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Réchauffement climatique : une trajectoire nationale officiellement à 4 °C

10/05/2023

Réchauffement climatique : une trajectoire nationale officiellement à 4 °C

La sécheresse de l'été 2022 a entraîné entre 2 et 3 milliards d'euros de dépenses.    © Gilles Ehrman

En adoptant un scénario de réchauffement climatique à + 4 °C pour la France, le Conseil national de la transition écologique ouvre la voie à la rédaction d'un nouveau Plan d'adaptation national au changement climatique plus stratégique.

Cette fois, c'est officiel : c'est bien à une hausse des températures moyennes de 4 °C, à la fin du siècle par rapport à l'ère préindustrielle, que doit se préparer la France métropolitaine. Adopté jeudi 4 mai, l'avis de la commission spécialisée sur l'adaptation au changement climatique du Conseil national de la transition écologique (CNTE) prend acte du réchauffement actuel de 1,1 °C de la planète et retient l'hypothèse d'une élévation globale des températures de 3 °C, avec une majoration de 50 % pour la France métropolitaine.

« À la minute où on se parle, même si l'Europe a commencé à baisser les émissions de l'ordre de 30 % et qu'elle doit intensifier ses efforts pour tenir ses propres objectifs climatiques, la pente globale sur laquelle nous sommes n'est pas le respect de l'Accord de Paris », a observé Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, à l'issue de la réunion du CNTE. Selon le sénateur Ronan Dantec, président de cette commission spécialisée, la société française ne s'y trompe d'ailleurs pas. L'adoption de cet avis à l'unanimité constitue bien le signe « d'une prise de conscience sur le fait qu'il faut affronter la réalité de ce changement climatique de manière lucide », estime-t-il. Et de rappeler qu'au CNTE siègent en effet à la fois les associations de protection de l'environnement, les collectivités locales, le Medef, le monde économique et celui de l'agriculture.

Un nouveau curseur pour tous

Constatant la nécessité « pour l'ensemble des activités, des populations et des écosystèmes » de se préparer à cette perspective, la commission spécialisée propose donc d'intégrer une trajectoire d'adaptation à 4 °C dans les décisions publiques à venir, notamment dans la future loi de programmation énergie-climat. Ce chemin devrait ainsi devenir le curseur de « toutes les actions d'adaptation menées », des référentiels et autres règlementations techniques intégrant une composante climatique, en particulier dans les domaines du bâtiment et des transports, ainsi que des stratégies de protection des milieux naturels et de restauration des écosystèmes.

 "Il faut affronter la réalité de ce changement climatique de manière lucide" Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique

 Cette trajectoire devrait aussi se décliner sur le plan local, en s'ajustant aux spécificités des territoires, ultramarins notamment. Beaucoup de décisions publiques s'appuient aujourd'hui sur ce qui s'est passé dans les années précédentes, constate Ronan Dantec. « À partir du moment où on a une trajectoire fixée par l'État (…), on ne prend pas juste les données que l'on connaît du passé, sur l'eau par exemple. On prend aussi les données prévisibles. »

Un plan d'adaptation revu et corrigé

Dans une quinzaine de jours, Christophe Béchu devrait par ailleurs mettre en consultation, auprès du public, le rapport d'adaptation au changement climatique préparé à cette aune par ses équipes, depuis le mois de février dernier. Objectif : permettre au plus grand nombre de se saisir de ces enjeux. « Il faut que l'on sorte des cénacles de spécialistes », explique le ministre. À la fin de cette année, ce dernier devrait ensuite présenter le nouveau Plan national d'adaptation au changement climatique, en remplacement du dernier, entré en vigueur en 2019, qui reposait sur l'hypothèse d'un réchauffement à + 1,5 °C dans le monde, + 2 °C en France.

Cette nouvelle version évaluera les impacts, les coûts et les conséquences assurantielles de ces risques climatiques émergents : sur les ressources et les milieux naturels comme sur les biens et les personnes. Elle déclinera également les actions à mener pour accompagner les collectivités, les entreprises et les citoyens face à ces dérèglements : dans les domaines de la santé, de l'éducation, de l'urbanisme, des spécifications techniques et de la règlementation, par exemple pour maintenir l'efficience des infrastructures et des services publics ou encore des modèles d'exploitation. « À 4 °C, les deux tiers des stations des Alpes n'ont plus d'enneigement », prévient Christophe Béchu.

Des dépenses mais aussi des économies

Les engagements budgétaires liés au précédent plan d'adaptation s'étaient élevés à quelque 10 milliards d'euros. Mais s'adapter dégage aussi des économies, insiste Ronan Dantec, « puisque l'on se sera posé les bonnes questions ». Ce qui coûte cher, ajoute le sénateur, « c'est la mal-adaptation (…). C'est de devoir y revenir ». Faute d'anticipation, la sécheresse de l'été 2022 aura ainsi généré entre 2 et 3 milliards d'euros de dépenses. « On voit le caractère très rationnel d'un point de vue budgétaire d'aller mettre davantage d'argent dans les dispositifs de prévention et de ne pas raisonner uniquement en crédits budgétaires nouveaux », analyse Christophe Béchu. À ce titre, le volet adaptation des plans climat, air, énergie territoriaux (PCAET) devra sans doute être approfondi.

Avant la fin du mois de mai, le Gouvernement publiera également un Plan national de gestion des vagues de chaleur, qui détaillera, en plusieurs dizaines de mesures, les règles à appliquer dans un contexte caniculaire : au travail, à l'école… L'outil de diagnostic climatique proposé aux collectivités locales par Météo-France, Climadiag Commune, devrait en outre être complété ou amélioré en intégrant la trajectoire à 4 °C et en affinant la maille d'analyse. Des innovations qui ne signifient pas pour autant l'abandon des politiques d'atténuation, tient à rappeler le ministre. Mais même si les objectifs de l'Accord de Paris étaient tenus, les mesures prises en matière d'adaptation l'auront été « sans regret, affirme Ronan Dantec. Toutes les stratégies sur les écosystèmes, sur les solutions fondées sur la nature (…), c'est du gain de biodiversité dans tous les cas ».

Nadia Gorbatko / actu-environnement

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