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Changement climatique : les indicateurs s'affolent
23/06/2025

L'augmentation des émissions de gaz à effet de serre est liée en partie à la déforestation. © LuIvDa
Émissions de GES, températures moyennes, niveau des océans, budget carbone : le dernier bilan de l'équipe internationale de chercheurs de l'IGCC (Indicators of Global Climate Change) dresse un tableau très sombre de l'avenir climatique mondial.
« Limiter le réchauffement planétaire sous 1,5 °C n'est désormais plus atteignable », constatent, ce jeudi 19 juin, soixante-et-un chercheurs de 17 nationalités, issus de 54 instituts dont Météo-France, le CEA, le CNRS et le Mercator Ocean International, le service marin de Copernicus. Pour la troisième année consécutive, sur la base des observations disponibles et en reprenant les méthodes du Giec, ce consortium a actualisé les indicateurs géophysiques clés du changement climatique planétaire pour l'année 2024 : émissions de gaz à effet de serre, déséquilibre énergétique, température à la surface du globe, précipitations terrestres, élévation moyenne du niveau de la mer, etc.
Points chauds en développement
Pour ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, la tendance est toujours à la hausse, atteignant même un niveau record de 55 milliards de tonnes de CO2 équivalent (CO2eq) en 2023. Sans surprise, cette augmentation est liée à l'utilisation croissante des énergies fossiles sur le plan mondial et à la déforestation, en progression dans les forêts amazoniennes notamment. L'accumulation de ces émissions, déjà problématique, se renforce aussi en raison de la diminution des émissions de dioxyde de soufre (SO2) depuis les années 2000. Une évolution certes nécessaire pour améliorer la qualité de l'air, mais qui réduit l'effet « parasol » refroidissant des particules soufrées.
“ Le niveau de CO2 est plus élevé de 50 % de ce qu'il était à l'ère industrielle. Pour le méthane, c'est plus de 100 %. On arrive à des niveaux inégalés sur des milliers d'années ”
Pierre Friedlingstein, directeur de recherche CNRS
« Aujourd'hui, le niveau de CO2 est plus élevé de 50 % de ce qu'il était à l'ère industrielle. Pour le méthane, c'est plus de 100 %. On arrive à des niveaux inégalés sur des milliers d'années », alerte Pierre Friedlingstein, directeur de recherche CNRS (Laboratoire de météorologie dynamique, LMD). À ces concentrations en GES et en pollution provenant des activités humaines s'ajoutent des éléments perturbateurs naturels, comme l'activité du soleil et celle des volcans. Ensemble, ils jouent sur le « forçage radiatif », c'est-à-dire l'énergie reçue par le système climatique réduite de son énergie perdue, qui augmente à un rythme élevé.
En 2024, celui-ci atteint ainsi quelque 3 watts par mètre carré par rapport à 1750, en augmentation de 9 % par rapport à l'évaluation du Giec de 2019. On constate une forte variabilité d'une année à l'autre des concentrations des composés à courte durée de vie qui agissent à la fois sur la qualité de l'air et sur le climat, précise Valérie Masson-Delmotte, directrice de recherche au CEA et à l'Institut Pierre-Simon-Laplace, « notamment les particules et les composés émis lors des feux de biomasse. »
Un budget carbone qui fond à vue d'œil
La chaleur qui s'accumule ainsi dans le système climatique se traduit par un réchauffement de la température moyenne à la surface de la terre. Entre 2015 et 2024, elle a déjà dépassé de 1,24 °C la valeur préindustrielle (1850-1900), dont 1,22 °C dû aux activités humaines. En 2024, renforcée par plusieurs sources de fluctuations spontanées comme l'événement El Niño, la température à la surface du globe a par ailleurs atteint un niveau record avec 1,52 °C, dont 1,36 °C dû aux activités humaines. Cela ne signifie pas que l'objectif de l'Accord de Paris est franchi, dans la mesure où celui-ci se base sur une moyenne sur plusieurs années, prévient Christophe Cassou, directeur de recherche CNRS (LMD). « Mais c'est probablement la première fois que le seuil de 1,5 °C sur une année est franchie. »
Les nouveaux indicateurs de de l'IGCC. © IGCC
Selon les scientifiques de l'IGCC, le budget carbone résiduel censé permettre à l'humanité de conserver une chance sur deux de limiter le réchauffement à 1,5 °C ne serait plus que de quelque 130 milliards de tonnes de CO2 depuis le début de l'année 2025. Soit une enveloppe inférieure de 74 % à ce qu'elle était au moment du 6e rapport du Giec. Si le niveau actuel d'émissions perdure, cette réserve serait épuisée en un peu plus de trois ans. « Le réchauffement planétaire ne cessera de s'aggraver que lorsque les émissions de CO2 provenant des combustibles fossiles et de la déforestation seront réduites à zéro », soulignent les chercheurs. Une diminution des émissions de méthane pourrait cependant contribuer à lutter contre ce réchauffement dans les prochaines années.
Des mauvaises nouvelles qui s'accumulent
Ces perturbations affectent toutes les composantes du système climatique : les océans, qui stockent 91 % de l'excès de chaleur dû aux émissions de gaz à effet de serre, les masses de glace, de neige et de sols gelés (cryosphère) qui fondent, les nuages qui réfléchissent plus ou moins les rayons du soleil. La période 2012-2024 affiche ainsi 25 % d'accumulation annuelle moyenne d'énergie supplémentaire par rapport à la période 2006-2018 évaluée dans le sixième rapport du Giec. « Le double du taux des années 1970 et 1980 », relève Valérie Masson-Delmotte.
Conséquences : une élévation du niveau de la mer de 22,8 cm depuis 1901. Le rythme moyen a été de 3,9 millimètres par an entre 2006 et 2024, au lieu de 1,85 mm par an auparavant, et il continue de s'accélérer. Avec pour corolaire une intensification des phénomènes météorologiques extrêmes aux effets dévastateurs sur les écosystèmes marins et les communautés qui en dépendent.
« Ce que nous indique l'ensemble de ce tableau clinique, c'est bien sûr l'image d'un changement climatique qui continue sa progression, qui s'intensifie (…), dans la mesure où l'influence humaine sur le climat, elle aussi, continue sa progression et son intensification », conclut Aurélien Ribes, directeur du groupe de recherche sur le climat de Météo-France.
Nadia Gorbatko / actu-environnement