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PME et ETI représentent environ 30% de l’empreinte carbone de la France

05/02/2024

PME et ETI représentent environ 30% de l’empreinte carbone de la France

Le Monde de l’Énergie ouvre ses colonnes à François Perret, professeur affilié à l’ESCP Business School et directeur général de Pacte PME, pour évoquer avec lui la place des PME dans la décarbonation de l’économie française, et l’évolution de ce dispositif associant grandes entreprises et PME.

Le Monde de l’Énergie —Quelles sont les problématiques spécifiques aux PME pour assurer la réduction de leur impact carbone ? Quels secteurs sont particulièrement concernés par cette question ?

François Perret —L’économie française a la chance de pouvoir compter sur un tissu extrêmement dense de petites et moyennes entreprises, avec environ 150 000 sociétés dont un cinquième environ évolue dans le monde de l’industrie.

Autant les grandes entreprises disposent de moyens structurels importants (y compris en ressources humaines) et d’une trésorerie solide pour aborder le virage environnemental, autant les PME abordent la question de la transition énergétique avec la crainte d’engager des ressources qu’elles n’ont pas pour se décarboner.

Or, l’enjeu de la décarbonation des PME est de premier ordre dans la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre, alors qu’une sur dix seulement semble disposer, à l’échelle du continent européen, d’une approche structurée allant de l’engagement dans un bilan carbone à la réalisation d’investissements technologiques à consentir pour mettre en place une feuille de route bas carbone.

L’industrie en France est particulièrement concernée car elle représente un cinquième des émissions nationales de GES, soit une part plus importante que son poids dans le PIB et l’emploi (environ 13%). Les trois quarts des émissions viennent de la métallurgie, la chimie et de la filière ciment-béton. Les émissions industrielles sont très concentrées (les 50 plus grands sites français sont responsables de la moitié des émissions de l’industrie manufacturière), mais PME et ETI représentent environ 30% de l’empreinte carbone de la France et correspondent à un tissu difficile à mobiliser du fait de son éclatement. 

Dans ce contexte, de plus en plus de grandes entreprises comprennent qu’elles ont une responsabilité dans l’embarquement de leurs PME sous-traitantes dans un parcours de décarbonation complet.

Le Monde de l’Énergie —Pensez-vous que les aides publiques à la décarbonation sont aujourd’hui suffisantes et adaptées à des PME ?

François Perret —Il faut se réjouir que les aides publiques existent et soient nombreuses, ce qui montre le volontarisme de la puissance publique en matière de transition écologique que ce soit au niveau de l’Etat, des régions et même de l’Union européenne.

En fin d’année dernière, le gouvernement a recensé quelque 340 aides existantes au niveau national pour un montant dépassant deux milliards d’euros. Il était donc très important qu’il puisse veiller à ce que l’ensemble des dispositifs correspondants soient visibles de ses destinataires premiers, les entreprises. C’est chose faite puisqu’il est désormais possible d’y accéder en se connectant à une plateforme publique en ligne. Celle-ci est mise à disposition de toutes les sociétés et leur permet d’accéder à la fois aux propositions d’accompagnement et de financement disponibles pour réduire leur impact environnemental.

Le spectre couvert par les accompagnements visés par les subventions publiques est très large, offrant ainsi la garantie à toute entreprise, quelle que soit sa taille ou sa localisation et quel que soit son secteur d’activité de trouver une offre d’appui.

Le tout est de savoir se repérer dans ce maquis d’aides publiques. Il ne faut pas hésiter à demander conseil à des spécialistes, par exemple au sein de l’ADEME, afin de choisir le dispositif le plus adapté à son profil et à son ambition.

A moyen terme, il faudra se poser la question de savoir s’il ne serait pas possible de rationaliser l’offre d’appui disponible sur le marché et les aides publiques pour réduire le reste à charge financier de l’entreprise. On peut espérer que la loi PACTE 2, et le « choc de simplification » qu’elle entend produire, pourra s’intéresser à cette question. Mais voyons déjà le « verre à moitié plein » : des aides existent, les entreprises doivent s’en saisir !

Le Monde de l’Énergie —L’Alliance pour la décarbonation du Pacte PME vient de dévoiler les 50 premières PME concernées par le dispositif. Quels sont leurs profils, et quels sont les objectifs de décarbonation qui vont être mis en place ? Quels seront les rôles respectifs de l’État et des grandes entreprises tutrices dans ce processus ?

François Perret —L’Alliance pour la décarbonation et la transition énergétique que nous avons installée à l’été dernier est aujourd’hui parfaitement opérationnelle.

Neuf grands comptes l’ont déjà rejointe : Groupe Aéroports de Paris, Bouygues Construction, EDF, Engie, Orano, Naval Group, Sanofi, Schneider Electric et Thales.

