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L’élevage est-il incompatible avec la transition écologique ?

05/03/2024

L’élevage est-il incompatible avec la transition écologique ?

Un élevage à Saint-Quentin-Fallavier, dans la région lyonnaise, en février 2024. © Jean-Philippe Ksiazek / AFP

Un monde de broute. Viande, lait, œufs… l’élevag nous nourrit. Mais ses effets sur les sols, l’eau, le climat et le bien-être animal sont majeurs. Existe-t-il des modes d’élevage compatibles avec les impératifs écologiques ?

Parmi les mesures destinées à répondre à la crise agricole figure le nouveau plan du gouvernement français pour aider les éleveur·ses. Présenté le 25 février, il doit permettre d’assurer un revenu décent aux exploitant·es grâce à des allègements fiscaux.

La contribution de l’élevage à la transition écologique y est abordée en tout dernier ; la baisse de la consommation de viande est passée sous silence. Des sujets pourtant fondamentaux.

En France, l’élevage est responsable à lui seul de 46 millions de tonnes de CO2-équivalent (en 2021), soit 11% du total national, selon un récent rapport du Haut-Conseil pour le climat dédié à l’agriculture. En tête, de loin, les bovins (93% des émissions de l’élevage), suivis des porcins et des volailles.

Selon les animaux, le type d’exploitation et leur concentration sur un territoire, les élevages ont des impacts environnementaux très divers. Outre les gaz à effet de serre, l’élevage intensif peut-être très gourmand en eau et causer de nombreuses dégradations environnementales comme les effluents de lisiers de porcs qui créent des pollutions aux nitrates des cours d’eau et les rejets d’ammoniac dans l’air. Les élevages les plus denses sont aussi le lieu de propagation d’épidémies : grippe aviaire, peste porcine africaine, etc.

ne évolution indispensable de la filière et de la consommation

En 2023, la Cour des comptes française recommandait d’accélérer la réduction du cheptel bovin pour atteindre les objectifs climatiques du pays, alors que les ruminants émettent de grandes quantités de méthane, gaz à effet de serre très puissant. Le tout, en accompagnant les éleveurs et en encourageant les citoyen·nes à réduire leur consommation de viande.

Pour l’heure, la décrue est trop lente, subie et non planifiée : «La disparition de l’élevage s’inscrit dans l’arrêt des exploitations dû aux départs en retraite et au simple fait que le métier d’éleveur n’est plus attractif, décrit René Baumont, directeur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) spécialisé dans l’élevage. On le voit en ce moment, les revenus dégagés par l’élevage d’animaux ne motivent plus les jeunes à s’installer dans ce domaine. […] Il faut trouver de nouveaux systèmes plus équilibrés pour offrir plus de perspectives aux agriculteurs. Il faut réduire la spécialisation des fermes et encourager la diversification.»


Le rôle central des prairies

L’année dernière, François Renou, agriculteur en transition biologique dans la Sarthe, a décidé d’arrêter l’élevage de porc «Label Rouge», pourtant principal revenu de sa ferme. «Je ne me reconnaissais pas dans les méthodes d’élevage. Ça frôlait la maltraitance animale», confie-t-il à Vert.

Le jeune agriculteur de 25 ans a préféré se focaliser sur son cheptel de 80 vaches. «Mes vaches broutent l’herbe des prairies que les humains ne peuvent pas manger et elles me fournissent du fumier organique pour nourrir mes sols, explique-t-il. Mes cochons mangeaient des céréales qui auraient pu servir à nourrir les humains. Ça me paraissait insensé». Heureusement pour l’éleveur, sa transition en agriculture biologique lui a permis de toucher de l’argent supplémentaire de l’Europe via la Politique agricole commune (PAC) pour compenser la perte de son activité porcine.

Pour Jean-Louis Peyraud, également spécialiste à l’Inrae, l’élevage en prairie peut être un vrai atout environnemental. «En France, les prairies naturelles représentent environ dix millions d’hectares, c’est presque la moitié de la surface agricole utile, précise le chercheur. Ces espaces sont indispensables pour conserver le carbone dans les sols et aussi permettre de préserver les paysages agricoles avec leurs haies. On a coutume de dire qu’une vache, c’est 100 mètres de haies, dont on connaît le rôle essentiel pour la biodiversité en fournissant des habitats à de nombreuses espèces.»

Pour Sylvain Doublet, agronome pour l’association de recherche sur l’agriculture Solagro, «il y a une quantité de cheptel optimale pour émettre le moins possible tout en entretenant les prairies. Ce qu’il faut retenir c’est qu’il faut réduire la taille des élevages, ne pas les concentrer au même endroit et privilégier les alimentations à l’herbe. En plus, ce type d’élevage met au centre le bien-être animal». Selon lui, le gouvernement devrait encourager ces pratiques avec «une meilleure rémunération des éleveurs qui apportent des services écosystémiques».

Les animaux d’élevage fertilisent aussi les sols, de quoi réduire la consommation d’engrais azotés, néfastes pour la biodiversité et le climat. D’après le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), les exploitations qui mêlent élevage et cultures sont plus résilientes face aux chocs climatiques.

Moins de concentration des élevages et des pratiques agroécologiques

Hélas, la tendance va dans le sens contraire aujourd’hui. Dans un rapport publié en 2020 qui s’intéresse aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), ces immenses fermes où sont concentrés les animaux, Greenpeace pointe une tendance à l’industrialisation des élevages dans l’Hexagone depuis une trentaine d’années.

Plus petits, moins concentrés, faits de prairies plutôt que de bâtiments fermés ; inscrits dans une transition agroécologique, les élevages peuvent devenir de véritables atouts pour le climat et l’environnement.

vert.eco

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