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Les territoires, fers de lance du combat climatique

10/04/2021

Les territoires, fers de lance du combat climatique

                                                                                                                        CCO by pxhere

Dans son « Bilan mondial 2021 de l’action climat des territoires », publié le 6 avril, Climate Chance vante le rôle des villes organisées en réseaux, l’Europe, pionnière, en étant l’avant-garde. L’association observe aussi des Etats peu disposés à associer l’échelon local.

«Nous avons pris le pouls des villes et des régions », image le coordinateur de l’étude, ­Amaury ­Parelle. « Nous décrivons les tendances, mais aussi les signaux faibles », précise l’un des co­auteurs, ­Antoine ­Gillod. Le « Bilan mondial 2021 de l’action climat des territoires » de Climate Chance, publié mardi 6 avril, n’entend pas être une hagiographie des politiques publiques menées par les collectivités territoriales en la matière, mais un « rapport “saint Thomas” du climat », selon le mot du président de l’association, Ronan Dantec. « Nous n’inventons pas du narratif sur les engagements, nous nous en tenons à ce qui est fait », ajoute-t-il. Les rédacteurs s’appliquent en effet, en s’appuyant ici et là sur des réalisations, à dresser un état des lieux des projets locaux menés sur les six continents, pour en tirer des enseignements.

Initiatives régionales

Les collectivités sont les bonnes élèves de la lutte contre le changement climatique, les villes européennes en premier lieu, telle pourrait être la première de ces leçons. Le rapport relate ainsi le rôle clé des initiatives régionales, regroupées sous l’étendard de la Convention mondiale des maires pour le climat et l’énergie (GCOM), qui réunit quelque 10 600 villes représentant près d’un milliard d’habitants dans 140 pays.

Lancée dès 2008, l’aînée de ces alliances est en Europe. Ses signataires surpassent les résultats des Etats membres de l’Union européenne dans la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Turin (Italie) l’illustre, avec une baisse de 44 % entre 2017 et 1990, grâce à la tertiarisation de son économie et à des actions sur les bâtiments, les transports ou le réseau de chauffage urbain.

Née en 2017 au ­Chili, sa petite sœur pour l’­Amérique latine et les ­Caraïbes (GCOM-LAC) est celle qui connaît la plus grande dynamique, avec plus d’une centaine de nouveaux membres depuis 2019. Les municipalités argentines, dont près de 200 se sont constituées en réseau, sont montrées en exemple. Le réseau, s’il n’est pas un prérequis, est un atout majeur dans le combat climatique, vante le rapport. En en déclinant les bénéfices : on y discute de bonnes pratiques, on les diffuse ainsi, et cela peut conduire à des mutualisations.

Justice sociale

Ces échanges ne doivent toutefois pas se limiter à la diminution des émissions, explique l’association, qui consacre une section de son étude aux objectifs de développement durable (ODD) définis par l’­Organisation des Nations unies en septembre 2015, trois mois avant la COP 21 de Paris. « La transition ne peut se résumer à la question carbone, justifie ­Antoine ­Gillod. C’est dans l’ADN de Climate Chance d’établir ce lien. » Si un seul des 17 ODD vise explicitement la lutte contre le changement climatique, « nombre d’autres s’en rapprochent », poursuit-il, en se souvenant qu’à la COP 24 de Katowice (Pologne), en décembre 2018, « on parlait des “gilets jaunes” français à toutes les sessions. Les participants étaient ­choqués que le ­mouvement soit parti d’une taxe carbone. » La question de la justice sociale est consubstantielle de l’action climatique, soutient ­Climate ­Chance, qui cite notamment les villes de ­Bristol (­Royaume-Uni) et de ­Strasbourg (France) comme des modèles de collectivités menant des démarches structurantes afin d’aligner leur action climat avec l’atteinte des ODD.

La pandémie de Covid-19 n’a pas freiné les territoires, qui « restent des lieux d’innovation et ­d’expérimentation », constate également l’étude. En observant l’accélération de certains programmes, comme en témoigne le développement des infrastructures cyclables, rebaptisées coronapistes. Visant à l’origine à répondre « d’urgence » aux contraintes du premier confinement, elles tendent à se pérenniser dans le cadre de politiques ciblant les émissions du secteur des transports. Ce même objectif a conduit ­Bogotá (Colombie) à se doter, en 2020, d’une flotte de bus électriques devenue la plus importante d’­Amérique latine.

villes signataires de la convention mondiale des maires

Effet collatéral de la crise sanitaire, le concept de « ville du quart d’heure » gagne du terrain. Imaginé en 2016 par le chercheur et spécialiste de la smart city ­Carlos ­Moreno, il est en particulier défendu par l’organisation C40. Ce réseau d’une centaine de métropoles situées dans les six continents, regroupant 8 % de la population mondiale, en a fait une stratégie prioritaire, pour « rendre la ville plus résiliente ». Certaines de ses adhérentes, comme ­Melbourne (­Australie) ou ­Ottawa (­Canada), ont décliné l’idée à l’échelle du quartier.

