Le salon des Solutions
environnementales du Sud-Ouest

Les Actualités

La semaine de quatre jours, un modèle de travail plus écologique ?

25/05/2023

La semaine de quatre jours, un modèle de travail plus écologique ?

Selon certains rapports, la semaine de quatre jours encouragerait l’adoption de comportements vertueux pour l’environnement. | ISTOCK

Travailler moins, pour polluer moins. De récents rapports sur le modèle de la semaine de travail de quatre jours montrent des effets positifs sur l’environnement. Explications.

Royaume-Uni, Nouvelle-Zélande, Irlande, Espagne, États-Unis… Plusieurs pays testent la semaine de quatre jours. Ce modèle de travail est souvent décrit par ses défenseurs comme un moyen d’améliorer le bien-être des salariés ou encore de lutter contre le chômage. Mais depuis quelque temps, un autre argument émerge : la semaine de quatre jours serait bonne pour le climat.

D’après plusieurs rapports, cette réduction du temps de travail hebdomadaire ferait baisser les émissions de gaz à effet de serre. L’association 4 Day Week Global, qui a déjà mené des tests aux États-Unis et en Irlande, a récemment conduit un test à grande échelle de la semaine de quatre jours de travail au Royaume-Uni avec plus de 60 entreprises entre juin et décembre 2022.

Une réduction du temps de trajet

Dans ses résultats publiés en février 2023, l’association indique qu’un jour de travail en moins dans la semaine permet de réduire en moyenne 30 minutes le temps de trajet hebdomadaire de chaque membre de la société, réduisant ainsi les émissions de gaz à effet de serre.

Selon Juliet Schor, une économiste et sociologue au Boston College, qui a participé aux programmes pilotes menées au Royaume-Uni et aux États-Unis, « bien que les avantages climatiques soient difficiles à mesurer, de nombreuses recherches montrent qu’au fil du temps, à mesure que les pays réduisent les heures de travail, leurs émissions de carbone diminuent », a-t-elle confié à la BBC.

En 2012, dans une analyse publiée par le Political Economy Research Institute co-écrite par Juliet Schor, les chercheurs ont analysé les données de 29 pays de l’OCDE et démontré qu’une diminution de 10 % du temps de travail réduirait de 12,1 % l’empreinte écologique.

En 2021, un rapport publié par l’association 4 Day Week Global assure que le passage de la semaine de quatre jours sans perte de salaire au Royaume-Uni permettrait au pays de réduire son empreinte carbone de 127 millions de tonnes par an à l’horizon 2025, soit une diminution de 21,3 %.

À travail intense, consommation intense

Selon les différentes réponses de salariés récoltées lors des programmes pilotes, la semaine de quatre jours encouragerait aussi les comportements vertueux pour l’environnement.

« Les études montrent que les usages du temps dégagé pour ce troisième jour de libre dans la semaine sont davantage des usages de sobriété que des usages de consommation. Les gens vont prendre le temps d’être en famille, de jardiner, de cuisiner… En cela, ce n’est pas quelque chose qui va dans le sens d’une augmentation de la consommation carbonée », affirme Jean-Yves Boulin, sociologue, chercheur associé à l’IRISSO, spécialiste du travail et de l’emploi.

En 2011, des chercheurs de l’université de Lille ont analysé les dépenses des ménages pour observer une corrélation entre-temps de travail et dégradations environnementales. « Pour cette étude, on a voulu essayer de regarder si le temps de travail avec un certain revenu donné, avait un effet sur les dépenses des ménages et notamment celles les plus consommatrices et défavorables à l’environnement : dépenses d’énergies, dépenses de taille du logement ou encore des dépenses liées à la consommation de produits surgelés, à la livraison de repas… », détaille l’un des chercheurs, professeur en économie à Lille, François Xavier Devetter.

Dans ses conclusions, l’étude établit un lien net entre les longues semaines de travail et les comportements défavorables à l’environnement. « L’intensité de travail va de pair avec l’intensité de consommation », résume le chercheur.

« Pour adopter des comportements vertueux pour l’environnement comme remplacer la voiture par le vélo, cuisiner… Il faut pouvoir avoir le temps. En cela, la semaine de quatre jours est peut-être l’une des solutions pour tendre vers une vie plus sobre », estime l’eurodéputé de gauche Pierre Larrouturou, fervent défenseur de la semaine de 4 jours à salaire égal et avec réduction du temps de travail.

Le risque des effets rebond

Mais à l’inverse, libérer du temps pourrait tout aussi bien engendrer des comportements non durables. Un week-end de trois jours pourrait encourager les gens à partir souvent en voyage et donc polluer plus. « Il y a toujours un risque d’effet rebond », admet François-Xavier Devetter.

