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Néonicotinoïdes : la France se résigne à ne plus autoriser ces pesticides "tueurs d'abeilles"

23/01/2023

Néonicotinoïdes : la France se résigne à ne plus autoriser ces pesticides "tueurs d'abeilles"

Ces pesticides sont accusés d'avoir des effets toxiques sur les abeilles. Neonicotinoides abeilles pixabay CC0

C'est une victoire de taille pour les associations écologistes. Par la voix de son ministre de l'Agriculture, le gouvernement a annoncé qu'il renonçait à prolonger, pour la troisième année consécutive, les dérogations d'utilisations des néonicotinoïdes pour la filière betterave. Le gouvernement a dû se résigner face à l'arrêté de la Cour de justice européenne, publié le 19 janvier, interdisant formellement aux États membres de contourner l’interdiction des semences traitées avec ces pesticides dits "tueurs d'abeilles".

C’est un texte qui a mis à mal la politique gouvernementale sur les néonicotinoïdes. La Cour de justice de l’Union européenne a publié un arrêté le 19 janvier dans lequel elle interdit formellement aux États membres de contourner l’interdiction des semences traitées aux néonicotinoïdes. Ces pesticides sont interdits en Europe depuis 2018 en raison de leur toxicité sur les pollinisateurs et l’ensemble du vivant, "documentée par plus de 1 100 publications scientifiques accablantes analysées par un groupe de chercheurs indépendants, la Task Force on Systemic Pesticides", souligne l’ONG Pollinis. 

Or, la France justement a déjà autorisé par deux fois des dérogations pour la filière betterave et s’apprêtait à faire de même pour l’année 2023, remettant en cause le caractère exceptionnel de ces dérogations. Le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau a finalement mis fin au suspens lors d'un point presse lundi 23 janvier. "Je n'ai aucune intention de balader les agriculteurs et en particulier ceux qui sont inquiets", a fait valoir le ministre, cité par l'AFP. Concernant la troisième dérogation, il commente : "C'est terminé pour cet élément là, la décision de la Cour de justice est suffisamment puissante pour ne pas instabiliser encore plus le système".

Coup de tonnerre

C'est donc un revirement. Le ministre de l’Agriculture avait en effet déclaré lors de l’Assemblée générale de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) en décembre dernier vouloir "prolonger la dérogation". Si la France se positionnait ainsi c’est que la filière betterave est particulièrement impactée par cette interdiction.

En 2020, certaines cultures ont ainsi été ravagées par la jaunisse. Les parcelles les plus touchées ont perdu jusqu’à 40 % de leur rendement, mettant la filière à genoux. Sur France Info, Christophe Buisset, vice-président de la chambre d’agriculture de la Somme, s’insurgeait contre l’arrêt européen : "Comment voulez-vous aller protéger des betteraves contre des pucerons si on n’a pas d’insecticides ? C’est comme soigner la grippe sans vaccin", a-t-il commenté.

La France n’est pas la seule à avoir mis en place des dérogations au sein de l’Union européenne. C’est le cas de la Belgique, qui a délivré six autorisations d’utilisations des néonicotinoïdes, de la Roumanie, l’Allemagne ou encore la Pologne. Or l’arrêté est clair : aucun État membre ne peut déroger aux interdictions de ces pesticides "tueurs d’abeille". 

"La fin définitive d'un écocide"

L'annonce d'un possible troisième dérogation avait provoqué une levée de boucliers de la part des associations, notamment celles membres du conseil de surveillance, créé en 2020 pour encadrer l'usage exceptionnel de ces néonicotinoïdes. Plusieurs organisations membres avaient d’ailleurs décidé d’en sortir, pour "ne pas se rendre complice d’une décision contraire au droit", avait expliqué le Président de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), Allain Bougrain-Dubourg, et pour ne pas "cautionner plus longtemps une instance qui ne constitue qu’un alibi et ne permet en réalité ni débat loyal et éclairé, ni décisions démocratiques", arguaient de leur côté l'association Agir pour l’environnement (APE) et le syndicat agricole Confédération paysanne.

Le revirement in extremis de la France est accueilli avec soulagement par les associations. "Nous saluons cette décision et cette victoire que nous emportons après de rudes batailles", écrit Générations futures dans un communiqué. "Le gouvernement doit désormais changer de direction et faire évoluer en profondeur notre agriculteur vers l'agroécologie". C'est "une grande victoire pour la biodiversité", ajoute de son côté la LPO.

Pour rappel, les géants de l'agrochimie Bayer (qui a racheté Monsanto) et Syngenta avaient déposé un recours contre l'Union européenne sur cette question. En mai 2021, la Cour de justice européenne avait tranché et confirmé l'interdiction des néonicotinoïdes concernés. 

Marina Fabre Soundron / www.novethic.fr


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