Autre conséquence, l’idée de souveraineté alimentaire fait son chemin. Dans la Déclaration de Glasgow sur l’alimentation et le climat de décembre 2020, 35 villes, d’Europe, d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie, estiment que la pandémie « a mis en évidence la fragilité de nos systèmes alimentaires et les vulnérabilités des populations » dans ce domaine. Elles appellent les gouvernements nationaux à placer ce sujet « au cœur de la réponse mondiale à l’urgence climatique ». Et réclament la mise en place d’une gouvernance multiacteur et multiniveau pour s’y atteler.

Le levier de la gouvernance

Cette revendication du monde des collectivités à être pleinement associées par les États à l’élaboration des politiques climatiques puis à leur mise en œuvre est approfondie par Climate Chance, qui rappelle que le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a, en 2018, expressément identifié la gouvernance multiniveau comme « un levier permettant d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris ». Et de souligner que les règles d’application de celui-ci font d’ailleurs référence au « rôle clé joué par un grand nombre de parties prenantes », parmi lesquelles figurent les régions et les communes. Notamment parce qu’elles sont « plus agiles que les gouvernements centraux » et savent mener des « stratégies sur mesure » grâce à leur « connaissance du contexte territorial ».

Climate Chance décrypte la relation entre les ­différents échelons au ­Canada, en ­Allemagne, au ­Brésil et en France. Elle dépend de l’histoire insti­tutionnelle de chacun. Et c’est là où l’État est le plus fort, en France donc, que pèsent le plus de contraintes d’action climatique sur les collectivités territoriales.

A six mois et demi de la COP 26, qui doit se tenir à ­Glasgow (Ecosse), parmi les pays ayant déjà transmis leurs objectifs actualisés sous la forme d’un document appelé ­Contribution déterminée au niveau national, « seule une poignée », l’­Amérique latine s’illustrant, mentionnent les autorités locales et régionales comme actrices de la mise en œuvre de leur stratégie, observe Climate Chance. Qui le déplore d’autant plus que ces engagements censés rehausser le niveau d’ambition ne permettent pas, loin de là, d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris.

FOCUS

3 questions à Ronan Dantec, président de Climate Chance

Le bilan de Climate Chance célèbre-t-il l’action climat des territoires ?

Un certain nombre de territoires représentent l’avant-garde sur le climat, et l’Europe est l’avant-garde de cette avant-garde. Il serait bien sûr illusoire de prétendre que tous agissent. Il est surtout intéressant de noter que, quand les villes mettent leurs politiques publiques en cohérence avec des objectifs climat, elles obtiennent des résultats. C’est un message passé aux Etats.

L’Amérique latine s’illustre dans cette étude…

Cela fait des années qu’on observe un dynamisme dans cette région du monde, avec des villes très mobilisées, en ­Colombie ou au ­Brésil. A contrario, on manque de données sur leurs homo­logues asiatiques, en particulier chinoises. Se pose la question des collectivités en ­Afrique : si le continent en soi contribue peu aux émissions mondiales de CO₂, à ­Lagos (­Nigeria) par exemple, la classe moyenne émet plus par habitant que celle des villes européennes. Il faut lancer la mutation de ces territoires avant qu’ils ne se retrouvent dans des situations compliquées.

Votre rapport regrette que les États ne prennent pas assez en considération les collectivités…

En 2010, à ­Cancún (Mexique), on avait obtenu la mention des villes et des gouvernements infra­nationaux dans le préambule de l’accord. Puis on a vu un blocage des États. Je pense qu’on est maintenant dans un entre-deux, entre la reconnaissance pleine et entière du rôle clé des acteurs non étatiques, notamment les collectivités, et la volonté des États de garder totalement la main sur les négociations.

FOCUS

Des retards sur l’adaptation

Bien que l’adaptation au changement climatique soit mentionnée deux fois plus que l’atténuation dans le texte de l’accord de ­Paris de 2015, les États n’ont toujours pas pris la mesure du sujet, observe ­Climate ­Chance, en relevant que les collectivités « sont souvent peu associées [par l’échelon national] quand il s’agit de définir le problème et de concevoir des mesures ». Or, c’est au niveau local que les impacts du ­dérèglement sont visibles, et ils « peuvent grandement varier d’un territoire à un autre », souligne l’association. Cela rend néces­saire la coopération entre toutes les strates administratives dans l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies, ­remarque-t-elle. Sans exonérer pour autant les territoires, dont beaucoup « éprouvent des difficultés à dépasser le stade du diagnostic ». La proximité du risque est un aiguil­lon : les plus volontaires se situent dans des régions vulnérables : ­Brésil, ­Australie ou en ­Afrique de l’Ouest.

www.lagazettedescommunes.com


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