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Un plan national de prévention des déchets enrichi, mais trop vague

19/09/2022

Un plan national de prévention des déchets enrichi, mais trop vague

Le futur PNPD reprend l'ensemble des politiques publiques en faveur de la réduction des déchets.        © illustrez-vous

L'Autorité environnementale constate que le plan national de prévention des déchets a été largement enrichi depuis l'adoption de la loi Agec. Pour autant, son impact reste difficile à évaluer et son articulation avec d'autres plans n'est pas claire.

Le plan national de prévention des déchets (PNPD) pour la période 2021 à 2027 s'appuie sur des mesures législatives et règlementaires bien plus denses que les éditions précédentes. Pour autant, les bénéfices en termes de réduction des déchets s'annoncent difficiles à suivre et à mesurer, d'autant que son articulation avec une kyrielle de documents stratégiques reste floue. En outre, il n'aborde pas clairement certains enjeux.

Telles sont les principales conclusions de l'avis de l'Autorité environnementale (Ae) concernant le troisième PNPD. Le document sera présenté à la Commission européenne, en application de la directive Déchets, qui impose aux États membres la préparation d'un document de synthèse et de suivi des mesures de prévention des déchets.

Un plan renforcé par la loi Agec

« Les ambitions, les leviers et les moyens qui figurent désormais dans le Code de l'environnement sont significativement relevés par rapport au deuxième plan national », estime l'Autorité environnementale.

Concrètement, explique l'Ae, le futur PNPD reprend l'ensemble des politiques publiques en faveur de la réduction des déchets. « Plus de 90 % des actions du plan national » sont issues des lois promulguées et de leurs décrets d'application, ou sont soutenues financièrement par l'Agence de la transition écologique (Ademe). Sont mentionnées la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) d'août 2015, la loi Antigaspillage et économie circulaire (Agec) de février 2020 et la loi Climat et résilience d'août 2022. À elle seule, la loi Agec regroupe 70 % des actions listées.

Le plan n'explicite pas les moyens de mise en œuvre de chaque mesure ni de cibles en termes de calendrier ou de résultats à atteindre. Ae 

L'Ae constate aussi que, depuis cette loi, la responsabilité élargie des producteurs (REP) est devenue un élément clé de la politique française de gestions des déchets. Cette application du principe pollueur-payeur est renforcée et elle tient une place de choix en matière de prévention des déchets. « Pour un grand nombre de types de produits, les actions visent prioritairement les filières REP, existantes et à créer, chargées de leur collecte et de mesures de prévention et de gestion », résume l'Ae. Elle explique, en particulier, que la France disposera de près de 30 filières REP en 2025 (en comptant les dispositifs volontaires assimilés), alors que l'Union européenne n'en impose que sept.

Des progrès difficiles à suivre

Pour autant, le troisième PNPD reste largement perfectible. Premier reproche formulé par l'Ae : le plan « n'explicite pas les moyens de mise en œuvre de chaque mesure (textes réglementaires, instrument financier...) ni de cibles en termes de calendrier ou de résultats à atteindre ». En conséquence, il est impossible de distinguer les progrès liés à la mise en œuvre du plan ni de comparer ces progrès aux objectifs fixés. Pourtant, le ministère de la Transition écologique semble disposer d'outils, puisqu'il « a adressé aux rapporteurs un tableau de suivi des dispositions de la loi Agec qui apportent en grande partie des réponses à ce besoin de clarification ».

L'évaluation environnementale doit être améliorer

Sur le plan de la forme, l'évaluation environnementale du PNPD proposée par l'État laisse à désirer. « Le rapport environnemental ne comporte pas l'essentiel des éléments requis par le Code de l'environnement, la démarche retenue ne correspondant pas à une évaluation environnementale », tacle l'Autorité. Elle recommande donc de réaliser une évaluation environnementale du plan en bonne et due forme. En outre, elle estime que cette démarche devrait être étendue aux cahiers des charges des filières REP.

 La France dispose aussi d'un plan national de gestion des déchets (PNGD), alors qu'il aurait été possible de regrouper les deux aspects (prévention et gestion) en un seul plan. Problème : l'articulation entre les deux « est peu explicite sur la complémentarité et la cohérence entre les deux plans ». C'est particulièrement vrai pour les mesures concernant le réemploi et la réutilisation, puisque « plusieurs mesures, dans les deux plans, concernent à la fois les deux ». Cela pose notamment des questions concernant le respect de la hiérarchie des modes de traitement des déchets et donne une « vision compartimentée » qui pourrait jouer en défaveur de la prévention, estime l'Ae.

L'articulation avec d'autres documents de planification cités par le PNPD n'est pas claire non plus. C'est le cas avec les plans régionaux et les plans locaux (en particulier ceux couvrant les départements et régions d'outre-mer), la stratégie nationale bas carbone (SNBC), le plan ressources pour la France, le plan biodiversité ou encore la stratégie zéro plastique en mer et le plan national santé-environnement (PNSE).

Des sujets manquants

Enfin, l'Ae constate qu'une série de sujets ne sont pas traités dans le PNPD. C'est le cas, en particulier, des travaux publics : le plan ne dresse aucun bilan de l'atteinte des mesures prévues par la LTECV (réemploi ou valorisation de 70 % des déblais des chantiers de construction ; accorder la priorité au réemploi dans les contrats publics ou encore 60 % de matériaux réemployés dans les chantiers routiers). L'Ae signale par ailleurs que le sujet est d'autant plus important que le Grand-Paris Express génère « des volumes [de déblais] très importants [qui] peuvent présenter des risques de production de sulfates, qui n'ont, jusqu'à maintenant, pas été pris en compte ».

De même, les déchets dangereux ne sont pas pris en considération de manière satisfaisante. Le sujet est abordé dans le cahier des charges des filières REP les plus exposées (équipements électriques et électroniques ou piles et accumulateurs, en particulier), mais cela demeure insuffisant. « La prise en compte de précautions et d'impacts sanitaires peut être un obstacle au réemploi et à la réutilisation de certains produits », rappelle l'Ae. Et de faire le même constat s'agissant des véhicules hors d'usage (VHU).

Philippe Collet / www.actu-environnement.com

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