaluation des progrès de l'action climatique se fait de plus en plus pressant. « Cet exercice d'agrégation constitue un point très important, d'autant plus que les villes sont de plus en plus nombreuses à s'engager dans la neutralité carbone dans le cadre de différentes initiatives. Mais, aujourd'hui, les instruments à disposition ne suffisent pas », pointe Antoine Gillod, coordinateur du rapport récemment publié par Climate Chance. La moyenne des inventaires de suivi des émissions date de 2014. « Cela signifie qu'il y a un gap de six ans : c'est le temps d'un mandat municipal, il y a encore un écart très important entre le moment de la mesure des émissions de gaz à effet de serre et le moment de l'action publique. »

Selon Climate Chance, association internationale qui réunit l'ensemble des acteurs non étatiques reconnus par la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (Ccnucc), l'impact agrégé des villes et régions sur les émissions de gaz à effet de serre demeure difficile à̀ quantifier en raison de la grande hétérogénéité des méthodes et pratiques d'inventaires. En outre, le suivi individuel des émissions sur le plan local manque parfois de données et de la robustesse nécessaires pour fournir une image claire et précise des émissions sur le territoire au fil du temps. « La comptabilité carbone est autant un outil permettant d'orienter les politiques publiques sur la base de données probantes qu'un instrument politique permettant une plus grande responsabilité et transparence envers les citoyens et la communauté internationale. En tant que telle, elle constitue une pierre angulaire de la coopération internationale dans le cadre de l'Accord de Paris », souligne Antoine Gillod.

L'harmonisation du comptage en progrès

La bonne nouvelle, c'est que, depuis 2016, l'unification des inventaires progresse. « Globalement, les gouvernements locaux ont une palette de leviers à leur disposition pour agir », note Antoine Gillod. Les grands réseaux de collectivités et les initiatives internationales comme la Convention internationale des maires, le CDP (Carbon Disclosure Project) ou l'Iclei proposent des cadres de reporting, et Climate Chance observe une « forte adhésion à ces réseaux et initiatives en faveur d'un reporting commun. Ils fournissent aussi un accompagnement aux collectivités et une aide au financement. Ainsi le C40 aide les villes des pays en développement à mettre en œuvre des infrastructures bas carbone, l'Iclei envoie des experts sur place pour former les équipes municipales… Ces réseaux ont un rôle essentiel pour rapprocher les municipalités des bailleurs : les collectivités sont très demandeuses de financements, les bailleurs sont demandeurs de projets, chacun se renvoie un peu la balle. Les réseaux aident ainsi à la création d'un langage commun et facilitent la recherche de financements pour les municipalités », expose M. Gillod.

Le système unifié de reporting CDP-Iclei rassemblé au sein du Carbon Center permet à la moitié des villes d'utiliser la même méthodologie. MyCovenant, l'une des plateformes officielles de reporting de la GCoM, relaie les données climatiques rapportées localement dans des rapports d'avancement semestriels qui peuvent informer la politique nationale. Le tableau de bord interactif des émissions de gaz à effet de serre du C40 publie les émissions que les villes membres ont déclaré́es en ligne via le Global Protocol for Community scale GHG Emission Inventories (GPC) : en moyenne, les 75 villes déclarantes ont émis 15,7 MtCO2e, de 56,2 MtCO2e (Tokyo) à 0,9 MtCO2e (Heidelberg). Au total, les émissions déclarées par les villes du C40 s'élèvent à 3,554 gigatonnes CO2e, soit près de 10 % des émissions mondiales.

Climate Chance identifie trois voies ouvertes, ces dernières années, pour renforcer la robustesse des données. D'abord, le suivi en temps réel des émissions grâce à un usage plus fin des données. Ensuite, la spatialisation des émissions grâce à la mesure atmosphérique par satellites et capteurs au sol. Enfin, l'harmonisation des méthodologies et plateformes de reporting des émissions. Cette harmonisation est rendue possible par les réseaux et initiatives internationales de collectivités territoriales.

Agnès Sinaï / www.actu-environnement.com

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