Nous avons aussi sélectionné un groupement d’opérateurs, chargés de l’accompagnement individuel des 400 premières PME qui vont nous rejoindre d’ici la fin du printemps prochain.

D’ores et déjà, une première vague de 50 PME entre dans un parcours de décarbonation dès le mois de janvier 2024. Pour 60% d’entre elles, elles appartiennent à l’industrie manufacturière et de la construction, avec un fort contingent d’entreprises de la métallurgie. On a affaire à des entreprises déjà assez structurées dont le chiffre d’affaires moyen est de 20 millions d’euros et l’effectif moyen de 80 salariés. Quatre régions (Auvergne-Rhône Alpes, Ile-de-France, Nouvelle Aquitaine et Pays de la Loire) représentent à elles seules trois quarts de cet effectif.

L’accompagnement, piloté par Pacte PME, est mené conjointement par des opérateurs privés (autour de la société SAMI) et les grands comptes membres de l’Alliance. Ces derniers, en complément de l’accompagnement entreprise par entreprise (bilan carbone, plan d’action…), vont animer des ateliers collectifs de décarbonation secteur d’activité par secteur d’activité. Le premier démarrera début février pour identifier les leviers de décarbonation propres au secteur métallurgique. L’État (Direction Générale des Entreprises) soutient financièrement la démarche dans le cadre d’une convention sur trois ans, passée avec notre organisation en mai 2023.

Le Monde de l’Énergie —Associer une PME à une grande entreprise peut certes lui permettre d’accéder à de nouvelles expertises, mais les grands groupes sont-ils vraiment les meilleurs interlocuteurs pour mettre en place une stratégie de décarbonation (de nombreux organismes et cabinets se sont spécialisés dans cette question) ? Que répondriez-vous aux critiques affirmant que ce type de programme sert avant tout à soigner l’image et la communication de ces grands groupes ? Existe-t-il des exemples de collaboration de ce type fécondes ?

François Perret —Je discute depuis presque un an et demi avec plus de 30 grands comptes sur la question de la décarbonation. Et je me suis forgé une conviction très claire : les grands groupes sont réellement préoccupés non seulement par leur propre trajectoire d’émission, mais aussi par les émissions indirectes, et en particulier les émissions liées à leurs achats. D’ailleurs, la plupart des grands groupes ont déjà mis en œuvre des plans d’actions pour réduire leurs émissions directes et celles de leurs principaux fournisseurs au niveau mondial.


Il n’y a donc aucun cynisme de leur part à vouloir soutenir l’engagement de leurs PME sous-traitantes mais une considération éminemment pragmatique : c’est leur responsabilité de leader de filière que d’inciter leurs principaux fournisseurs à se doter d’un plan actif de décarbonation.

Et je vais le dire de manière assez directe : en retour, c’est tout à l’avantage pour une PME d’accomplir cette démarche, car à mon sens, elle apparaît de plus en plus comme un pré-requis à la pérennisation de leur relation commerciale avec les grandes entreprises. L’arrivée prochaine de la directive CSRD partout sur le continent européen rebat les cartes : en cascade, les grands groupes sommés de mettre en place un dispositif exigeant de reporting extra-financier…vont s’assurer que leurs principaux partenaires font de même. Et si ce n’est pas le cas, ils reconsidéreront certains marchés engagés. S’engager dans une démarche de décarbonation permet aussi de mettre en évidence des leviers de compétitivité et d’innovation : par exemple, une meilleure couverture des risques liés aux coûts de l’énergie ou des matières, l’identification de nouveaux modèles économiques, ou la sécurisation des filières d’approvisionnement. Dans un environnement incertain, fortement marqué par le choc récent sur les prix de l’énergie et les ruptures des chaînes d’approvisionnements, les PME sont conscientes de la nécessité de se transformer.

La décarbonation est un nouveau terrain d’expression de la coopération entre grandes entreprises, entreprises de taille intermédiaire (ETI) et TPE-PME. Mais depuis quinze ans, il y en a eu beaucoup d’autres. Ainsi, l’immense majorité des grandes innovations industrielles aujourd’hui est le résultat d’une rencontre féconde issue d’échanges entre grands groupes, PME et start-ups. A la co-innovation industrielle s’ajoute aussi, bien qu’à un rythme insuffisant dans notre pays, du co-développement à l’international.

Notre pays se réindustrialise lentement mais sûrement. L’exemplarité des coopérations inter-entreprises au sein des filières sera un déterminant de cette reconquête industrielle de laquelle dépend le plein-emploi, qui est l’une des ambitions économiques phare du président de la République, Emmanuel Macron. Cette réindustrialisation sera collective et verte ou ne sera pas !

lemondedelenergie

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