« En Bretagne, les pesticides sont partout », alerte le biologiste Pierre-Henri Gouyon

« En Bretagne, les pesticides sont partout », alerte le biologiste Pierre-Henri Gouyon

05/12/2025

Après des années de baisse, entre 2020 et 2023, la vente de produits phytosanitaires a augmenté de 4,5 % en Bretagne. Des herbicides essentiellement, qui sont épandus sur les champs de céréales - Thierry Creux. | ARCHIVES OUEST FRANCE

À l’occasion du colloque « Pas de futur sans nature » organisé mardi 25 novembre 2025 à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) par l’association Eau et Rivières de Bretagne, le biologiste et professeur émérite au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) Pierre-Henri Gouyon revient sur les risques sanitaires liés aux pesticides en Bretagne.

Entretien avec Pierre-Henri Gouyon, biologiste et professeur émérite au Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN).

Pourquoi l’agriculture bretonne telle qu’elle est pratiquée peut-elle avoir un risque sur la santé des Bretons ?

Car elle est en majorité fondée sur une homogénéité des cultures, avec peu d’espèces différentes récoltées et des variétés très homogènes, mais aussi sur l’élevage industriel. Ce système a deux conséquences : il favorise l’éclosion de pathogènes, comme la maladie de Lyme (causée quand trop de renards sont exterminés et que les rongeurs pullulent, transmettant la maladie via leurs tiques) ou encore la grippe aviaire ou porcine.

Pierre-Henri Gouyon, biologiste et professeur émérite au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN). | UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE

Il y a aussi la question des pesticides ?

Oui, comme les cultures sont homogènes, les plantes peuvent être malades et sont donc traitées avec des pesticides : insecticides, herbicides ou fongicides. C’est une menace majeure pour la biodiversité. Et la cause de la chute brutale des insectes notamment, avec une baisse de 75 % des populations depuis 30 ans. C’est monstrueux, car les espèces ne peuvent plus évoluer et sont condamnées. Et si les pesticides peuvent tuer les plantes et les abeilles, ils peuvent tuer tout le monde.

Les pesticides se retrouvent aujourd’hui dans l’air et dans l’eau. | FRANCK DUBRAY / OUEST FRANCE

Peut-on territorialiser ces risques pour la santé dans la région ?

Aujourd’hui, les êtres humains sont touchés eux aussi, car les pesticides circulent dans l’air et dans l’eau. Des traces ont même été retrouvées dans les nuages, dans le Puy-de-Dôme, par exemple. Ça se répercute à travers les maladies qui touchent beaucoup d’agriculteurs, mais aussi l’augmentation des cancers infantiles. Quelques études ont été menées sur les territoires. En Bretagne, une région rurale avec de l’agriculture intensive, on peut facilement imaginer que les pesticides sont partout.

Comment prévenir le risque de maladie ?

Il faut commencer par aider les agriculteurs à changer leurs modes de production, en déconcentrant les élevages notamment. Il faut que les pouvoirs publics donnent des aides aux agriculteurs plutôt qu’aux producteurs de pesticides. Sinon, nous n’y arriverons pas.

Aujourd’hui, certains discours veulent remettre en cause la parole des scientifiques sur le sujet des pesticides ?

Les chercheurs font constamment face aux discours de ceux qu’on appelle les « marchands de doute », un concept développé par les marchands de tabac des années 1950, qui voulaient tourner l’opinion à leur avantage. Ces lobbyistes vont jusqu’à financer des recherches sur d’autres causes de maladies pour cacher celles dont ils sont responsables. Certains infiltrent même les instances de défense de la biodiversité ou les COP pour les discréditer. Pour s’y retrouver dans toutes ces informations, je conseille le livre de Stéphane Foucart, « Et le monde devint silencieux », qui montre comment les firmes agrochimiques ont truqué le débat public.

ouest-france

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