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Projet Cigéo d'enfouissement des déchets nucléaires à Bure

22/01/2021

Projet Cigéo d'enfouissement des déchets nucléaires à Bure

Le laboratoire souterrain de l'Andra à Bure (Meuse).                                            © Aurélie Barbaux

L’Autorité environnementale a dévoilé le 18 janvier un avis sur le dossier de déclaration d’utilité publique de Cigéo. Le rapport émet plusieurs critiques importantes sur ce projet d’enfouissement de déchets nucléaires dans la Meuse.

Cigéo va-t-il être déclaré d’utilité publique ? L’État doit se prononcer cette année sur ce projet controversé de centre de stockage souterrain de déchets nucléaires à Bure (Meuse). Avant l’exécutif, l’Autorité environnementale s’est penchée sur le dossier déposé par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). Plusieurs critiques importantes ressortent dans cet avis de 56 pages publié le 18 janvier.

Une fois encore, la question de la réversibilité inquiète. En théorie, dans le cadre de sa phase industrielle pilote, Cigéo devra respecter une exigence de récupérabilité des déchets radioactifs pendant au moins un siècle. “Une phase assez courte au regard de la longue durée de vie et de la nocivité des déchets radioactifs concernés”, notent les experts de l’Autorité environnementale. Toutefois, “même pendant cette période des incertitudes demeurent”, ajoutent-ils.

Pas de précédent

Alors que la sécurité industrielle et la gestion des risques montent dans les préoccupations, l’Autorité environnementale pointe du doigt des oublis dans l’étude d’impact de l’Andra. Les auteurs s’inquiètent par exemple de “la possibilité effective de récupérer des colis stockés en cas de situation accidentelle”. De façon générale, “l’étude d’impact n’aborde pas les situations accidentelles ou ne le fait que ponctuellement, pour ce qui concerne les eaux”, déplore l’instance.

Autant de points qui font écho au World Nuclear Waste Report publié en novembre 2020 sur la gestion des déchets nucléaires. Dans ce document, les experts rappelaient qu'aucun pays au monde n’avait mis en service un site de stockage géologique en profondeur. La Finlande travaille actuellement à la construction d’un tel centre. Ailleurs, seules la Suède et la France ont déterminé un lieu d’implantation pour des infrastructures similaires.

Le bois Lejuc, territoire d'occupation... et de biodiversité

Un autre thème apparaît dans les critiques de l’autorité : la biodiversité. Un volet assez important, puisque les installations de l’Andra vont s’étendre sur plusieurs centaines d’hectares. “La prise en compte des enjeux environnementaux n’apparaît pas toujours suffisante”, reproche l’entité, qui mentionne une nouvelle fois des “incertitudes” au sujet de l’impact du projet sur les sites Natura 2000 et sur les milieux aquatiques.

En 2018, avant d’être expulsés, des opposants au projet avaient occupé en plein hiver le bois Lejuc, une zone où doivent se dérouler les travaux de creusement et de construction des galeries souterraines. Sans avoir atteint la renommée de la “zone à défendre” (ZAD) de Notre-Dame-Des-Landes (Loire-Atlantique), le bois Lejuc est plusieurs fois mentionné dans le rapport… L’Autorité environnementale souligne dans l’avis “la sous-évaluation de l’importance écologique du bois Lejuc comme réservoir et corridor de biodiversité”, peut-on lire dans le document.

Un risque “de banaliser le territoire”

L’argument financier revient régulièrement pour justifier l’implantation de Cigéo dans la Meuse, un département rural qui souffre d’une chute libre de sa démographie. Certes, les producteurs de déchets nucléaires subventionnent le territoire. En 2018, ils distribuaient plus de 37 millions d’euros d’aides à toutes sortes de projets à travers le groupe d’intérêt public “Objectif Meuse”.

L’Autorité environnementale invite à toutefois à questionner ce vaste programme. Elle “observe que le projet de développement du territoire n’a pas fait l’objet d’options alternatives”. Les auteurs s’interrogent notamment sur la compatibilité à long terme entre l’enfouissement des déchets nucléaires et les autres activités. “Le projet de développement du territoire [...] en l’état actuel augmente le niveau d’enjeu face au risque d’exposition à la radioactivité et risque de banaliser le territoire”, écrivent-ils.

L'Andra travaille sur sa réponse

La publication de l’Autorité environnementale a été bien accueillie par le réseau d’associations Sortir du nucléaire. Un autre collectif d’associations locales y voit “un avis explosif” sur le projet en développement depuis les années 1990. Difficile toutefois d’imaginer un recul sur ce chantier, qui a déjà fait l’objet de multiples lois ainsi que d’un débat public… Outre ses critiques, l’Autorité environnementale salue “un dossier d’une ampleur peu commune” et une évaluation environnementale “très détaillée”. Et rappelle au passage que ses avis ne sont “ni favorables, ni défavorables”.

L’avis publié par l’Autorité environnementale “nécessite un temps d’étude et d’analyse de la part de nos services, avant de pouvoir répondre sur les recommandations émises”, a commenté l’Andra dans une déclaration transmise à L’Usine Nouvelle. “Après analyse des recommandations du présent avis et conformément aux dispositions du Code de l’environnement, l’Andra produira un mémoire en réponse, qui sera joint au dossier d’enquête publique”, ajoute l’agence.

www.usinenouvelle.com

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