C’est d’ailleurs ce que craignaient certains membres de la Convention citoyenne pour le climat alors que la semaine de 28 heures était envisagée dans les propositions. « Cette mesure, c’est celle qui a enregistré le plus de temps de débat à 150 personnes [soit l’ensemble de la CCC] », a confié l’un des facilitateurs de la CCC à nos confrères du Monde Diplomatique dans un article publié en juin 2021.

« Certains craignaient que ça bouleverse trop nos modes de vie, d’autres que ce ne soit pas une mesure écologiste en se disant que les gens profiteraient de leurs week-ends de trois jours pour partir en voyage en avion et consommer plus », a raconté Rémy Dufour, membre de la Convention ayant porté l’idée, à Reporterre . L’idée a été refusée par deux tiers des votants, rappelle le média.

François-Xavier Devetter évoque aussi un autre effet rebond possible : l’éloignement du lieu de travail. « Avec une journée de travail en moins dans la semaine, les gens pourraient être tentés de déménager et aller vivre plus loin de leur travail. » Les effets positifs portant sur les déplacements domicile-travail seraient alors annulés.

Au-delà des salariés, que peut-on dire de l’empreinte carbone des entreprises qui proposent la semaine de quatre jours ? Diminue-t-elle vraiment ? Là encore tout dépend si l’entreprise décide de fermer complètement un jour par semaine ou si elle continue de fonctionner 7 J/7 J.

« Si la réduction de travail se traduit par une augmentation de la productivité, je ne vois pas comment il pourrait y avoir un gain environnemental immédiat », estime le professeur en économie.

Un modèle qui doit être accompagné d’autres mesures

Pour contrer ces éventuels effets négatifs et avoir un véritable impact sur l’environnement, la semaine de quatre jours doit être accompagnée d’autres mesures, estime François Xavier Devetter.

« Ce n’est pas juste une question de quantité de temps et de durée, mais aussi une question de rythme collectif et de synchronisation », assure François-Xavier Devetter qui considère que les temps de loisirs aujourd’hui sont devenus des temps de consommation. « Si on crée des temps nouveaux disponibles aux individus il faut pouvoir les rendre attractifs, intéressants, conviviaux… », insiste-t-il.

Dans son rapport de mai 2021, l’association 4 Day Week Global soumettait toute une liste de politiques publiques à mettre en place pour accompagner ce nouveau modèle. Par exemple créer suffisamment d’espaces verts dans chaque quartier, augmenter le fond des festivals et des théâtres, augmenter le nombre de bibliothèques, de centres culturels et de terrains de sport, etc. Autant d’éléments qui permettraient de rendre les quartiers attractifs avec des activités décarbonées.

La réduction du temps de travail : un débat inflammable en France

Le débat sur la réduction du temps de travail n’est pas nouveau mais depuis la pandémie du Covid-19, il réapparaît dans de nombreux pays qui s’interrogent sur l’organisation du travail. « Le confinement et le covid-19 ont fait prendre un certain recul sur le monde du travail », constate le sociologue Jean-Yves Boulin.

Mais en France, le sujet peine à revenir dans le débat public. Pourtant, celui-ci n’est pas nouveau, le pays a déjà mené une expérience du genre auprès des entreprises grâce à la loi Robien sur l’aménagement du temps de travail en 1996.

Cette loi permettait aux entreprises de proposer à leurs salariés le passage des 39 heures aux 35 heures sur quatre jours en contrepartie d’un allègement de cotisations patronales de sécurité sociale, sous certaines conditions comme celle d’augmenter leurs effectifs.

Selon Pierre Larrouturou, près de 400 entreprises ont pu bénéficier de ce dispositif avant que la loi Robien ne finisse par être abrogée par la réforme des 35 heures. Depuis, d’autres entreprises ont aussi franchi le pas. Mais il s’agit là uniquement d’une volonté de l’employeur. C’est le cas par exemple de LDLC, une entreprise d’informatique.

« Parler de la réduction du temps de travail en France depuis la loi Aubry en 2000, c’est un peu difficile. Depuis le passage de la semaine à 35 heures, il y a eu une sorte de traumatisme qui s’est installé dans le camp du patronat et de la droite », explique Jean-Yves Boulin. « En France, on est encore dans le : « travailler plus pour gagner plus » », ajoute-t-il.

Dans la sphère politique, le débat sur la réduction du temps de travail avait toutefois été rouvert pendant la campagne présidentielle de 2022 par des candidats issus de l’aile gauche : Anne Hidalgo et Yannick Jadot, Fabien Roussel ou encore Jean-Luc Mélenchon.

Pour le gouvernement, la semaine de quatre jours ne semble pas être pour l’instant à l’ordre du jour. Toutefois, le sujet pourrait bien être étudié dans le cadre du nouveau « pacte de la vie au travail » voulu par Emmanuel Macron.

ouest-france


Annonce Publicitaire