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Glaciers, Antarctique, Arctique… à quoi va servir le "sommet polaire" organisé par la France les 8 et 9 novembre ?

03/11/2023

Glaciers, Antarctique, Arctique… à quoi va servir le "sommet polaire" organisé par la France les 8 et 9 novembre ?


  • Une quarantaine de pays participent à la réunion internationale organisée à Paris les 8 et 9 novembre sur le monde polaire et les glaciers.
  • Parmi les annonces attendues, la création d'une coalition des villes côtières et le lancement d'une décennie pour la recherche polaire.
  • La France pousse aussi pour sanctuariser les pôles et les glaciers, en renforçant leur protection.

C'est un phénomène clairement identifié par les scientifiques : le changement climatique est plus marqué aux pôles en raison d'un phénomène d'amplification polaire, avec la fonte des neiges et des glaces qui réfléchissent la lumière du soleil. Et celui-ci a tendance à être plus rapide que prévu. "Les pôles sont les sentinelles du climat, explique ainsi Yan Ropert-Coudert, le directeur de l'Institut polaire français Paul-Émile Victor. C'est au niveau de l'océan Austral que se joue l'avenir de l'humanité."

La France, puissance polaire, avec ses six bases scientifiques aux deux pôles et dans les territoires français subantarctiques, a donc décidé d'organiser un sommet consacré au sujet : le One Planet Polar Summit - dans la foulée de ces sommets "One Planet" souhaités par Emmanuel Macron - organisé à Paris les 8 et 9 novembre prochains. 

" Les Pôles concentrent tous les risques "

Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique

"À ce stade, une quarantaine de pays ont confirmé leur participation. Les invitations ont été lancées aux pays qui sont des puissances polaires ou qui disposent de glaciers", a précisé mardi le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu. Reste à voir quel sera l'échelon représenté : ambassadeur, ministres, chef d'État ou de gouvernement ? Parmi les certitudes : le vice-président chinois Han Zheng a annoncé sa présence, de même que le Premier ministre norvégien Jonas Gahr Store, dont le pays préside le Conseil de l'Arctique. 

La Russie, puissance polaire très active et qui a des velléités territoriales et d'exploitation, notamment minières, très fortes, n'a en revanche pas été invitée en raison du contexte international et de la guerre en Ukraine.

"Les Pôles concentrent tous les risques géopolitiques et le défi climatique, décrit Christophe Béchu. La fonte des glaces ouvre de nouvelles routes et de nouveaux appétits dans ces régions, d'autant plus qu'il y a une surreprésentation des grandes puissances parmi ces puissances polaires." 

Ce sommet va être d'abord l'occasion de présenter un constat scientifique sur la situation des Pôles et des glaciers, fruit du travail de 400 chercheurs dans le monde. Le dernier rapport du Giec sur le sujet date de 2019. "Le souhait du président Emmanuel Macron est de rappeler qu'à l'horizon 2050-2100, deux milliards de personnes seront menacées, explique l'ambassadeur de la France aux Pôles, Olivier Poivre d'Arvor. Soit un milliard de personnes dans les régions des glaciers, et un autre milliard de personnes menacées par l'élévation du niveau de la mer."

Lors du sommet, une coalition nationale des villes côtières va être d'ailleurs lancée, avec pour objectif d'adapter ces villes au risque de submersion notamment. "Il y a 680 millions d'habitants dans le monde qui vivent à moins de 10 mètres au-dessus du niveau de la mer et qui sont en première ligne", rappelle Christophe Béchu. 

Un appel de Paris pour les pôles et les glaciers

Une déclaration finale doit également être adoptée, sous la forme d'un appel de Paris pour les pôles et les glaciers. Elle sera particulièrement scrutée, à la veille de l'ouverture du Forum pour la paix et à quelques semaines de l'ouverture de la COP28 à Dubaï : la communauté internationale est-elle capable de se mettre d'accord dans une zone qui n'appartient à personne ? "C'est pourtant un sujet qui devrait être simple, car c'est un endroit où l'exploitation, l'économie et le tourisme n'ont pas vraiment commencé, espère le ministre français. Il n'y a donc pas les arguments habituels qui viendraient freiner la transition."

Il va s'agir aussi d'acter le lancement d'une décennie des sciences polaires et glacières, sous l'égide de l'Unesco et de l'Organisation météorologique mondiale, avec notamment l'année 2025, année des glaciers sous l'égide des Nations unies. "Emmanuel Macron va dire qu'il faut passer de 1 à 10 les crédits pour la recherche scientifique à l'échelle internationale", précise Olivier Poivre d'Arvor.

En la matière, le gouvernement français souhaite faire de la région un exemple de coopération. "Certains pays ont des brise-glace, d'autres ont des bases. On peut partager. Il faut sortir du chacun pour soi et élaborer une stratégie de recherche collective. Pour des raisons budgétaires et philosophiques, le multilatéralisme s'impose. La couleur du drapeau n'est pas primordiale", avance Christophe Béchu.

Car les brise-glace, permettant d'accéder aux pôles, coûtent très cher : entre 300 millions d'euros et un milliard. Or, la France a d'ores et déjà fort à faire dans ses bases. Celle de Dumont d'Urville, en Antarctique, doit être entièrement rénovée. Selon le directeur de l'Institut polaire, cela représente 150 millions d'euros, notamment pour diminuer la facture énergétique. Selon nos informations, Emmanuel Macron devrait annoncer lors du sommet que les crédits nécessaires à cette rénovation en profondeur ont été réunis.

Des aires polaires protégées?

Car pour la France, il y a un enjeu à demeurer une puissance qui compte dans le monde polaire, alors que d'autres pays, dont la Chine, investissent massivement. C'est la raison pour laquelle le pays s'est doté pour la première fois l'an dernier d'une stratégie polaire. Par ailleurs, une proposition de loi transpartisane portée par les députés Jimmy Pahun (MoDem) et Clémence Guetté (LFI) pousse l'idée d'une loi de programmation pour mettre en œuvre la stratégie polaire d'ici à 2030.

Enfin, cet "appel de Paris" devrait évoquer aussi la nécessité de sanctuariser les pôles et les glaciers, et de préserver leurs écosystèmes. Alors même que la semaine dernière, les négociations en vue de créer des aires marines protégées en Antarctiques ont de nouveau échoué, en raison du blocage traditionnel de la Russie et de la Chine, mais aussi du Chili, qui veut y maintenir ses activités de pêche.

Christophe Béchu dit espérer quelque chose de "fort" sur ce sujet lors du Polar Summit. Selon le ministre, la préservation des écosystèmes des glaciers doit d'ailleurs figurer dans la prochaine Stratégie nationale de la biodiversité, attendue d'ici à la fin de l'année. "La totalité des glaciers dans les terres australes et antarctiques françaises sont en protection forte. Dans l'Hexagone, 60% des glaciers seulement sont en protection forte. On peut imaginer que tous les glaciers métropolitains soient protégés", avance le ministre.

Des travaux sont pourtant en cours à La Grave, sur le glacier de la Girose, pour construire le troisième tronçon d'un téléphérique. Selon les associations, le béton menace l'habitat naturel d'une plante protégée : l'Androsace du Dauphiné. Un paradoxe français ? Christophe Béchu réfute le terme et préfère évoquer "quelques accrocs à la cohérence". Il souligne la "complexité" de ce type de dossiers lancés de longue date. Et l'assure : "Notre position sur la nécessaire sanctuarisation de ces écosystèmes est claire", assure-t-il.

Marianne ENAULT / tf1info


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