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Comment les collectivités peuvent recourir à l’autoconsommation collective

11/01/2023

Comment les collectivités peuvent recourir à l’autoconsommation collective

Thierry Chenu

Un cadre juridique clair se dessine désormais pour les collectivités territoriales souhaitant se fournir en électricité par le biais de l’autoconsommation collective. Explications sur les régimes contractuels à suivre.

Avec la reprise de l’activité économique à la suite de la crise sanitaire mais surtout depuis le début de la guerre en Ukraine, les prix de l’énergie et en particulier de l’électricité connaissent une hausse exponentielle. En France, le prix de l’électricité sur le marché du gros est passé de 45 euros/MWh le 13 décembre 2020 à 500 euros/MWh le 13 décembre 2022. Pour les collectivités territoriales qui renouvellent leurs contrats de fourniture, cela implique de prévoir une dépense parfois bien supérieure aux années précédentes. Il y a urgence à trouver des solutions alternatives. Cette urgence est double, puisque l’urgence climatique nous impose de nous tourner vers des énergies non carbonées. Alors, à l’heure où l’énergie nucléaire semble au plus mal, avec plus de vingt-quatre réacteurs à l’arrêt fin octobre et encore seize mi-décembre, pourquoi ne pas s’orienter vers une électricité renouvelable, décentralisée et moins chère ? Car, deux points semblent certains : l’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence est acquise et met définitivement fin à l’accès pour les collectivités aux tarifs réglementés de vente de l’électricité ; le prix du MWh de l’énergie renouvelable (Enr) ne cesse de gagner en attractivité.

Parmi les solutions Enr qui se mettent en place, fondées notamment sur le solaire photovoltaïque, l’une d’entre elles semble prometteuse : il s’agit du modèle de l’autoconsommation collective. Au regard des prix actuels du MWh, l’opération d’autoconsommation, en plus de sécuriser la fourniture en électricité sur plusieurs années, devient rentable. L’articulation entre le droit des énergies renouvelables et le droit de la commande publique est néanmoins un véritable casse-tête. Tandis que le premier implique décentralisation et décarbonation, le second ne tient a priori compte que des critères de qualité de la prestation et de son prix, afin de garantir l’égalité de traitement entre les opérateurs économiques, la concurrence et la liberté d’entreprendre. Les contrats prévus dans le code de la commande publique en sont le reflet. Dès lors, on comprend pourquoi ces deux matières ne s’imbriquent pas naturellement.

Remise en concurrence périodique

Les collectivités territoriales peuvent-elles recourir à l’autoconsommation collective pour se fournir en électricité ? Le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’Enr (encore en débat au moment de l’écriture de cet article), énonce de manière claire la possibilité pour les collectivités territoriales de recourir à un contrat de la commande publique pour « monter » une opération d’autoconsommation collective. L’article 17 du projet de loi complète le code de l’énergie d’un article L.331-5 selon lequel : « Dans les conditions prévues par le code de la commande publique, les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices définis aux articles L.1211‑1 et L.1212‑1 du code de la commande publique peuvent recourir à un contrat de la commande publique pour répondre à leur besoin en électricité : […] 2° Dans le cadre d’une opération d’autoconsommation collective mentionnée à l’article L.315‑2 avec un ou plusieurs producteurs participant à cette opération. 3° Dans le cadre d’un contrat de vente directe à long terme d’électricité mentionné au 2° du I de l’article L.333‑1. La durée du contrat est définie en tenant compte de la nature des prestations et de la durée d’amortissement des installations nécessaires à leur exécution, y compris lorsque le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice n’acquiert pas ces installations. »

Cette nouvelle rédaction pourra réjouir les acteurs de la filière car, si l’autoconsommation était considérée jusqu’à présent comme « la grande oubliée » du projet de loi, notamment au regard du contrat de vente directe à long terme d’électricité, cette dernière rédaction remédie à cette absence. En particulier, elle apporte encore une précision importante quant à la durée du contrat. L’autoconsommation est une relation de long terme. Le producteur, même s’il ne s’agit pas de la collectivité territoriale, ne peut amortir l’installation que sur dix, quinze voire vingt ans. Aussi, on ne peut que se réjouir de l’insertion de ce dernier alinéa au sein de l’article L.331-5, qui devrait mettre un terme aux interrogations quant à la légalité d’un contrat de la commande publique d’une telle durée, lorsque l’article L.2112-5 du code de la commande publique, qui concerne les marchés publics, prévoit une « nécessité d’une remise en concurrence périodique ».

Choix du contrat

Si les collectivités territoriales peuvent recourir à l’autoconsommation collective, quels régimes contractuels doivent-elles suivre ? Autrement dit, quel montage juridique choisir ? Si on entend parfois certaines voix plaider pour l’utilisation d’une concession, cela ne semble pas être une solution appropriée. La concession permet le financement de l’ouvrage par l’opérateur mais implique nécessairement, conformément à l’article L.1121-1 du code de la commande publique, le transfert d’un risque lié à l’exploitation de l’ouvrage ou du service. Dans le cadre d’une opération d’autoconsommation, le seul client est la collectivité territoriale, dont la solvabilité ne pose que rarement, voire jamais, de problème. De plus, les besoins en électricité sont constants et prévisibles. Le concessionnaire de l’opération d’autoconsommation ne serait donc soumis à aucun risque.

Au contraire, il semble plus judicieux de lui préférer la passation d’un marché public, dont la longue durée sera désormais prévue par le législateur et ne devrait donc plus constituer une insécurité juridique. Si la collectivité territoriale souhaite être uniquement consommatrice en intégrant la personne morale organisatrice de l’opération d’autoconsommation, elle passera un marché public uniquement pour la fourniture d’électricité. Une mise en concurrence est-elle nécessaire dans le cadre de ce marché ? Deux hypothèses pourraient lui offrir d’y déroger : soit elle ne dépasse pas le seuil de 40 000 euros, ce qui semble tout de même rare en pratique, soit l’opérateur économique est considéré comme déterminé au sens de l’article R.2122-3 du code de la commande publique. Si une mise en concurrence s’avère nécessaire, se posera la question de déterminer des critères permettant la sélection d’une opération d’autoconsommation dans le respect du droit de la commande publique.

Partage territorial de la valeur

L’article 18 du projet de loi Enr prévoit l’ajout d’un article L.337‑17 au code de l’énergie, lequel aura pour objet la déduction, au sein des factures, d’un versement par les producteurs d’Enr d’un montant forfaitaire annuel lié au partage territorial de la valeur issue de la production d’Enr. Si le Sénat a souhaité le recentrer sur les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), la Commission de l’Assemblée nationale a adopté un amendement du gouvernement visant à inclure également les riverains, comme cela était initialement prévu dans le projet de loi.

Ainsi, un cadre juridique clair se dessine désormais pour les collectivités territoriales souhaitant se fournir en électricité par le biais de l’autoconsommation collective. L’entrée en vigueur de la loi relative à l’accélération de la production d’Enr marquera certainement le début d’une mise en œuvre à grande échelle de cette solution alternative. Du reste, d’autres solutions, tels que les CPPA (Corporate Power Purchase Agreements) sont également à explorer. Enfin, si les communautés d’énergie renouvelable et communautés énergétiques citoyennes n’ont pas été l’objet du présent article, leur potentiel – qu’un prochain décret aura pour mission de concrétiser – permettra de les ériger en véritable levier de transition énergétique pour les communes.

Par Corinne Lepage, avocate associée, et Sylvain Hamanaka, avocat / www.lagazettedescommunes.com

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